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EDITORIAL POLITIQUE & ECONOMIQUE

LE RETABLISSEMENT DE L’ESCLAVAGE DANS CERTAINES BEDOUCRATIES DU GOLFE

PROLOGUE

« Les bédoucraties  du Golfe, soucieuses de transformer leur richesse matérielle en influence, certaines bédoucrtatie du golfe, le Qatar en tête, multiplie les opérations de prestige, comme l’organisation de la coupe du monde de football en 2022. Cependant ces grands chantiers publics et leur lots d’accidents ont relevé l’archaïsme et la brutalité d’un système d’exploitation des travailleurs étrangers qui confine au servage «.

Deux millions de travailleurs étrangers restent à la merci de leurs employeurs à cause de « la kafala «, en arabe parrainage, dans la langue de Voltaire et Rousseau.  Soucieuses de transformer leurs richesses matérielles en puissance, quatre bédoucratie  du Golfe :  Arabie Saoudite,  Emirats Arabes Unis, Qatar  et Koweït , pratiquent  l’esclavage  moderne , en soumettant  les travailleurs étrangers  à des conditions inhumaines . 

Comme les deux millions d’étrangers installés au Qatar, les ouvriers de construction sont assujettis au régime de la « kafala «, en langue arabe et « parrainage « en Français.  Un système moyenâgeux qui place sous la coupe de son employeur et « parrain » tous les travailleurs étrangers qui, par ailleurs, représentent 90% de la population de cet émirat.

Mobilisés six jours sur sept, hiver comme été sous des températures qui peuvent dépasser les 50o Celsius. Il s’agit d’une véritable armée de réserve  mobilisée   pour la  construction  des stades  de la coupe  du monde  de football  , en 2022 .  Cette main-d’œuvre  étrangère ne jouit  quasiment d’aucun droit : salaires versés très en retard  ou pas du tout, logements vétustes et insalubres , interdiction de changer d’employeur sans l’autorisation  de ce dernier . Quant aux passeports, ils sont  confisqués  avec en prime  de solliciter l’accord du patron  pour quitter le territoire .  Ainsi, nonante-huit immigrés travaillant sur le chantier du stade Khalifa  à Doha, interrogés  par Amnesty International , affirment n’avoir pas eu le droit de  quitter  le Qatar . 

Comble du cynisme, sept   d’entre eux, originaires du Népal, avaient été empêchés de rentrer dans leur  pays afin de rendre visite à leurs proches après  le tremblement de terre  d’avril  et mai 2015 *. 

Par ailleurs, surfant sur la médiatisaton des conditions    équivoques d’attribution de la coupe du monde au Qatar, le CSI, et les organisations de défense des droits humains (Humann Right Watch et Amnesty International), dénoncent un système apparenté à une forme de sevrage. Des Emirats arabes unis l’Arabie saoudite, en passant par le Koweït, la kafala s’applique dans l’ensemble de la péninsule arabique exceptés Oman et le Yémen …

« D’ici au coup d’envoi de la coupe du monde, plus de sept mille travailleurs immigrés pourraient avoir trouvés la mort « avait   alerté Madame CH. B., secrétaire générale de la CSI.  Très présente auprès du BIT (OIT), où elle instruit des plaintes contre des Etats   et des multinationales soupçonnés de violer le droit des salariés. La CSI compte 350 syndicats affilés dans 150 pays et reptésentent   180 millions de travailleurs. Ses adhérents sont exclusivement des confédérations syndicales, comme la confédération générale du travail (CGT), ou la confédération française démocratique du travail (CFDT), en France. Elle coopère étroitement avec les fédérations syndicales internationales de chaque secteur d’activité

La réponse qatarie est le moins qu’on puisse dire, étonnante : « il récuse les bilans alarmants et balaye les constats syndicalistes «, en affirmant : « A ce jour, il n’y a pas un seul mort en rapport avec les infrastructures liées à la coupe du monde. Pas un seul ! ».  Tout juste le   comité  d’organisation de la coupe du monde concède-t-il la « mort naturelle «, récemment de deux ouvriers indiens, des suites d’une crise cardiaque.  Pourtant, les ambassades d’Inde et de Bangladesh et du Népal ont décompté elles, neuf cents décès au cours des deux dernières années, dont la moitié survenus de manière subite, des suites d’une crise cardiaque ou pour une raison inconnue.

MIS SOUS PRESSION, LE GOUVERNEMENT QATARI A ETE CONTRAINT DE REFORMER LA « KAFALA », PARRAINAGE, DANS LA LANGUE DE MOLIERE

Secrétaire général de la coalition des syndicats indiens « All India     Congrès Comité, «, vice-président  de  l’Internationale  des travailleurs  du bois et du bâtiment (IBB), et ancien député  du Parti du Congrès  M. R. K. , évoque  ces morts prétendument  naturelles, qui, en réalité , tout à voir avec des conditions  de travail d’une rare dureté : « De nombreux  salariés sont employés dans  des maisons particulières , où ils n’ont pas le droit d’accéder aux toilettes . Renonçant à boire du matin au soir, sous des chaleurs souvent extrêmes, certains meurent déshydratés.  Le médecin dresse alors un constat de mort naturelle, privant ainsi la famille d’indemnisation «.  

Soucieux de sa réputation mise à mal par les images sordides des camps des travailleurs, le gouvernement qatari promet d’adoucir la kafala pour la première fois, en mai 2014.  Longtemps différée, une nouvelle législation a été finalement promulguée par l’émir du Qatar, le 27 octobre 2015. Il faudra néanmoins encore attendre le 1er  janvier   2017, pour qu’elle  entre en  vigueur .

Syndrome de mauvais traitements, la notion de « parrain « est remplacée par celle consensuelle « d’employeur «. Désormais, le salarié n’aura plus à présenter l’accord de celui-ci pour quitter le territoire. Une disposition emblématique de la kafala est de loin la plus médiatisée.

Sa demande de visa de sortie sera présumée acceptée si son patron ne met pas son veto dans un délai de 3 jours.  « Avec un droit de travail aussi déséquilibré en faveur des employeurs, même les possibilités de recours sont renforcées, la fin des abus n’est pas pour demain «, commente un avocat d’affaires européen basé   à Doha.

En effet, s’inspirant des Emirats arabes unis (EAU), une autre « bédoucratie   du golfe), un peu plus éclairée que le Qatar et l’Arabie   saoudite, avait instauré un système de protection salariale destiné à en finir avec les impayés. Toute somme mentionnée dans le contrat de travail devrait faire l’objet d’un virement bancaire. « Grâce à ce dispositif, les employés des compagnies privées établies au Qatar recevront leur salaire par un versement électronique effectué dans un délai maximum de 7 jours «, se félicite le service de presse du gouvernement. Toutefois, un problème subsiste : seule une très faible   minorité d’immigrés possède un compte bancaire (entre 7et 12%), selon les calculs des ONG et les syndicats.  La Banque Centrale du Qatar ayant certes envoyé des instructions aux établissements bancaires pour qu’ils procèdent à l’ouverture de compte. Mais ces derniers ne semblent pas pressés d’accueillir ces clients peu argentés.

L’autre avancée à signaler : la réforme du « Certificat de non objection «, pour une grande liberté de mouvement des salariés «, dont se félicite le gouvernement. En cas de refus, du « parrain » de signer ce document attestant son comportement « exemplaire », tout salarié étranger en fin de contrat devait jusqu’à présent quitter le territoire pendant, au moins deux ans, avant d’être autorisé à y travailler de nouveau.  Minime progrès : « Celui qui achève un contrat à durée déterminée pourra dorénavant se dispenser   de produire ce certificat pour continuer à résider au Qatar ».  Idem pour travailleurs en contrat    à durée indéterminée désireux de changer d’employeur, à condition toutefois qu’ils justifient d’une ancienneté de cinq ans dans l’entreprise.

LES LOGEMENTS INSALUBRES REMPLACES PAR DES BARAQUEMENTS SURVEILLES A L’INTERIEUR COMME A L’EXTERIEUR …

Un ensemble de logements destinés à héberger 70'000 travailleurs étrangers dans des conditions « agréables « qui contrastent   avec les taudis habités par des centaines de milliers d’ouvriers.  Le nouveau quartier est divisé entre une zone d’habitations et une autre destinée aux loisirs et à la consommation.  Le camp est clos par de hauts murs.  A partir des deux postes de police implantés dans son périmètre, les forces de l’ordre passent régulièrement au   peigne fin le moindre recoin.   Au sein de chaque immeuble, un vigile occupe   une sale de surveillance vouée à surveiller de près les résidents.  Dotée de 4 écrans de contrôle reliées à des caméras disposées dans des parties communes.  

Six autres complexes résidentiels du même acabit, quoique de taille plus réduite, doivent voir le jour avant la fin de 2017, pour une capacité d’accueil totale de 379'000 personnes.  Une goutte d’eau dans l’océan des baraquements insalubres.  D’autant que, d’ici le début de la coupe du monde, 500'000 travailleurs migrants supplémentaires pourraient s’installer au Qatar, selon la CSI.

LES MULTINATIONALES , PLUS VORACES ET IMPITOYABLES QUE LA LOI LOCALE !


Selon le syndicaliste et militant du syndicat philippin, M. A.Y., qui a pris la tête de l’IBB, après avoir dirigé le secteur Asie-Pacifique, reconnaît des « améliorations « en matière de logement des immigrés.  Mais il ne cache pas son scepticisme sur les effets globaux de la réforme : » C’est la troisième année que nous conduisons une délégation au Qatar, et, fondamentalement, la situation des travailleurs n’a guère évolué «.  

Une impression que confirment la trentaine de salariés indiens invités à s’exprimer, lors d’un séminaire organisé par l’IBB, à l’étage d’un restaurant de Doha.  En effet, avec quelque 650'000 ressortissants, les Indiens forment la première communauté d’expatriés au Qatar, suivis des Népalais, (500'000), et des philippins (250'000).

La promesse du gouvernement de faire cesser les abus de la kafala par un grand nombre d’entreprises a-t-elle été tenue ? Un murmure septique parcoure l’assistance. Seuls huit ouvriers consultés affirment être en procession de leur passeport. Ceux des autres auraient été confisqués par leurs employeurs.  La promesse du gouvernement de faire cesser    les    abus de la kafala par un grand nombre d’entreprises a-t-elle été tenue ?  Un murmure septique parcourut l’assistance. Seuls huit travailleurs   consultés affirment être en procession  de leur passeport . Les autres auraient été  confisqués pas leurs employeurs .  Un travailleur se lève et clame, en montrant son diplôme d’ingénieur « L’agence qui m’a recruté en Inde m’a fait signer un contrat d’électricien. Mais à mon arrivée on m’avait dit : tu vas travailler comme plombier, avec un salaire de 900 rials (225 euros) b, soit la moitié de celui pour lequel je m’étais engagé «.  La rémunération moyenne mensuelle des ouvriers présents vacille autour de 275 euros, indemnité de logement incluse. Bien en deçà du revenu mensuel moyen des quelques 250'000 citoyens qataris estimés à 10'800 euros mensuels ***.

La situation générale se résume en une phrase lapidaire « salaires dérisoires, dangerosité maximale «.  « Hier un camarade avait eu le bras coupé sur le chantier, derrière l’hôtel Mercure », raconte un ouvrier sri-lankais. Un autre exhibe son mollet, sectionné par   un engin, six mois plus tôt.  Chutes, chocs provoqués par des objet ou véhicules :  selon un rapport officiel qatari de 2012, 22,8 des travailleurs immigrés décédés sont liés à « des causes extérieures «, principalement des accidents sur les chantiers.

Combatifs, les ouvriers dénoncent un système dont ils sont les principales victimes, tout en soulignant la responsabilité de leurs entreprises, majoritairement des multinationales occidentales, souvent plus impitoyables que la loi indigène.  L’un d’eux explique ainsi le « Qatari Da  Vinci construction « (QDVC) navrait subtiliser les passeports des salariés, avant de les restituer, six mois plus tard, en raison de la pression militante exercée sur cette filiale du groupe français Vinci.

En effet, la saisie des passeports étant déjà proscrite par la législation locale.  En mars 2015, l’ONG français « Sherpa « ayant porté plainte pour travail forcé et réduction en servitude, contre l’entreprise transnationale.  « La kafala   est potentiellement restrictive   en matière de liberté de mouvement notamment, mais certaines entreprises ne respectent pas les normes minimales «.  Vinci, devrait pourtant s’assurer que tous les salariés, sous-taitants inclus, bénéficient des mêmes droits, conformément à la loi qatarie «, commente l’avocate de Sherpa Me M. L Guislain.

Depuis le dépôt de la plainte, Vinci a consenti à améliorer les conditions d’hébergement d’une partie des salariés de sa filiale.  Parmi les 3'200 travailleurs de QDV, au moins 2000 logeraient désormais dans des chambres comportant 4 lits aux maximum, comme le prévoit la loi qatarie.  En revanche, 4'500 salariés de sous-traitants, sont toujours soumis au même régime, selon « Sherpa «.

Par ailleurs, plus aucun des 7'700 collaborateurs de la Galaxie Vinci ne travaillerait au-delà de   60 heures hebdomadaires. Le plafond étant fixé   par la législation locale. Une régulation assortie d’une réduction salariale de 10% …

Cependant, la kafala ne représente pas une menace indistincte pour tous les étrangers. En effet, les cadres de multinationales, chefs d’entreprises, avocats ou fonctionnaires détachés d’autres pays, forment une sorte de caste de privilégiés, qui, en théorie, n’ont rien à craindre de leurs parrains.  Comme ce cadre britannique qui travaille et vit à Doha, depuis une décennie comme conseiller financier dans une banque de la place qui poussa  le bouchon jusqu’à singer la vie des qataris dans leur comportement :  il reçoit ses     hôtes expatriés en bermuda et sandales dans sa luxueuse villa sise West Baya Lagon, une résidence fermée où logent des expatriés occidentaux aisés et quelques Qataris.  Attendant à la maison, côté jardin un parc carte postale aux allés luxuriantes offre un terrain de jeu paradisiaque aux enfants. Quelques pas plus loin, s’étend une plage de sable fin, plantée de palmiers, avec une vie imprenable sur la baie de Doha.  Selon les experts. « C’est l’une des meilleures résidences fermées que compte le Qatar, qui en compte une vingtaine «.   Cette villa coûte à la location 7'500 euros par mois. Sa superficie est 500 mètres carrés, sans compter le jardin et la piscine.  C’est un peu étroit pour les Qataris qui préfèrent des superficies plus grandes :  1000 ou 2000 mètres carrés.  Quant au salaire net de ce cadre britannique est de 30'000 euros par mois.

Pour ce cadre britannique, la kafala n’est vraiment pas dure à supporter puisqu’il peut entrer et sortir du Qatar quand ça lui semble, sans avoir à demander un visa ou l’autorisation à son employeur. Il est de bon aloi de rappeler que : « seuls quelques milliers d’expatriés occidentaux, pour la plupart, bénéficient de cette dérogation au régime ordinaire ».  

Protégés par leur statut de salariés de grands groupes, ils reçoivent facilement leur certificat de non-objection, dont la délivrance se réduit à une simple formalité.  « La réforme de la kafala ne concerne pas le haut du panier occidental, capable de négocier à sa convenance les clauses contractuelles les plus favorables «, confirme Me M. D., avocat d’affaires français, installé au Qatar depuis quelques années.

Quant à la masse de tous les autres, elle subit de diktat du parrainage.  Elle n’a qu’un seul et unique choix :  se soumettre au bon vouloir d’un parrain, souvent hautain, voir tyrannique.    Ingénieur chez Midmac, M. S. F, gagne sa vie correctement :  7'400 euros par mois, pour autant, il n’a pas de mots aussi durs pour décrire le régime « inhumain « de la kafala.  « Je n’attends pas beaucoup de changements. Réforme ou pas, ma liberté de mouvement reste entravée «.  Quand bien même la nouvelle loi le dispenserait du certificat de non-objection, eu égard à une ancienneté supérieure à dix ans, cet ingénieur est persuadé que sa hiérarchie refuserait de le laisser partir. En effet, même les expatriés aisés ne sont pas à l’abri de l’arbitraire dans ce système taillé sur mesure pour les employeurs.  Surtout quand ils se retrouvent seuls, sans appui, face à un parrain, tout puissant.

Le cas de l’ex-footballeur professionnel, le Français Z. B.  Avait raconté comment il a été bloqué pendant près d’un an et demi à Doha, au motif qu’il n’acceptait pas d’être transféré contre son gré dans un autre club (…) 

UNE MAIN -DŒUVRE A PRIX BRADE POUR LES MUSEES D’ABOU DHABI

« Nous sommes un groupe d’artistes mobilisés pour   assurer que les droits des travailleurs seront garants durant la construction et la maintenance de la nouvelle branche du musée Guggenheim sur l’île de Saadiat, à Abou Dhabi. Les artistes ne sauraient être sollicités pour présenter leurs œuvres dans des bâtiments construits par des ouvriers exploités. Ceux qui travaillent avec des briques et du mortier méritent autant de respect que ceux qui le font avec des appareils photographiques et des pinceaux ».

En 2009, peu après la publication d’un rapport de l’organisation « Humann Right Watch », un collectif d’artistes de renommée internationale, basé à New York, lançait un appel au boycott du futur musée d’Abou Dhabi, capitale des Emirats arabes Unis.  L’organisation non gouvernementale établissait un lien direct entre la « kafala « et le système de parrainage des travailleurs immigrés, et les violations massives des droits des sept mille ouvriers employés sur trois chantiers.  Située au large d’Abou Dhabi, Saadiat devrait en effet bientôt ressembler à un gigantesque complexe culturel, avec trois principales attractions touristiques : les franchises locales du misée Guggenheim et du Louvre français, ainsi que le musée national   Zayed.

En effet, à l’instar du Qatar, les   Emirats arabes unis (EAU), détient d’énormes réserves de pétrole et de gaz. Situés, pour les neuf dixièmes sur le territoire d’Abou Dhabi, les 7,8 millions d’expatriés, pour la plupart originaires d’Asie du Sud (Inde, Bangladesh et Pakistan), représentent près de 90% de la population totale. Ils font tourner l’économie des sept Etats associés et bâtissent les prestigieux édifices qui font la renommée des Emirats.

« Même si les autorités ont supprimé le visa de sortie obligatoire, il y a deux ans, la situation est comparable à celle des travailleurs du Qatar «, avait déclaré le secrétaire général de l’internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), M. A. Y. Comme avec la coupe du monde de 2022, au Qatar, l’IBB, ayant choisi un terrain médiatique propice au relais de ses revendications.

Membre du collectif new-yorkais, l’artiste libanais W. R., dresse   aujourd’hui un constat en semi-échec : » Nous avons contribué à sensibiliser l’opinion internationale, mais la vie et les conditions du travail des immigrés de Saadiat n’ont guère évolué «. Le directeur des campagnes de la Confédération syndicale internationale, M. T. N, abonde dans ce sens : « Introduit aux Emirats, en 2009, pour combattre le non-paiement d’une partie du salaire, le virement bancaire n’a rien changé, car les ouvriers n’ont pas accès aux distributeurs automatiques. Ils doivent se déplacer. Or ils sont libres un seul jour par semaine et doivent faire la queue avec des milliers d’autres ». Humann Right Watch, pointe un angle mort du virement automatique : « Si le versement électronique facilite la détection des défauts de paiements, il n’empêche pas les patrons de verser les salaires en retard « ***

IN CHÂA ALLAH, UNE MISSION ONUSIENNE DOIT VEILLER AU RESPECT DES REGLES(…)

Le Président directeur général (PDG, d’un groupe familial, M. A. Al R., lui défend bec et ongles la kafala.  A la tête d’un conglomérat de 37 entreprises, employant 1'900 salariés dans la blanchisserie, le transport logistique est l’un des patrons qataris à oser afficher, non sans arrogance, son point de vue : « pour lui, supprimer la rafale, il n’est envisageable ni aujourd’hui, ni demain « …

Supprimer la kafala ? Il refuse de l’envisager et réprouve même son assouplissement. Il livre ses raisons : « Abroger la kafala serait dangereux. Certains travailleurs étrangers pourraient avoir envie de me tuer. Les meurtres de Qataris et les vols avaient augmentés de façon spectaculaire.  90% des Qataris ne veulent pas supprimer, ni même réformer la kafala. Pas parce qu’ils sont esclavagistes, mais parce  qu’ils ont la trouille «.  Ils ont raison d’avoir peur, car interdire l’usage des toilettes pendant le travail, relève de la maltraitance d’être humain     et de la torture, tous deux réprimés par le code pénal. Il s’agit d’un crime contre l’humanité au même degré que les crimes de guerre.

Par ailleurs, dans un pays, où toute critique de l’émir qui concentre l’essentiel des pouvoirs exécutifs et législatifs, est passible d’emprisonnement, difficile de connaître l’avis du citoyen sur   les   sujets, car le mot citoyen est inexistant au Qatar. Un simple   témoignage factuel, même dénué de tout jugement négatif et formulé dans un cadre officiel, peut conduire son auteur derrière les verrous.  En mars 2016, un fonctionnaire qatari avait ainsi avait  été  jeté en prison pour avoir « trop parlé «   à une délégation du Bureau International du Travail (BIT), (OIT.  

« Notre processus législatif avait   été conçu pour tenir compte des différents points de vue de manière équitable. La réforme de la kafala a été présentée en conseil des ministres, puis   soumise pour avis au conseil consultatif, le 28 juin 2015 avant d’être adoptée «, ayant déclaré le service de presse gouvernemental. Si l’émir avait tranché en dernier ressort, il a dû tenir compte de l’hostilité sans nuance des   employeurs à toute mesure progressiste.  En effet, soutien des thèses patronale, le congrès avait même proposé de durcir la kafala.  Selon l’avis qu’il a rendu, les immigrés qui posent des problèmes à leur parrain   ou essayent de quitter l’entreprise avant la fin de leur   contrat   avant d’être forcés de travailler pendant dix ans pour leur patron, soit le double de la durée prévue par le contrat initial, avant de pouvoir changer d’employeur. En somme c’est la double peine pour l’employé récalcitrant, non seulement, il doit subir les affres de l’esclavage d’un patron, mais il doit rester au service d’un employeur qui l’exècre. 

Surtout composée de notables issus des principales tribus et de grands marchands, le Conseil consultatif, crée en 1972, apparaît comme une survivance du passé, même si ses membres, nommés par l’émir, sont renouvelés de temps en temps, analyse l’anthropologue spécialiste du Qatar, Annie Montigny.

Par ailleurs, depuis que le Qatar a été désigné comme hôte de la Coupe du monde de 2022, de nombreux ONG ou de syndicalistes ont été priés de regarder ailleurs. Mais le 10 novembre 2015, le Conseil d’administration de l’OIT (BIT), décidait de se saisir du problème et votait à la majorité le principe d’envoyer une « mission de haut niveau «, afin d’accentuer la pression sur    le gouvernement.  Cette décision faisait suite à une plainte pour travail forcé déposée par la CSI. C’est la première fois depuis 2001, que le conseil de l’OIT (BIT) se prononce majoritairement pour l’envoi d’une mission de contrôle dans les pays soupçonnés de bafouer ses règles. 
« L’OIT, BIT ne s’est pas laissé abuser par la manœuvre du gouvernement qatari consistant adopter opportunément, quelques jours avant le vote, une réforme minimale visant à donner des gages de bonne conduite, tout en préservant les principes les plus rétrogrades de la kafala «, résume l’ancien secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, qui représente la France au Conseil d’administration de l’OIT, (BIT), comme membre titulaire du collège salarié.

Du 1er au 5 mars 2016, une délégation tripartite, composée de membres de trois collèges de ce conseil T Etat, employeurs, salariés), ayant été reçu par les plus hautes autorités de l’Etat qatari, à l’exception notable de l’émir. Trois jours avant leur visite d’un projet de chemin de fer incluant le réseau de Doha, les tramways de Lusail, ville nouvelle, à quinze kilomètres de la capitale, un ouvrier philippin, de l’entreprise Qatar Rail, J. P., avait trouvé la mort sur le chantier du métro de Doha. « Le rapport de la mission démontre si besoin était que le soi-disant réforme n’a pas amélioré le sort des travailleurs. La taxe de recrutement reste toujours à la charge des travailleurs et le contrat de travail signé dans le pays d’origine, n’a toujours rien à voir avec celui qu’on leur impose au Qatar. Quant aux moyens d’inspection, ils sont certes en hausse, mais les 365 inspecteurs du travail, pour une population de deux millions de salariés, peuvent s’appuyer sur seulement dix interprètes. Or, dans leur immense majorité, les expatriés ne parlent pas l’Arabe «, argue M. Thibault.

Par ailleurs, le pouvoir du Bureau International du Travail (OIT) est certes limité et ses recommandations ou ses déclarations sur les droits des travailleurs n’ont pas  de valeur contraignantes.   Cependant, si les missions de l’agence onusienne ne peuvent forcer les gouvernements réfractaires à appliquer ses textes, rares sont ceux   qui se drapent   dans l’indifférence cynique. Ce qui explique que l’Etat qatari ait dépêché une vingtaine d’attachés gouvernementaux au conseil d’administration du 17 mars, afin de peser sur l’opinion d’un maximum d’administrateurs, amis ou hésitants, en faveur d’un classement sans suite de la plainte. Au final, il s’en tire avec un délai supplémentaire d’un an, pour mettre réellement en œuvre une législation protectrice pour les immigrés.

Dans le sillage du scandale qui avait   secoué la Fédération Internationale de football (FIFA), le nouveau président M. Gianni Infanto, annonçait la création d’un « organe de supervision chargé de contrôler les systèmes en place pour assurer des conditions de travail correctes sur les chantiers et les stades de la coupe du monde «.  Pas sûr toutefois que cette initiative et la menace d’une commission d’enquête suffisent à faire évoluer un pays aussi riche qui porte les gênes de l’esclavage dans ses entrailles comme ses champs de pétrole et de gaz, qui aveugle un occident avide qui ne pense qu’à se remplir    les poches au détriment de la vie de millions d’ouvriers qui, somme toute ne baissent pas les bras et se battent, accompagnés par leurs syndicats.

CONCLUSION

Dans un autre registre sordide de maltraitance et de torture, Londres lève l’immunité diplomatique du prince de Bahreïn, accusé de torture, cependant, il échappe toujours à la justice française.

La justice britannique a levé le 8 octobre 2014, le dernier obstacle à l’ouverture d’une enquête contre le cheikh N. B. K, fils du  roi de Bahreïn, et président du comité olympique bahreïnie, pour des faits de torture.  En effet, une plainte avait été déposée en août 2012, par   le plaignant FF, contre le cheikh Nasser pour son implication dans la répression exercée par les autorités bahreïnies contre le mouvement de contestation de 2011.  Alors présent en Grande Bretagne, pour les jeux olympiques, le prince avait échappé à d’éventuels poursuites grâce   à  l’immunité accordée par Londres.   La Haute cour d’appel de la couronne britannique avait entériné la levée de l’argument d’immunité. Me Sue Willman, l’avocate  du plaignant avait indiqué s’attendre à une   rencontre « dans les prochaines semaines « avec les autorités britanniques chargée d’enquêter sur les crimes de guerre.

De février à juillet 2011, la répression, qui avait visé en particulier la majorité chiite du pays, avait fait plus de 60 morts et donné lieu à 1'400 arrestations et à des centaines de condamnations. La Commission d’enquête indépendante créée en juin 2011 par le roi Hamed avait conclu au recours systématique à la torture par les autorités, recensant 1866 cas, sans désigner les responsables.

Le cheikh Nasser avait été formellement identifié par deux opposants bararaeïnais comme ayant directement participé aux actes de torture qu’ils ont subis, en avril 2011.  Le chef politique et religieux M. H. Meqdad et le dignitaire A. M., l’ont mis en cause lors de leur procès en appel à Bahreïn, en mai et juin 2012.

Par ailleurs, les organisations des droits de l’homme voient dans la décision britannique un précédent. « C’est une victoire pour les prisonniers politiques de Bahreïn et de la région. Un signal envoyé aux responsables qu’ils ne peuvent jouir de l’immunité et doivent rendre des comptes devant la justice, que ce soit en Grande Bretagne ou dans les autres pays de la région, ayant ratifié la Convention des Nations Unies sur la torture «, salue H... A, directeur de l’ONG américain pour la démocratie et les droits de l’homme à Bahreïn.  Cette décision ne devrait toutefois pas changer l’issue de la plainte déposée en France, le 22 août, pour les mêmes faits par la Fédération internationale des droits de l’homme (FDH).



  • Le Qatar :  Profits et pertes « Ce que coûte l’esclavage – Rapport Nouveaux fronts 2015 «  Confédération syndicale internationale – Bruxelles, 18/12/2015 .
** Le Qatar rachète tout  , lire notre éditorial du  04/03/2013 paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch  ;
**Source :  Central Intelligence Agency , Fonds Monétaire International  (FMI) – Gouvernement Français

REFERENCES 

  • LE MONDE DIPLOMATIQUE  - Juin  2016 ;
  • Journal  «  LE TEMPS «   - 08/10/2014 ;
  • Emirats , paradis pour touristes , devenu un enfer pour les dissidents –«  LE TEMPS  du 07/10/2015 ;



















DR BEN ABDALLAH MOHAMED ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE » ;
EN  LIGNE  SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch ;

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EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF DU SITE,

www.dr-ben-abdallah.ch  ; DEPUIS LE 1er MARS 2009 ;

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06//10  / 2016​​
Photo du Dr Mohamed BEN ABDALLAH, Rédacteur en chef du site ci-dessus