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EDITORIAL ECONOMIQUE

DERIVES DOUTEUSES DU CAPITALISME CONTEMPORAIN

Le capitalisme opaque et spéculatif s’oppose désormais au capitalisme réglementé. Un système qui retient en otage les États et les consommateurs, sans parler des salariés et les petits actionnaires. Mais ce capitalisme-là s’est émancipé. Entre contournement massif des règles par le « hors bilan « et les paradis fiscaux, les interdis ont explosé. Est-on impuissant face à ce pouvoir occulte que la classe politique n’ose pas affronter ?

En effet, derrière les façades centenaires des institutions de Wall Street, de Londres, de Paris ou de Hongkong, un nouvel ordre bancaire s’est mis en place imperceptiblement au milieu des années septante. Les fondements du commerce de l’argent codifié après le krach de 1929 pour les besoins du capitalisme industriel, se sont effrités, puis ont explosé, sous la poussée d’une force brute nommée finance. En une décennie, les frontières nationales et les chaînes législatives qui régulaient les établissements de crédit au troisième rang économique, derrière  les États et les grandes entreprises, ont tour à tour, été brisés . Le marché planétaire appelait un système bancaire global.

Ce nouvel ordre dispose d’outils, d’argents, d’institutions de régulations spécifiques. Dans les bureaux haut perchés, le jeune loup au costume clinquant a évincé l’homme gris et son sous-main de cuir. Il s’agit de l’émergence de tactiques florentines, des tactiques d’une sophistication inédite dont le but principal est encaisser de profits himalayens qui supplantèrent le ronron du prêt à intérêt garantissant 3%. L’informatique et les mathématiques, notamment algorithmiques ont aboli l’espace et le temps des transactions.

En Europe, la politique monétaire estimé à tort ou à raison, le rouage central du gouvernement économique, fut soustraite au monde politique et placé sous le contrôle d’une Banque Centrale faussement indépendante , c’est-à-dire proche des milieux d’affaires .

En effet, après quatre ans de tempête financière, un regard sur les ruines de l’économie mondiale inspire une question qui peut sembler triviale : au fait, à quoi devait servir les banques ?

Avec trois décennies de recul, l’ajustement des économies aux pouvoirs des banquiers paraît limpide, puisqu’il procède d’une triple automutilation, à savoir, en premier lieu, la première intervient à partir des années septante, quand les puissances publiques se sont interdites d’emprunter directement à leur banque centrale. Il leur faudra se tourner, à grands frais, vers les marchés. La seconde, découle de l’amputation des recettes fiscales, et enfin la troisième dérive de la déréglementation du commerce de l’argent. Dès lors, les institutions du crédit prennent la barre.

 Au début des années nonante, les profits des banques américaines avaient dépassé allégrement ceux de l’industrie manufacturière. Il s’agit d’un mouvement inédit qui a pour conséquence l’état lamentable actuel de l’économie mondiale. En effet, en analysant la financiarisation de l’économie britannique à la fin du XIX ème siècle, l’économiste John Hobson, notait que l’univers de la banque et de la bourse « forme le ganglion central  du capitalisme international «  *. La city prenait le pas sur l’industrie. Cette évolution avait sonné le glas de l’économie anglaise en déplaçant le centre du capitalisme vers l’Amérique.  Après deux cycles d’accumulation qui se succédèrent depuis la fin du Moyen Age sous forme d’expansion, l’une matérielle et la seconde financière. Cette dernière prélude au déclin et au basculement d’un centre vers l’autre : de Gênes (XV ème -XVI ème siècle) aux Pays-Bas (XVII ème et XVIII ème siècle), à la Grande Bretagne (XIX ème siècles), aux Etats-Unis. Et maintenant de Wall Street à Shanghai.

Quand à nous, nous n’avons pas attendu les turpitudes financières de ces jours pour donner notre point de vue , parue  sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch   du 21/04/2010  sous le titre « DESCENTE AUX ENFERS DE L’ECONOMIE MONDIALE «  dont voici une copie :


LA DESCENTE AUX ENFERS DU LIBÈRALISME FORCENNÈ

Soixante-dix-neuf ans après le krach de 1929, le monde financier replonge dans la crise, la plus phénoménale, depuis la naissance en 1948, des institutions de Bretton Woods, à la fin de la deuxième guerre mondiale, pour conjurer le spectre de la crise de 1929.

Encore une fois la planète finance sombre dans les abîmes de l’incertitude suite à l’inconséquence de certains financiers qui ont confondu banque et casino. Car quelque soient les mesures prises pour tenter d’enrayer la descente aux enfers des produits financiers, il y aura un avant du mercredi noir financier et un après.

Qui aurait imaginé que le système financier mondial se désintégrerait en dix-huit mois ? Personne ! Même les analystes les plus chevronnés n’ont vu que du feu. Ce qui est, le moins qu’on puisse dire, « navrant «, en mesurant nos propos.

En effet, le monde de la « haute finance « est passé en quelques trentaines d’années de l’aveuglement avancé à la cécité totale. Après les années « folles » entre 2002 et 2007, le coup de pied de l’âne était prévisible, mais personne ne savait où il allait frapper. Car à part quelques économistes éclairés, qui avaient essayé, par tous les moyens, de tirer la sonnette d’alarme, sans succès, aucun. Car les banques ont fait barrage en verrouillant les systèmes d’information, et en terrorisant tous ceux qui osent mettre en doute leur stratégie ou critiquer leurs méthodes, plus proches de ceux des gangsters que ceux des gentlemans.
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* John Hobson, Imperialism.A.Study 1902, cité par Giovanni Arrighi, The Long Twenteih, Century, Money; Power andTheorigins of Our Times (1944), verso Londres, 2010.


En effet, l’hégémonie des banques s’est greffé le lourd héritage du krach des années trente, qui arracha les néolibéraux de leur douce somnolence en leur rappelant leurs vieux démons, responsables de la deuxième guerre mondiale.

Par ailleurs, malgré les krachs répétés, ces trente dernières années, (un krach tous les sept ans) certains dirigeants des institutions de Bretton Woods trouvent la parade, en ne se gênant pas, de fanfaronner comme un coq gaulois : « une fois l’incendie sera éteint, il faudra simplifier l’architecture du système financier multilatéral «, déclarait le directeur du FMI, Dominique Strauss Khan.  Cet appel signe l’échec prévisible d’un système bâti, à Bretton Woods, en 1944, pour conjurer le spectre de la crise de 1929 (…) sic !  Si on croit ses dernières déclarations DSK a déjà changé son fusil d’épaule,

 Aujourd’hui, il prône une réforme en profondeur des institutions de Bretton Woods. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis (…).          

  Pourtant, les économistes savent pertinemment qu’une page du modèle inauguré au début des années quatre-vingt, par Ronald Reagan et Margaret Thatcher et perpétré par ceux qui suivirent jusqu’au krach retentissant  du mois d’octobre 2008 . Un modèle qui allie suavement un couplage de l’économie réelle (la production, la répartition des ressources et la dépense ou l’utilisation des revenues) aux turpitudes de la finance déchaînée).

En trente ans, la politique du casino a pris le dessus sur une gestion raisonnable du bien public.  Dans la nouvelle configuration monétariste, les villes commencent à ressembler à des stations thermales de luxe où le service du cantonnier dépend étroitement de la prospérité du casino local, à travers ses bandits manchots,   ses salles de jeux et ses restaurants qui alimentent la trésorerie du casino, tout en rognant sur le maigre salaire du cantonnier (…). Il s’agit, bien entendu, d’un euphémisme car la réalité est encore plus complexe.

En effet, pour faire croire à un découplage de l’économie réelle de la finance, cette dernière a fait semblant de mener sa vie en dehors des lois macroéconomiques proches des théories de l’approche standard : « la synthèse néoclassique keynésienne «. Jusqu’à un certain point, la sphère financière a cru assurer sa propre dynamique spéculative qu’elle entretenait elle-même en recourant à des méthodes peu avouables comme « le jeu de l’avion « qui consiste à : « gruger le premier client pour financer le second « et ainsi de suite … 

Par ailleurs, pour financer ses guerres en Irak et en Afghanistan, George W. Bush et sa clique d’incapables, ont ouvert les vannes du crédit à un taux d’intérêt dérisoire qui incita les pauvres à s’endetter lourdement afin de compenser la baisse réelle de leur pouvoir d’achat et continuer à consommer à crédit, en gageant leurs biens immobiliers achetés à crédit. La boucle est bouclée quand emprunteurs (banques institutions de crédit et autres prêteurs à gages) se retrouvent à sec, suite à l’échec de leur martingale de sub-primes titrées, fourguées à travers le monde, en tant qu’investissement accolé à un titre réel.

L’investisseur Lambda qui ne se doutait de rien, croyant qu’il avait acheté des titres X, vendu par la Banque Y, dont il est client et qui lui avait confié ses économies pour les garder ou investir dans un produit non spéculatif, se trouve, du jour au lendemain,   propriétaire d’une masse de produits toxiques dont la valeur absolue frise le néant, de surcroît invendables. Il ne lui reste que ses yeux pour pleurer ou se retourner vers la justice (…).

 En effet, la hausse des prix de l’immobilier servait de garanties d’emprunts à des banques ravies de prêter à des ménages qui n’avaient pas de quoi se loger (après deux cents ans de progrès économiques interrompus) sic ! Ces prêts eux-mêmes alimentaient la demande de logements et validaient les paris à la hausse des vendeurs de crédits hypothécaires à des emprunteurs sans moyens.
       
Le système sophistiqué mis en place avait pour but principal de faire croire à « croissance sectorielle « dans l’immobilier alimentée par des « lignes de crédits à des ménages sans le sous qui se croient « riches « à mesure que la valeur du logement augmentait et par conséquent soutenait la consommation. Au moment où la croissance des salaires stagnait à cause de la domination de l’actionnariat sur l’entreprise.

La hausse des cours en bourse sert à alimenter les rendements exorbitants imposés par les grandes entreprises côtés en bourse ce qui contribuait en retour à alimenter la hausse des rendements. Ces mêmes rendements prodigieux permettent de dégager de la liquidité surabondante censée de financer, à leur tour des projets d’investissements productifs mais ne finançaient plus. Le surplus allait aux dividendes et aux rachats d’actions lesquels entretenaient vaillamment la hausse des cours. Bref une sorte de martingale qui alimente l’espoir de tirer le jackpot en jouant à la hausse et partir avec la caisse le moment où le navire amiral commence à sombrer dans les abîmes abyssaux en jouant à la baisse. (…) sic !

Pendant les années fastes (environ vingt-cinq ans), cette phase de capitalisme inaugura la réhabilitation des marchés financiers au tournant des années quatre-vingt. La finance n’a jamais pris son envol pour mener sa propre vie. Non seulement elle ne pouvait se développer qu’à la faveur d’un gigantesque prélèvement du travail salarié, en fournissant à ce système une « martingale « , défiant les lois de l’équilibre , dit du roseau «  vaciller sans choir «  .   

En effet, la machine s’est emballée avec la libéralisation des marchés financiers, le développement des fonds d’épargnes en tout genre : fonds de pensions, assurances sur la vie, communément connus sous l’appellation de « deuxième et troisième pilier «. Le premier pilier d’épargne étant de l’épargne de base (AVS), en Suisse. Par exemple.

Pour valider la « nouvelle gouvernance « les autorités de surveillance ont laissé couler en donnant aux actionnaires d’exorbitants pouvoirs, tout en mettant sous pression les entreprises dites classiques en exigeant d’eux des rendements prohibitifs .

 L’investissement se trouva déprimé, cantonné à des franges plus juteuses. Et, tandis que sévissait la police des salaires, les conditions se mettaient en place pour que le frein ainsi serré sur la formation de la demande ne se retourne pas contre le système .        

Par ailleurs, l’investissement des entreprises et la consommation des salariés constituent les deux principaux piliers de la dépense totale dans l’économie; leur atonie aurait pu nuire aux objectifs des actionnaires, en faisant baisser les profits. Mais par une ruse dont « l’histoire a le secret, la baisse de l’investissement des entreprises et la consommation issue des salaires a été progressivement relayée par la consommation des copieux dividendes versés aux actionnaires et par les dépenses des ménages financés par un endettement institutionnel « .

En effet, les profits réalisés sous d’autres tropiques et rapatriés par des grandes entreprises américaines et européennes ajoutaient un joli bonus.  La dictature des actionnaires fut pendant le dernier quart de siècle écoulé un obstacle à toute idée de partage de richesses, devenus, après le krach le maître mot de tout un chacun.

La déréglementation généralisée inaugurée par Ronald Reagan au début des années quatre-vingt fut un champ d’expérimentation du néolibéralisme triomphant. Menant ainsi, l’économie réelle dans les méandres de la spéculation, le développement du marché de la dette, produits dérivés, sonnant ainsi le glas au bon vieux « sagesse des marchés ». Et annoncer la victoire des jeunes loups de la finance sur l’establishment du vieil argent d’un côté. La mise à pas du salariat est de mise ainsi que le triomphe politique et idéologique des promoteurs du libre-échange de l’autre : telles sont les réponses néolibérales à la déstabilisation du monde de Bretton Woods par le flottement des monnaies et des chocs énergétiques.

Leurs partisans ne leur trouvent que des avantages : profits des entreprises, augmentent, l’inflation baisse, la bourse flambe, l’abondance de liquidités favorise l’innovation technologique.  En revanche les détracteurs de ce nouvel ordre objectent, que la finance de marché a enclenché un véritable moteur à explosion.  Sociale, avec le chômage de masse qui mène à terme à une explosion économique, avec le découplage progressif de la production et de la spéculation.

L’un après l’autre, tous les éléments du système craquent : la bourse débridée, avec le krach de 1987; la banque déréglementée , avec la faillite des caisses d’épargnes américaines; suivies par l’éclatement de la bulle immobilière en Asie, plongeant le Japon dans une récession qui a duré une décennie  de marasme économique . L’interdépendance économique et financière mena l’économie thaïlandaise en 1997, à la banqueroute.    Les économies fragiles de la Russie et de l’Amérique latine s’écroulèrent comme un château de carte face à l’hégémonie d’un système devenu fou, sourd et aveugle qui, dans sa folie meurtrière, comme un ouragan balaya la planète, laissant derrière lui une friche que le G20 essaye, sans apriorité favorable,    de colmater les innombrables brèches, dans l’urgence et l’incertitude totale.            

LE LOURD HERITAGE DES BÂTISSEURS DE RUINES

Par ailleurs, il est incontestable que les gouvernements occidentaux avaient hérité une équation, le moins qu’on puisse, dire absurde : moins de recettes, plus de besoins et une dépendance vis-à-vis de leurs créanciers. La plupart d’entre-eux ont d’ores et déjà accepté la fatalité que le système fonctionne à l’envers. En théorie, les banques conçues des pompes à crédit financent l’économie. En pratique, l’économie finance des conglomérats bancaires actifs dans tous les métiers du capital, notamment : les dépôts, les investissements, ingénierie financière et autre assurance.

En effet, l’emprise qu’ils exercent sur le quotidien des communs des mortels s’avère de plus en plus compliqué, si on considère qu’il y a seulement quarante ans n’était pas envisageable, dans la mesure où vivre sans compte bancaire n’est plus possible, en Europe, les Etats-Unis et Japon. Même l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient ont été contaminé par la fièvre de banquerisation depuis, le début des années quatre-vingt **. Ce renversement ne fut pas immédiatement perceptible. Longtemps, les biens-pensants avaient mis sur le compte des excès de l’innovation toutes les crises financières : la faillite des Caisses d’Èpargne aux Etats-Unis dans les années quatre-vingt, le naufrage de la banque Barrings, en 1995, suivi de l’effondrement frauduleux , en 2001 de l’électricien Enron, devenu courtier en produits dérivés (…) sic!

Par son ampleur et sa violence, la crise de la sub-prime a fait apparaître depuis 2007 le fil rouge qui relie tous les jalons. Elle révéle, à l’échelle planétaire l’état du système financier : « Un pur et colossal système de jeu de tripotage «, d’après les mots de Karl Marx ***.

Aux Etats-Unis, en Espagne, en Irlande, les banques avaient spéculé sur la hausse infinie de l’immobilier. Elles ont perdu. Lestées par leurs dettes irrécouvrables, mais jugées trop centrales pour couler sans entraîner avec elles l’ensemble de l’économie. Elles ont transféré leurs pertes aux États.  Lesquelles plombés, à leur tour, présentent la note à leurs populations sous la forme de plans d’austérité. C’est que la spéculation n’est pas qu’un jeu d’esprit. La base des montages les plus entortillés se trouve toujours un actif « sous-jacent «, vous diront, les courtiers. En réalité, il s’agit d’une valeur, c’est-à-dire sur un travail humain. Quand la pyramide s’écroule, quelque un doit solder les comptes en faisant travailler les peuples pour rembourser les banques qui ont joué au casino en appliquant l’adage : « les pertes sont publiques, mais les gains sont privés «. A nous les bonus, à la populace les pertes. Et la rigueur pour les gouvernements qui ne gouvernent plus, depuis 1970.     

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** Notre Thèse de doctorat « L’intégration économique du Maghreb entre le possible et le réalisable - BSL -CH 2001 «  , mise en ligne, en format PDF,   le 01/03/2009   sur notre site : www.dr-ben-abdallah.ch

*** Karl   Marx, Le Capital, Livre III, dans (Œuvres II) Economie II, Gallimard, Paris, 1968.


 Rappelons-nous du marchandage mesquin de Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque Centrale européenne, du mois d’août dernier, quand ce dernier obligea l’Italie de se soumettre aux conditions drastiques imposées à un pays, somme toute bénéficie d’un tissu social et économique sain, mais mal géré par un énergumène, dont la fortune personnelle s’élève à plusieurs milliards d’euros (troisième fortune d’Italie), selon le magazine « Forbes » de cette année.  Aux turpitudes économiques du sieur Silvio Berlusconi, s’est greffé ses frasques sexuelles qui, en dernier recourent, ont obligé les Agences de notation de dégrader la note de l’Italie. Dès lors, voici un pays, économiquement saine, se voit payer les turpitudes de son premier ministre. En effet, que les banquiers centraux somment Silvio Berlusconi, répétons la, troisième fortune du pays d’accès aux requêtes du patronat ne comporte au fond, rien de surprenant, puisque les classes politiques à Dublin, Madrid ou Athènes ont accepté leur mise sous tutelle sans rechigner.  Leurs intérêts n’en pâtirons pas …Aussi l’erreur serait de considérer la puissance dévastatrice des banques hors de la configuration sociale qui l’engendre. Comme l’alchimie, le commerce débridé de l’argent repose sur le mythe de la création de richesse. Celui qui ne s’amende pas, ne se régule pas et par conséquent, il s’effondrera.


NORMES INTERNATIONALES EN QUESTION

Depuis le milieu, des années septante, le comité de Bâle assure la supervision internationale des banques. Mais il ne dispose d’aucun moyen coercitif. Ses recommandations privilégient l’autocontrôle et l’autorégulation. Nouèes pendant la crise, les accords dits « Bâle III » pourraient favoriser une plus grande prise de risque.

Historiquement, il existe deux séries d’arguments qui sont, en général, avancées pour justifier la surveillance des banques par les autorités publiques. En premier lieu, ce secteur nécessite une régulation ad hoc en raison de sa spécificité.  En effet, la banque présente cette particularité de se financer auprès de ses clients. Mais ces derniers sont des créanciers peu ordinaires : dispersés, guère compétents pour effectuer un contrôle qu’ils ont de fait délégué à la banque, et forcément moins informés de cette dernière sur la bonne allocution de fonds, les déposants doivent être protégés. D’où la mise en place des fonds de garantie des dépôts qui assurent les déposants contre la faillite de leur banque, mais également des normes de solvabilité imposées aux établissements afin qu’ils conservent suffisamment de fonds propres .

La seconde justification de réglementation concerne le risque de crise systémique associés au faillites bancaires : un phénomène de panique qui peut entraîner la faillite d’un établissement, même sain, et s’étendre par effet de domino, à beaucoup d’autres. La crise prend alors une dimension systémique. Le rôle de la puissance publique devient essentiel, sachant qu’il est de bon aloi de rappeler : « il faut un prêteur en demi ressort, dont le rôle est le plus souvent assumée par la Banque Centrale du pays touché, capable de rétablir la stabilité financière en apportant aux banques la liquidité nécessaire «.

En effet, c’est pendant la crise des « supprime » que ces questions auraient dû être posées. Hélas les réponses ne furent pas à la hauteur du désastre. Le système monétaire international bâti au sortir de la seconde guerre mondiale venait de s’effondrer à cause des risques générés par l’instabilité croissante des taux de change. Depuis lors, le Comité de Bâle a acquis un rôle déterminant.  Pourtant, cette institution qui se consacre à la stabilité financière n’est investie d’aucun pouvoir officiel en matière de surveillance et de réglementation, les normes qu’elle définit prennent la forme de recommandations qui s’imposent aux banques sous la pression du marché (…) sic !

Dans la nouvelle conception néolibérale des années quatre-vingt qui avait réussi à gommer les réglementations en les remplaçant par une supervision prudentielle qui ambitionne non plus à administrer l’activité des banques, mais de l’orienter vers d’avantage de prudence, en mettant l’accent sur la régulation du marché .  Les relations incestueuses entre les banques et les agences de notation ont conduit aux crises financières répétitives (une tous les 7 ans), ces trente dernières années.

En effet, le système de régulation se contentait de surveiller les banques individuellement, s’agissant d’une supervision dite « micro prudentielle » du système. Tout en négligeant la régulation globale, dite «   macro- prudentielle ». Tout en écartant la prise en compte les relations entre banques et les acteurs non bancaires ainsi que les marchés à termes, notamment la bourse du marché immobilier, pourtant dénoncé par le passé.

Par ailleurs, les grandes banques se sont montrées très critiques à l’égard des nouvelles contraintes prudentielles du Comité de Bâle, car selon ces « vénérables institutions », elles accroissaient les coûts. En septembre 2010, le Comité de Bâle annonçait de nouveaux accords dits « Bâle III » avec à la clé une augmentation significative des fonds propres. Paradoxalement, augmenter le niveau des fonds propres des banques, place ces dernières sous une dépendance accrue des marchés où elles collectent les capitaux. Cette pression renforce la recherche de rendement financier et la prise de risque. Quant au lobbying bancaire, il a réussi à retarder l’application des mesures préconisées par Bâle III, en renvoyant leur application à 2018. Une nouvelle crise avant cette échéance, n’est toutefois pas à exclure.

Malgré tout, personne ne peut plaisanter avec les derniers accords financiers malgré la pression des lobbys. Le krach de 1907 avait débouché aux Etats-Unis, sur la création de la réserve fédérale. La grande dépression des années trente avait mené au « Glass Steagall Act », séparant les banques d’affaires et de dépôts en créant la SEC, l’autorité de tutelle de Wall Street. Et la débâcle de 2008-2009 ? A l’échelle de l’Union européenne et du G20, les législations et les propositions couvrent toute une palette de points noirs de la finance allant des régulations des marchés , aux dérivés , en passant par l’hégémonie des agences de notation qui ont pris le pouvoir,  en l’absence du pouvoir politique . Elles sont juges et partis qui délivrent n’importe quoi à n’importe qui, pourvu que le client paye.  Malheureusement les tabulations des cinq G20 ont souvent accouchés d’une souris grise. L’inutilité du G20 n’est plus à démontrer. Le prochain G20 accouchera d’une souris blanche vous diront Herr Sarkozy, Frau Merkel (…) !

 Ils sont vraiment culottés ces banquiers ! Après avoir provoqué la tempête, tendu la main pour se faire recapitaliser par les États partout dans le monde, échappé à toutes les sanctions , repris mauvaises habitudes en s’offrant des bonus mirobolants en pratiquant l’esquive fiscale , les voilà qui refusent de faire l’abc de leur métier : prêter de l’argent ! Les banques, y compris celles que l’État a sauvées ou renflouées, refusent d’ouvrir le robinet au crédit en prêtant aux petites et moyennes entreprises ou aux firmes intermédiaires qui ont réussi à traverser la crise.

Les détracteurs, des milieux financiers ont beau jeu de répliquer qu’ils ne sont pas les seuls à pratiquer l’optimisation fiscale. Ils ont raison.  Car les organisations internationales ne sont pas en reste.  Pour ne pas citer que les plus connues, nous avons nommé : Le Fonds Monétaire international, la Banque Mondiale, la Banque européenne d’investissement , la Banque européenne de reconstruction et de développement ou la Banque centrale européenne . Tout ce beau monde a de près ou de proue participer à l’aventure des instruments financiers complexes, dans le seul but est d’engranger de juteuses commissions versées par les banques d’affaires (…) sic !

QUAND LA « GAUCHE » INSTAURE LA DEREGULATION DE L’ECONOMIE & LA FINANCE MONDIALE

La dérégulation de l’économie mondiale commença son règne avec le second mandat de   M. William Clinton où la dérégulation à tout va de Wall Street est entrée en force par le biais d’un trio infernal, lié aux milieux financiers, héritiers d’un cadre idéologique du libéralisme de droite, mais c’est la gauche au pouvoir qui l’applique. L’économie de l’ombre est en partie le produit d’un complexe de la social-démocratie des années 80-90.

Considéré comme le principal responsable de l’étonnante phase de prospérité qu’avait connu l’Amérique depuis 1991 et qu’il avait su entretenir en maniant le taux d’intérêt avec habilité, Alain Greenspan, un pur sucre du néo-libéralisme dont le seul message qu’il délivrait fut ,la libre entreprise . Selon ce croisé de la libre entreprise, ce système rendrait tout le monde riche, pourvu que l’État ne l’étouffe pas (…) sic !  Un avis largement partagé par Robert Rubin, ancien co-président de Goldman Sachs qui avait dirigé les opérations de trading  de  la banque, avant d’être nommé ministre des finances en 1995 .  Quant au troisième homme, il se nomme Larry Summers, sous-secrétaire au trésor, ouvertement favorable à l’abolition de l’impôt sur les gains en capital et des grandes sociétés.  A Washington, il servait un Président modéré de la centrale syndicale du AFL-CIO et des minorités ethniques, ayant été élu contre la volonté du lobby du pétrole ****. Le trio infernal renversa tout sur son passage comme les trois cavaliers de l’apocalypse avec son projet de réglementation des produits dérivés, le « Glass Steagall act » et la lutte contre les paradis fiscaux.

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**** Lire notre éditorial « Turpitudes financières « paru sur notre site Internet www.dr-ben-abdallah.ch
          

En effet, un an auparavant, le 12 novembre 1999, Bill Clinton a aboli le « Glass Steagall act » de 1933, séparant les métiers de banque de dépôts et d’investissement. Certes tombée en disgrâce à l’heure de la consolidation du secteur financier, cette législation fut tout de même, le dernier rempart à la création des empires financiers « too big to fail », « trop gros, pour faire faillite«.  En effet, l’abrogation de l’Act permettait la fusion constitutionnelle de Citigroup afin d’être dirigée par l’indéboulonnable Robert Rubin. Aujourd’hui, le Congrès a voté, pour remplacer les règles antédiluviennes en faveur d’un régime digne du XXI ème siècle, proclame alors Summers. Au passage, le Trésor se fait l’ardant gardien des paradis fiscaux, en faisant protéger identité des donateurs étrangers des fonds déposés dans les banques américaines. A commencer par Goldman Sachs, Citigroup et JP Morgan.

CONCLUSION

 
Pour rallier les minorités visibles aux Etats-Unis, M. William Clinton tenta de donner un second souffle à sa mission qui consistait à l’accession des ménages les plus modestes à la propriété. Le grand rêve américain fut l’un des thèmes chers à ce Présidents, des Latinos et des cols bleus. En Angleterre, dans la foulée du raz-de-marée électoral du New Labour en mai 1997, le ministre des finances Gordon Brown retire à la Banque d’Angleterre la supervision bancaire, confiée à un nouvel organisme, la Financial Services Autority , adepte d’une réglementation soft . De son côté, la France, entre 1986 et 1988, Édouard Balladur sonna les trompettes libérales.

Après moult soubresauts, il est légitime de nous demander si un nouveau krach financier est possible ? Non seulement, la réponse est oui, mais encore, nous sommes en pleine déroute financière en Europe qui, depuis trois mois multiplie les annonces contradictoires qui ont mené les agences de notations à rétrograder la note de l’Espagne et l’Italie qui rejoignent les déjà dégradés, en l’occurrence le Portugal, la Grèce et l’Irlande. La note de France est mise sous surveillance négative par l’agence de notation Moody’s.  Que les pratiques bancaires de l’ombre « Shadow banking «   prospère depuis 1992 à la vue et à la barbe des régulateurs qui ont abdiqué face aux banques depuis belles lurettes.  Quant à cette structure nébuleuse, elle a un bel avenir si les régulateurs ne se réveillent pas de leur léthargie. Ce qui n’est pas l’avis des banques qui persistent et signent  en excluant de la régulation les hedge funds soutenus par une kyrielle d’avocats d’affaires hébergés dans des paradis fiscaux à l’abri de toute intervention étatique . Pris isolément, les interventions de la finance de l’ombre ne constitue guère un péril, puisque si un hedge funds fait faillite, c’est son problème. En d’autres termes, les pertes accumulées des hedge funds c’est du pain bénit pour la spéculation.

Quand au G20 qui, en cinq réunions infructueuses, il est toujours à la recherche de la solution perdue, doit se rendre compte de son impuissance et son utilité et cesse de nous casser les oreilles avec ses promesses non tenues à ce jour . Sauf si on applique l’adage qui préconise : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient «.  Hélas, personne n’y croit en ces balivernes de comptoir.




DR MOHAMED BEN ABDALLAH
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION
SPECIALISTE EN MACROECONOMIE DU MAGHREB

&

ANCIEN REDACTEUR EN CHEF DE L’AGENCE DE PRESSE

IPA PRESS & COMMUNICATION AGENCY SARL
BASEE SIS 1215 COINTRIN 


   
03.11.11