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EDITORIAL POLITIQUE

IRAK : TREIZE ANS DE SOLITUDE & D’ANARCHIE !

PROLOGUE

« Quand en mars 2003, les troupes   américaines, épaulées par un quarteron d’affidés belliqueux, notamment, le Britannique, Tony Blair, l’Espagnol Aznar, le Portugais Barroso et le Danois Rasmussen, qui participèrent à la campagne de W. Bush et   décidèrent d’envahir l’Irak, sans mandat international délivré par l’ONU. S’appuyant sur un mensonge de destruction massive des sieurs Colins Powell, alors secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, et la très droitière Consolezia Raïs, alors secrétaire à la sécurité intérieure.  La CIA, avide et revancharde avait fourni un tissu de mensonges   pour justifier une invasion, plutôt qu’une inspection en Irak *.

En effet, treize ans après son invasion militaire par les Etats-Unis, et leurs alliés, l’Irak ne parvient pas à  sortir  du chaos et de la violence. Alors qu’une partie du territoire irakien reste contrôlé par l’Organisation de l’Etat Islamique (Daech), acronyme arabe de l’OEI.   Le gouvernement actuel et la classe politique s’avèrent incapables d’unifier le pays et encore moins, assurer la sécurité d’une population épuisée par treize ans de chaos.

L’Etat irakien est réduit à néant. Il n’offre   qu’un service résiduel de quelques heures journalières d’électricité ponctuées de coupures parfois trop longues.  Comble du cynisme :  point de départ de toute activité humaine, l’accès à l’énergie devrait être le dernier des soucis des habitants d’un pays riche en hydrocarbures et de surcroît traversé par deux longs fleuves : le Tigre et l’Euphrate.

La défaillance de l’Etat est illustrée par les turbulences de ses services. Les joutes   infernales du système politique irakien donnent l’impression que la notion de l’Etat a été reléguée au fin fond de l’univers.

En effet, l’Etat ne peut offrir qu’un service minimum et /ce dans tous les domaines qui relèvent du devoir d’un Etat régalien, absent depuis l’exécution spectaculaire de Saddam Hussein en 2006 .  La situation n’est pas meilleure dans les quartiers populaires à dominante chiite : quand il s’agit de dysfonctionnement, le système n’est pas vraiment sectaire.

Voyant que l’Etat central ne peut rien faire pour eux, les Irakiens ont compris qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes en inventant un système improvisé, dans une logique implacable de privatisation anarchique et de décentralisation sauvage.

En effet, chaque quartier abrite un gros générateur qui alimentent toute une rue    correspondent à multitude de fils et d’abonnements individuels privés, présents et passés.  La majorité   du réseau est souvent hors service, les factures pleuvent sur le détenteur nouveau ou ancien.  Vive le libéralisme sauvage de l’Oncle Sam à la sauce irakienne.  Il suffit d’ajouter un autre dans le processus de sédimentation qui, rappelons-le émane des strates successives apportées sans succès, à un appareil de sécurité omniprésent et multiforme.  L’individu doit souvent s’en remettre à lui-même. Chaque maison possède son propre générateur, pour parer aux pannes, de celui de la rue. ».

REPERES HISTORIQUES

De l’antiquité à la conquête ottomane, l’Iraq actuel est constitué par l’ancienne Mésopotamie, berceau des civilisations de Sumer, d’Akkad, de Babylone et d’Assyrie.

224-633 : les sassanide dominent le pays où est située leur capitale Ctésiphon ;
633-642 : les Arabes le conquièrent ;
661-750. Sous les Omeyyades, l’Irak islamisé, est le théâtre des luttes de ces derniers contre les Alides (mort de Hussein à Karbala, en 680).
750-1528 : Les Abbassides régent sur l’Empire musulman.
752 : ils fondent Bagdad.
1055 : les Turcs seldjoukides s’emparent de Bagdad ;
1258 :  les Mongols de Hulagu détruisent Bagdad.
1258-1515 :  le pays ruiné, est dominé par des dynasties mongoles ou turkmènes.
1401 : Bagdad est mise sac à par Timor Lang (Tamerlan).
1456-1515 :  l’Ottoman conquièrent l’Iraq.

Royaume Hachémite

1914-1918.  La Grande Bretagne occupe le pays.
1920 : elle obtient un mandat SDN.
1921 : l’émir hachémite Fayçal devient roi d’Iraq (1921-1933).
1930 :  traité anglo-iraquien accorde une indépendance nominale à l’Iraq.
1941 :  un courant nationaliste arabe pro-allemand prend le pouvoir ; la Grande Bretagne occupe le   pays et rétablit le roi, qui entre deux guerre, aux côté des alliés.

République Irakienne

1958 : Après un coup d’Etat, la République est proclamée ;
1961 : la rébellion kurde éclate ;
1968 :  le parti     Baath s’empare du pouvoir par un putsch militaire,
1975 : un accord avec l’Iran entraîne l’arrêt de rébellion kurde.
1979 : Saddam Hussein devient Président de la République.
1980-1988 :  Guerre Iran-Iraq ;
1990-1991 :  1ère guerre du golfe. L’Iraq envahit puis annexe le Koweït (août 1990) ;
Et refuse de   s'en    retirer malgré la condamnation de l’ONU et l’expiration de l’ultimatum fixé par l’ONU, une force multinationale à prédominance américaine, attaque l’Irak (janvier 1991), libère le Koweït en février 1991.   Un embargo total a été imposé à l’Irak. Le pays est au bord de l’asphyxie.
1996 : l’ONU assouplit l’embargo sur le pétrole imposé à l’Irak, pour atténuer les pénuries frappant la population.  Mais les relations de la communauté internationale avec   le pouvoir irakien restent soumises à des crises récurrentes.
2003 : le régime irakien s’effondre, à la   suite d’une offensive militaire américano-britannique contestée par une grande partie de la communauté internationale – contre l’Iraq. Les Etats-Unis assurent l’administration provisoire du pays qui   s’avère    une catastrophe : ruine de l’administration existante, pillage systématique du pays par   des requins venus du monde entier pour participer   à la curée générale orchestrée par les vainqueurs du moment.   Cependant, les   Irakiens ne se sont pas    laissés envahir et menés à l’abattoir comme des moutons.  Ils   conduisirent     leur   rébellion partout où l’occupant se trouve.

2005 : alors qu’il reste en proie à une insécurité endémique et permanente à de fortes tensions ethniques et religieuses et   politiques, l’Iraq se dote d’une constitution. Dans la foulée, Jalal Talabani, devient Président de la République et un gouvernement « d’Union nationale « est    installé.
2011 : le départ des troupes étrangères (entamé en 2009) est immédiatement suivi d’une recrudescence des attentats, sur fond de crise politique entre chiite s et sunnites.

GEOGRAPHIE

Occupant la majeure partie de la Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate. L’Irak est un pays à relief monotone, semi désertique, avec des étés torrides. Cette région est bordée à l’ouest, par l’extrémité orientale du désert de Syrie et, au nord, au-delà   de la Djétira, par la terminaison de Taurus, à laquelle succède le piémont de Zagros.

Superficie : 438317 KM2 ;
Population :  en 2012 : 33 Millions   Habitants ;
Capitale :  Bagdad 6'500 000 Habitants, en 2011 ;
Nature de l’Etat & DU REGIME :  République ;
Chef de l’Etat, Président :  Jalal Talabani (2012) ;
Premier ministre :  Haïdar Al-ABADI ; 2014 ;
Organisation Administrative :  18 Provinces ;
Langue officielle : Arabe et Kurde, depuis l’invasion américaine de BUSH Père ;
Monnaie :  Dinar Irakien ;
Densité :  76 Habitants /KM2 ;
Part de la population urbaine : (en 2012) :67% ;
Structure de la population : par âge, en 2012, moins de 15 ans : 43% ; 15 à 65 :54% ; plus de 65 ans : 3% ;
Taux de natalité : 35%, 2012 ;
Taux de mortalité : 6%, en 2012 ;
Taux de mortalité infantile :  33% ;
Espérance de vie : (2012), hommes : 66 ans ; femmes : 72 ans ;
La population à dominante arabophone, comporte toutefois une importante minorité kurde dans le nord du pays, presque totalement islamisée partagée entre majorité chiite (présente surtout dans le Sud-Est et une forte minorité sunnite dans le Sud-Est.  Avec plus de six millions d’habitants, Bagdad de meure la principale ville, loin devant Bassora (900 000 habitants), sur le Golfe, Mossoul (1, 2 million d’habitants   et Arbil (900000 habitants), dans le Nord kurde.  Avec un indice de fécondité de 4, 6 enfants par femme, un taux de natalité de 35% et une forte proportion de moins de 15 ans (plus de 43% au total, le pays est en pleine transition démographique.

ECONOMIE 

PNB :  en 2011 :87 milliards de dollars ;
PNB /Hab. (en 2011) :2640 dollars ;
PNB /Hab. PPA (2011) : 3750 dollars internationaux 
Taux de croissance annuelle du PIB : 9,9% ;
Taux annuel d’inflation : (2010) :2,9% ;
Structure de la population   active en 2010 :  agriculture :23,4% ; mine & Industrie :18,2%, services ; 58,4% ;
Taux de Change (2008) :  17,5% ;
Détenant les troisièmes réserves mondiales de pétrole, l’Iraq ne fait pas partie des premiers pays exportateurs de pétrole. L’or noir représente 68% de ses recettes budgétaires, les deux tiers du PIB et l’essentiel des exportations.  En signant plusieurs contrats avec des compagnies internationales qui se pressent toutes sur ce marché, le pays espère augmenter sa production qui est de 3 MB/j. (la croissance a été de 10% en 2012).  Si le niveau de violence reste élevé et si la population se mobilise pour exiger des réformes en vue de l’amélioration des services de base et des progrès tangibles dans la lutte contre la corruption, la reconstruction du pays se poursuit lentement avec une inflation galopante, ramenée à moins de 3%. La chute des prix du brut depuis 2014ont enrayé le peu d’enthousiasme suscité par le semblant de redressement du pays. Il n’en demeure pas moins que le niveau de vie dans ce pays et la pauvreté dans un Irak détruit par la guerre et qui a été longtemps soumis aux sanctions internationales restent préoccupants. L’insurrection sunnite de Ramādī, Falloujâ   et maintenant à Mosul est le fruit d’un aveuglement américain et occidental qui ne veut en aucun cas un Irak laïc    suis une seule bannière sans distinction ethnique, politique et religieuse. L’Irak est malade de ses richesses. Maintenait qu’il est pauvre, il pourra se battre pour sa survie comme il l’avait fait par le passé, après les invasions des mongols, et la mise à sac de Bagdad par Timor Lang (Tamerlan).  Les femmes irakiennes sont suffisamment fertiles pour donner une nouvelle génération de patriotes irakiens laïcs, démocrates, justes et généreux comme leurs ancêtres.

TOURISME : recettes 1998 :13 millions de dollars ;
COMMERCE EXTERIEUR : Exportations de biens (2011) 79 680 millions de dollars ;
Importations : 40 632 millions de dollars ;
DEFENSE :  Forces armées : 557 000 individus ;
DEPENSES MILITAIRES : (2009) 3% du PIB ;
NIVEAU DE VIE :  Nombre d’habitants pour un médecin : 1449 ;
APPORT JOURNALIER MOYEN EN CALORIE :   2000 -2197 (minimum FAO : 2400 ;
NOMBRE D’AUTOMOBILES POUR 1000 Habitants : 30 ;
TELEPHONES PORTABLES : (2011) : 78%b de la population équipée.
 Avec une économie ruinée, tout semble uniquement compliqué, obligeant la population à déployer des trésors de résilience et d’ingéniosités. L’ambiguïté de cette attitude semble s’intégrer dans un système spécial, lui permettant de fonctionner d’une façon autonome malgré tout !

A l’heure actuelle, il est impossible d’entendre en Irak le moindre propos positif au sujet de la classe politique, qui suscite un mépris unanime.  Une classe politique gan grainée   par ses innombrables divisions : politiques, ethniques, religieuses et surtout sociétales, approfondissant ainsi le fossé qui sépare cette classe corrompue du reste de la population. En effet, depuis le départ, en 2011, des troupes américaines, le 18 décembre 2011, le pays est confronté à une violence endémique associée à une crise politique permanente qui se   traduit, entre autre par une stagnation de tous les projets de lois débattus au parlement.   Une institution réduite à une   chambre   d’enregistrement au mieux, ou une caisse de résonnance de certains    députés influents.  Les quelques adhésions que tel ou tel personnage a pu susciter, ont entièrement disparu devant le constat qu’ils sont interchangeables. Un intellectuel   désabusé commente cet état : « Au fond, qu’au-delà   de    leurs querelles, ce sont tous des camarades au sommet. Par contre, ils veulent qu’on se déteste, pour nous distraire par des luttes qu’ils manipulent. Eux, se battent pour des pourcentages, pas pour des sectes. En tout cas, ils sont d’accord sur une chose : le maintien de ce système pourri «.

En effet, cette fatigue généralisée produisit beaucoup de maturité au sein de la société irakienne. Dans les discours, un sectarisme virulent coexiste. Le plus souvent avec une lecture fine et réaliste des clivages absurdes qui ont tant coûté aux Irakiens ordinaires, et tant rapporté à leurs représentants supposés. Pour autant, ces manifestations déclenchées, depuis août 2015 par la chute du cours du prix du baril, dans une économie toujours basée sur la redistribution clientéliste de la rente pétrolière.  Cette politique corrompue ne suscite chez une vaste majorité d’Irakiens, la population préfère un système aberrant au risque du chaos, se satisfaire de quelques larcins ou pense à l’émigration, sans pour autant franchir le pas (…)

LES EFFETS PERVERS DE L’APPUI AMERICAIN !


Pour les jeunes, il y a aussi l’option militante :  aller combattre avec une fraction ou l’autre, par conviction ou tout simplement pour acquérir un statut et surtout gagner un salaire.  La guerre perpétuelle, dont l’Organisation de l’Etat islamique (OEI), est le dernier objet en date, qui remplit des fonctions   devenues essentielles pour le système : elle occupe les esprits et sert de diversion aux errements du pouvoir   en attisant les passions de façon à lui assurer une légitimité minimale qui génère une indispensable économie de repli. L’appareil de sécurité et les milices absorbent le chômage.  Des chefs de guerre chiites blanchissent leur butin en ouvrant des restaurants à la mode.  Des têtes   tribu sunnites profitent des combats (qui justifient le financement de la force supplétive, des destructions qui annoncent des contrats), sans oublier les crises humanitaires qui génèrent de l’aide qu’ils détournent sans vergogne.

Et la classe politique obtient, au nom de la lutte existentielle, le soutien international nécessaire pour continuer à piller sans rendre de compte à quiconque.  Les Etats-Unis qui, depuis treize ans, ne pensent qu’à se débarrasser au plus vite   des responsabilités qu’ils se sont créée en envahissant le pays, en sont toujours à multiplier les efforts velléitaires et les expédients.  Ils forment comme de coutume, des unités irakiennes capables de poursuivre la guerre permanente, sans s’y attaquer qui vit. 
L’administration de M. Barak Obama est même entrain de consolider celui-ci dans ses travers. Elle fait primer la lutte contre le terrorisme sur toute autre considération. Elle réduit ainsi l’exigence d’une participation politique sunnite à la cooptation de quelques figures de proue détachées de leurs bases, tout en contribuant à évincer l’une après l’autre les principales villes associées au sunnisme irakien.   Dans la lignée   des préjugés qui prévalurent lors de l’intervention américaine de 2003, figurent les clichés   se rapportant à l’incurie crasse   des administrations américaines.  Dans la lignée des préjugés qui prévalurent lors de l’intervention américaine de 2003, elle se méfie des masses sunnites, s’accommode du militantisme des chiites et encourage dangereusement celui des Kurdes.

En tout état de cause, l’enjeu n’est plus vraiment l’équilibre entre les grands groupes ethno-confessionnels. Dans la population, la situation actuelle est désormais largement acceptée un état de fait établi.  Ainsi, on aurait tort de penser que l’OEI   est la manifestation d’une mobilisation revancharde des sunnites. Elle s’est simplement engouffrée dans le vide laissé par un Etat à la fois répressif et absentéiste.

En effet, les gains kurdes peuvent encore être contestés au sommet de la hiérarchie politique à Bagdad, cependant pour la base, le Kurdistan ne fait plus partie de l’Irak depuis 1991.  Le pays semble se stabiliser en ce qui concerne les tensions intercommunautaires.  Par ailleurs, la présence des milices chiites sur le front, par exemple, suscite infiniment plus de sectarisme dans la sphère numérique, parmi les Irakiens exilés et les musulmans d’autres nationalités, que sur le terrain.  Dès lors, la période actuelle ressemble étrangement à une image en négatif des années nonante.  Le régime de Saddam Hussein ayant réprimé durement une insurrection chiite dans le Sud, puis négligé la population, jugée déloyale.  Les villes n’ont pas été rasées, comme aujourd’hui en zone sunnite, mais de vastes palmeraies ont été détruites. Des sbires du pouvoir servaient de « représentants «   chiites zélotes qui se coupaient naturellement de leurs bases.  L’administration et l’armée restaient assimilatrices, mais une culture sunnite dominait.

Désormais, à l’inverse : on entend partout de la musique du Sud ; lingua franca prend des tonalités de dialectes populaires « shourgi «, c’est-à-dire sudiste ; et, dans une inversion des rôles presque parfaite, les sunnites jouent volontiers sur l’ambiguïté des identités irakiennes, en modifiant légèrement leur nom, leur adresse, ou leur accent quand cela leur simplifie la vie. Ce qui ne veut pas dire que « les chiites sont au pouvoir «, Pas plus que les sunnites ne l’étaient auparavant. Aujourd’hui, comme alors tout le monde se plaint de ne pas avoir grand-chose des richesses du pays.

Avec le temps qui passe, et le recul qu’il permet, les contours du système politique actuel se précisent. Il s’agit d’un régime sans tête, dans lequel de multiples réseaux infiltrent et subvertissent un Etat dont les ressources et les structures sont mises au service des sous-systèmes en question.  En découlant une grande variété de phénomènes, souvent contradictoires, puissent, dans divers répertoires, comme si la politique irakienne s’inventait   en respectant une sorte de grammaire historique.

En effet, nous constatons par exemple, une ascension au pouvoir, à la faveur de l’invasion américaine, de certaines catégories de population, notamment une petite   bourgeoisie issue de la diaspora, soit des tribus de « Saada », dignitaires qui revendiquent un lien généalogique avec le prophète. Cette mobilité sociale, n’est pas sans rappeler l’émergence du baas, ce parti lui-même ancré dans la petite bourgeoisie des provinces qui s’appuya pour percer sur les institutions créées sous le mandat colonial britannique. « La différence, souligne un fonctionnaire à Kout, c’est que les baasistes, unifiés par leur idéologie, ont hérité d’un Etat fonctionnel, alors que ceux-là n’ont rien de commun et opèrent dans un pays   détruit «.

Les cheikhs de tribus sunnites, remarque la chercheuse Loulouwa Al-Rachid, « en sont revenus à   un statut et un comportement semblables à eux des grands propriétaires terriens de l’époque monarchique «. Ils gravitent autour du pouvoir et le plus loin possible de leurs bases, qu’ils conçoivent et exploitent comme une bande de manants.  Plus généralement, les tribus ont ressorti tout un folklore réactivé par Saddam Hussein, et jouent un rôle central à travers le droit tribal, dans un pays où le judiciaire relève de la foire aux enchères. Partout, on peut lire sur les murs « matloub dem », ou « matloub ash irian «, signalant que tel ou tel individu   est recherché mort ou vif – respectivement.  On peut d’ailleurs souscrire une sorte d’assurance tribale, en payant mensuellement un cheikh puissant pour pouvoir invoquer sa protection en cas de besoin ! Il va sans dire qu’une telle pratique n’a strictement rien à voir avec les traditions.

L’INFLUENCE GRANDISSANTE DE L’IRAN

D’autres réseaux, en partie liés des relations intimes avec des puissances étrangères. En premier lieu, les Etats-Unis qui, à force de former l’appareil de sécurité, y ont développé des relais.  C’est sur eux, qu’ils peuvent compter aujourd’hui pour exercer une influence considérable, malgré des moyens limités. En effet, en travaillant de concert avec des unités irakiennes qui ne vaudraient pas grand-chose sans l’appui aérien américain, sachant que l’Irak n’a plus d’aviation depuis 1991.

L’Iran ayant aussi ses hommes en place, à savoir une génération de militants islamistes, ayant vécus l’exil à Téhéran, dans une relation organique qu’elle est devenue problématique pour les bienfaiteurs eux-mêmes.  Selon un universitaire Iranien « Nos amis Irakiens ont une influence énorme chez-nous. Ils parlent perse. Ils se sont sociabilisés au fil des ans avec tous les gens qui comptent, au point de voir le Guide suprême beaucoup plus facilement qu’un de nos hauts responsables. Culturellement et politiquement, ils ont effacé la frontière qui existe entre nos deux pays, et je me demande parfois dans quelle mesure nos institutions prennent leurs décisions sur la base de notre intérêt national plutôt que sur celles de vieilles camaraderies «. 

Dans cette réalité éclatée, l’Irak fait face à deux dangers majeurs, qui ne feront que grossir à mesure de   la menace grossissante de l’OEI se réduira.  D’une part, l’économie du pays est foncièrement non viable. Les gros salaires dans la fonction publique n’ont rien fait pour endiguer la corruption. Au contraire, ils ont alourdi les charges étatiques.

En effet, même pendant   les années fastes, avec un prix du baril à plus de 100 dollars, entre des dépenses de fonctionnement exorbitantes et un pillage organique, le budget national partait en fumée.

A l’heure actuelle, la crise financière devient un dangereux facteur d’incertitude :  elle motive une contestation populaire, certes marginale, mais potentiellement incontrôlable ; elle stimule l’économie de la violence, seule solution rechange à la rente ; et elle peut attiser les rivalités commerciales au sein de l’élite, qui se bat pour des « parts de marché « dans une industrie de corruption qui se contracte.  En revanche, elle donne aussi de vrais leviers aux partenaires extérieurs de l’Irak, notamment les   Etats-Unis, qui contrôlent largement le système international de gouvernance financière dont l’Irak ayant besoin pour combler ses déficits.

D’autre part, se pose avec acuité croissante la question du leadership chiite.  Cette communauté, majoritaire en nombre, est travaillé par un profond clivage (qui se reflète dans des manifestations mobilisant surtout la jeunesse du « lumpenprolétariat ) , par la désillusion  vis-à-vis  de l’Etat , par   le  discrédit  achevé  de ses  représentants  islamistes, par une puissante religiosité populaire, par  les ambitions grandissantes  de ses chefs de milice , et par un affaiblissement graduel de la « Marjara ‘iyya » et  son leadership  religieux  traditionnel  qui, culminera  inévitablement  avec la disparition d’Ali   Al Sistani , dernier ayatollah irakien  à conjuguer  modération  ,  nationalisme et crédibilité doctrinale .  Rien de surprenant, donc, à ce que beaucoup d’Irakiens craignent, à leur manière, la défaite de l’OEI.  Car, en effet de marquerait-elle la victoire ?

MOSSOUL, LA BATAILLE DE TOUS LES DANGERS !

Pour   éclairer le lecteur, voici quelques dates phares :

 Le 29/06/2014, Abou-Bakr Al-Bagdadi, chef de l’Etat islamique(EI), proclame le califat à cheval sur l’Irak et la Syrie.

Le 08/08 20 14, premières frappes aériennes des Etats-Unis contre l’EI et l’Irak. ;
Septembre 2014 :  mise sur pied d’une coalition   de 60 pays contre l’EI.
Février 2015 : Une vidéo montre la destruction à la perceuse de taureaux préislamique du musée de Mossoul.  La condamnation est mondiale.
Mars 2016 :  Appel du premier ministre irakien à libérer Mossoul.
Septembre 2016 : La coalition tue une vingtaine de responsables de l’EI à Mossoul, en prélude à une attaque terrestre.

L’offensive contre la dernière place forte de l’Etat Islamique (EI) en Irak est lancée. Les forces en présence sont impressionnantes. Mais   aussi incroyablement disparates. 

Elle se préparait depuis des mois.   L’offensive contre Mossoul, la principale force de l’Etat Islamique (EI), en Irak, a finalement été lancée, dans la nuit de dimanche à lundi.  Une offensive d’une extrême puissance, puisqu’elle rassemble des dizaines de milliers de soldats. Les aviations parmi les plus puissantes du monde en l’occurrence celles de (des Etats-Unis, et de La France). Mais aussi les armées irakienne, turque, les combattants kurdes irakiens (les peshmergas), associés à des forces spéciales occidentales ou encore des milices   pro-iraniennes.  Une alliance suffisamment disparate, pour que, au-delà de l’inévitable succès militaire, ce soit déjà, l’après Daech, qui soulève des craintes.  Mais nous n’en sommes pas là …

Déjà, en juin 2014, il avait suffi à 1'500 combattants de l’Etat islamique de pointer au bout de leur AK47 (Kalachnikov) pour mettre en déroute deux pleines divisions de l’armée irakienne, soit 20'000 soldats.  Dans l’intervalle, Daech avait fait de la deuxième ville d’Irak, le cœur de son « Etat «. Après que Abou Bakr Al Bagdhadi, se proclame « calife «, dans la grande mosquée de Mossoul. Ce serait aujourd’hui quelques 5'000 membres de l’Organisation qui ont bénéficié de deux années pour finir de fortifier la ville.    

Il n’y a pas d’amitiés permanentes en politique, il n’y a que des intérêts à défendre. Les amis peuvent certes être parfois dissemblables, mais à ce point, jamais ! Il est donc difficile de trouver une alliance plus extravagante que celle qui vient de se lancer, depuis presque une semaine à l’assaut de Mossoul, la deuxième ville d’Irak.  Certes, en deux ans, le monde a eu le temps de prendre la mesure de l’effroi depuis qu’un certain Ibrahim Ali al-Badri, s’est proclamé « le calife al-Bagdhadi » sur la chaire de la grande mosquée de cette même ville.  Mais tout de même, réconcilier les Kurdes et les Turcs dans une même coalition ? Les chiites iraniens avec leurs ennemis sunnites ? Les Américains avec tous les autres ?  Objectivement, ça relève de la gageure ! Mais la guerre a ses logiques souvent absurdes.

Au moins quand un ennemi commun à l’humanité toute entière, les combattants de l’Etat islamique (Daech) se sont convertis en moyen d’assouvir des ambitions qui n’ont parfois que des liens très indirects entre eux.  En effet, toute la palette de ces appétits est disponible aujourd’hui dans les sables et dans le ciel irakien.

Pour les puissances régionales, l’occasion est donnée d’élargir les zones d’influence :  pour d’autres, à l’instar des Kurdes irakiens, de peser sur leur avenir en tant que peuple. Pour d’autres, encore, comme pour le premier ministre irakien, Haider al-Abadi, d’utiliser ce tremplin pour faire taire ses rivaux politiques.

Des calculs aux relents exotiques ? Un concentré de cet Orient compliqué ? Pas seulement : certains à Washington, comme à Paris, ne seraient mécontents d’une « victoire décisive «, ces prochaines semaines ou mois, dans la guerre lancée contre Daech.  Pour Barak Obama, ce serait une manière se faire oublier Alep. Pour François Hollande, une façon d’éviter de parler de sa courbe de chômage et des banlieues.

Si, il y a deux ans, la ville de Mossoul, est tombée comme un fruit mûr dans les mains de l’Etat islamique, c’est par ce que, au fond, tout le monde, s’était auparavant soucié comme d’une guigne de son million et demi d’habitants soumis à toutes   les guerres, à toutes les dérives et à tous les écartèlements possibles et imaginables. Et maintenant ?  A voir le degré d’impréparation face à ce qui pourrait devenir une catastrophe humanitaire de première ampleur, il est permis de douter d’un changement de perspective.  Utiliser à son profit de l’épouvantail de l’Etat islamique pour avoir sa part de gâteau, c’est une chose. Mais passer pour pertes et profits un million et demi de personnes, au risque de créer ainsi les monstres de demain, c’en est une autre, toute différente.

Par ailleurs, il n’a jamais suffi, jusqu’ici, de lâcher les fauves pour mettre fin aux menaces terroristes. La menace qui trouve ses origines Mossoul est sérieuse, et, peut-être   sans précédent.  Mais si les fauves ne sont pas légion, et tous montrent aujourd’hui les crocs.  C’est un drôle d’attelage pour rêver d’apaiser un jour Mossoul et faire repartir toute cette région sur de nouvelles bases.  La victoire contre Daech est assurée, pour le moment car la guerre sera longue et douloureuse pour les civils .il sera temps, ensuite, de s’étonner de l’irruption d’une nouvelle horde de sauvages …

Par ailleurs, une crise humanitaire majeure n’est pas à exclure.   Voici quelques mois que l’ONU et les ONG humanitaires   se préparent à une bataille annoncée comme décisive par la coalition anti-Etat islamique, mais maintes fois repoussée.  L’ONU ayant stocké des rations de nourriture pour 220'000 familles. De quoi tenir trois jours. Mais aussi 240 tonnes de médicaments et 143'000 kilos de biens de première nécessités pour les déplacés (couvertures, ustensiles de cuisine, sachets de soupe et produits hygiéniques

Mais l’appel à l’aide internationale   pour la construction de camps de réfugiés n’a jusqu’ici reçu l’écho espéré « Nous voulions construire 200'000 places d’accueil, il y en a actuellement 6000.  Je vous laisse faire le calcul de ce qui nous manque « poursuit Jean Leakey, l’un des responsables   logistique de l’ONU.

Les craintes sont notamment de voir une crise s’ajouter à la crise : un tiers des 33 millions d’Irakiens dépendent d’une aide humanitaire et 3,3 millions d’entre eux sont déjà des   déplacés internes.  L’Organisation « Médecins sans frontières « MSF, se prépare aussi à une situation d’urgence pour l’assistance médicale.

« Nous sommes déjà sur place. Le problème est que nous ne savons pas ce qui va se passer, quelle sera la dynamique du conflit «, explique Olivier Maizoué, responsable de programmes à MSF Suisse.

Rappelons-nous, après la reconquête par le pouvoir de la ville de FALLOUJAH, en juin de cette année, des milliers de civils sont disparus, ont été torturés ou exécutés. A l’heure actuelle, où démarre la reconquête de Mossoul, il est crucial que les autorités irakiennes prennent les mesures pour garantir que les violations choquantes ne se reproduisent plus …

* Notre éditorial  du 02/10/2014 sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch  ;
** Irak : LES ARMES INTROUVABLES -  HANS BLIX – Editions Fayard-GLM, 15 Rue des Sablons 75116 – Paris   France ;
REFERENCES
Atlas Socio-économique des pays du Monde 2014 ; Editions LAROUSSE – PARIS – France ; Le Monde Diplomatique du mois d’Août 20116 ; LE TEMPS- 18/10/16 ;


DR BEN ABDALLAH MOHAMED ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE « EDITE PAR NOTRE SITE

DEPUIS LE  1er Mars 2009 ;

&

EDITORIALISTE –REDACTEUR  EN  CHEF DU SITE  www.dr-ben-abdallah.ch
DEPUIS LE  1er Mars 2009 ;

DEMEURANT SIS 1202 GENEVE _ CH
03 – 11-     2016