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EDITORIAL  POLITIQUE

EDITORIAL POLITIQUE « SPECIAL  PRINTEMPS ARABE  »

CINQ ANS DE TERGIVERSATIONS CHAOTIQUES …

PROLOGUE

«  L ’étincelle qui provoqua  la vague de révoltes en Tunisie ,  en janvier 2011,  dite  « printemps arabe  «  est  pris  en étau, entre le retour des  pouvoirs  autoritaires et la menace djihadistes . Mais   l’exigence de la dignité et l’aspiration  à la  liberté sont  restées intactes .   La révolte  se propagea  dans tous les pays arabes à des degrés   spécifiques à chaque pays de la région .  Il faut cependant,  retourner  à la  source  de cette lame de fond  survenue    à travers  une révolution  presque oubliée  … En effet, l’engouement unanime des responsables politiques pour  la guerre traduit  une méconnaissance de la réalité sur le terrain .  En effet, la guerre  décidée  durant l’été 2014, l’engagement occidental  ajoute  une cinquième strate à  une superposition  de conflits qui embrasent  l’aire  arabo-islamique «  .

LE VER   EST   DANS L’HISTOIRE …

En 1979, la révolution iranienne avait  mis en place le premier  régime  politique contemporain , officiellement «  islamique «  , mais en réalité exclusivement chiite .  Elle revivait ainsi le conflit  ancestral entre sunnites  et chiites qui représentait le premier  strate d’une lente sédimentation . En effet, après sa prise de pouvoir à Téhéran , l’ayatollah Khomeiny demanda  une gestion collective des lieux saints  de l’islam , le défi  apparut  insupportable  pour l’Arabie  saoudite .

En 1995, en  France, un certain  Khaled Khelkal,   jeune  djihadiste trouva  la mort près de Lyon , déclarait  au    sociologue allemand  qui l’interrogeait : « le chiisme avait été  inventé par les juifs pour diviser  l’islam «  .  Il s’agit en effet d’une ânerie que les wahhabites saoudiens  avaient   l’habitude de débiter  pour justifier le  massacre des   chiites  , comme en témoignait , dès  1802, la prise de Kerbala ( aujourd’hui entre les mains des  irakiens ( qui s’était  traduit par la destruction de sanctuaires de tombeaux , dont celui de l’imam Hussein , et le massacre de nombreux habitants ) .

Cette «  guerre de religion «  déchire encore  aujourd’hui, sept pays de la région, en l’occurrence , L’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, le Pakistan, le Liban, le Yémen, et le Bahreïn).  Elle surgit  sporadiquement  au Koweït  et en Arabie saoudite . Par  ailleurs, En Malaisie, le chiisme est officiellement banni .

A l’échelle de la planète, les attentats les plus aveugles et les plus abjects avaient été commis  ,  pendant    pendant la période de  pèlerinage  «  HAJ » , en langue arabe , tuant  dix fois  plus de musulmans  que de non-musulmans . Les trois pays les plus frappés sont l’Afghanistan , le Pakistan  et l’Irak .  La communauté des croyants, «OUMMA » , que les salafistes et autres djihadistes prétendent défendre ,  recouvre    aujourd’hui,  un gigantesque espace d’affrontement religieux .

Dans ce contexte, on comprend pourquoi l’Arabie saoudite  mobilise beaucoup  plus facilement ses avions et ses troupes contre les » houthistes «   du Yémen , assimilés aux  chiites , que de porter secours au  régime pro-chiite de Bagdad . On voit mal  pourquoi les Occidentaux devraient prendre position  dans cette guerre , et avec quelle légitimité ?

La deuxième guerre  est  celle que mènent les Kurdes pour se rendre maîtres de leur destin , en particulier  contre l’Etat turc.  Elle est née en 1923, dans les décombres de l’Empire ottoman .  L’avènement  du traité  de Lausanne  qui divisait le Kurdistan entre  les  quatre  pays de la région : Turquie, Syrie, Irak  et Iran .   Par ailleurs, les nombreuses révoltes qui ont secoué le Kurdistan turc  entre 1925 et 1939, ayant  toutes  été écrasées  par Mustapha  Kamel Atatürk.  Depuis les années soixante, tous les  soulèvements , en Turquie , en Irak ou en Syrie et en Iran  ont été noyés dans le sang , dans l’indifférence totale de la communauté internationale .

Depuis 1984, cette  guerre  avait causé plus de 40'000 morts en Turquie, où 3000 villages kurdes  avaient été détruits , pour un coût estimé à  plusieurs  millions de dollars .  Nul ne devrait être surpris que la Turquie  ait laissé  affluer les candidats djihadistes  vers  les deux principales forces  dans lesquelles se reconnaissaient le Front  Al Nosra  et  Daeach ( Etat islamique )  , puisqu’elles combattent les Kurdes  d’Irak et surtout de Syrie , très proches  de ceux de Turquie .  Principale menace pour Ankara .  Le parti  des travailleurs du Kurdistan (PKK), reste classé comme groupe terroriste par l’Union européenne  et les Etats-Unis , et ne peut recevoir d’aide militaire occidentale .

Seul pays de la région à appartenir  à l’Organisation  du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et avoir  la capacité de modifier la situation  sur le terrain, la Turquie, après  moult  tergiversations , avait  fini par rejoindre la coalition .  Cependant, elle concentre ses moyens sur la reprise des affrontements avec le PKK et voit d’un mauvais œil les Kurdes d’Irak et de Syrie  gagner une  indépendance de fait , depuis  la première invasion de l’Irak par  Bush père , en  1990-1991 .

Troisième guerre en cours, celle qui déchire les islamistes entre eux , depuis la première guerre du golfe  (1990-1991) et plus encore depuis les révoltes arabes .  En effet, la rivalité la  mieux  connue  oppose les Frères musulmans , soutenus  par l’Arabie saoudite , en Egypte , en Libye  ou en Tunisie .  A  cela  s’est greffé la concurrence entre, d’une part , Al-Qaïda  et  ses  multiples franchises , et d’autre part, les  affidés de M. Boubaker Al Bagdhadi , le chef  autoproclamé  d’un califat virtuel (Daeach) ou Etat islamique (EI ).

En effet, au cours des premiers mois de 2014, ces derniers ont pris le pas sur le Front Al Nosra, filiale locale d’Al Qaïda  en Syrie , au prix de 6000 morts .  La proclamation du « califat » avait suscité  de nombreux ralliements .  Les  combattants étrangers de  « Deach » ou « EI » proviennent d’une centaine de pays . En désignant Al- Bagdhadi , comme leur ennemi principal , les pays occidentaux ont orienté d’une façon décisives la  mobilisation des djihadistes à ses côtés .

Enfin, l’une des guerres les plus meurtrières , qui avait  fait plus de 250'000 morts et des millions de réfugiés , est celle  que mène , le président syrien  Bachar Al Assad, contre ses opposants .

LA POLITIQUE DU PIRE MENÈE PAR L’ARABIE SAOUDITE

La bataille que se livrent les Occidentaux apparaît comme  un nouvel épisode d’une guerre plus ancienne , avec une autojustification historique insupportable  pour les populations de la région . Faut-il remonter aux accords  Sykes-Picot , ce partage colonial  de la région  entre la France et le Royaume –Uni les ruines de l’Empire Ottoman ? Faut-il remonter  à Winston Churchil, alors  secrétaire  à la guerre  du Royaume-Uni, faisant raser  des villages kurdes –bombardés au gaz chimique ypérite -  et tuer deux tiers de la population  de la ville kurde de Souleimania  , ou  réprimant violemment  les chiites irakiens entre 1921 et 1925 ?

Comment oublier la guerre Iran-Irak  (1980-1988 ) , dans laquelle Occidentaux et soviétiques soutinrent «  l’agresseur «  de Bagdad  et mirent sous embargo  «  l’agressé » Téhéran ? Monsieur Barak  Obama est le quatrième président américain ayant envoyé  des bombardiers en Irak , pays déjà meurtri par vingt-trois ans  de frappes militaires occidentales .

Par ailleurs, après l’invasion américaine , entre 2003  et 2011, près de 120'000 civils * ont été tués .  En 2006, la revue  médicale « The lancet » estimait le nombre de décès imputables    à cette guerre à 665'000 , cette catastrophe démographique s’ajoutant aux 500 000 morts causés par l’embargo  international  entre 1991 et 2002. Au dire de l’ancienne  secrétaire d’Etat  Madeleine Albright , le 12 mai 1996, sur CBS, cela « valait la peine «  .

Aujourd’hui, pourquoi  les Occidentaux  intervienne-ils contre    Daeach ? Pour défendre  les principes humanitaires ?  Il est permis d’en douter fortement , lorsqu’on constate que trois pays de l’alliance  continuent  à pratiquer la décapitation, la  lapidation  et couper les mains des voleurs :  le Qatar, les Emirats arabes, - très  loin  devant les deux premiers – l’Arabie saoudite .  Et la liberté religieuse ? Pour les chiens ?  En tout cas personne n’ose  l’exiger  de Riyad , où  une cour d’appel vient de condamner à mort un poète palestinien  pour apostasie **. S’agit-il encore d’empêcher des massacres ?  L’opinion arabe a du mal encore à croire  quand, deux mois après , près de 1900 morts dans les bombardements israélienne sur Gaza , qui avaient laissé  les capitales occidentales , étrangement muettes .

Par ailleurs, la  décapitation de trois occidentaux avait suffi pour décider de bombarder  le Nord de l’Irak .  «  Mille morts à Gaza, on ne fait rien ; trois Occidentaux égorgés , on  envoie l’armée ! «   Dénonçait un site salafiste  francophone .

Pour  le pétrole alors ? L’essentiel des hydrocarbures de la région s’en va vers les  pays d’Asie , totalement absents de la coalition pour tarir le flot des réfugiés ?  Mais dans ce cas , comment accepter que les richissimes Etats du Golfe  n’en  accueillent aucun ?  pour  protéger «  les droits de l’homme » , en défendant l’Arabie saoudite ?  La capitale saoudienne vient de montrer  son vrai visage  d’une monarchie obscurantiste, ennemi du progrès,  ennemi de l’humanité .    Ses  sujets préfèrent la compagnie de leurs  dromadaires que leurs femmes, considérées  comme des objets  sans aucune utilité . Elles n’ont pas le droit de sortir seules, n’ont pas le droit conduire un véhicule, d’enseigner  les mathématiques,  ou d’être membre d’un jury  d’assises .  Riyad  vient de montrer sa conception novatrice en condamnant , un jeune manifestant chiite , à être décapité , puis crucifié , avant que son corps soit exposé  publiquement jusqu’au pourrissement  (…)  Les Occidentaux   ne voient que du feu !   On leur achète  des Rafales, des Frégates, des canons, du matériel  dédié à la répression, l’espionnage de leur population,  et surtout  le flicage de leurs ressortissants vivant à l’étranger .

Sur le plan militaire, les contradictions sont plus évidentes encore  aujourd’hui . Seuls  les avions  occidentaux bombardent réellement Daech.  Les Etats-Unis déploient près  de 400, la France, une petite cinquantaine, dans le cadre  de l’opération «  Chammal » .  Avec  l’arrivée du porte-avion–«  Charles De-Gaule « , l’Arabie saoudite  dispose d’environ   400 avions de combat , mais  n’engage qu’une quinzaine  en Irak, , soit autant que  la Hollande et le Danemark réunis .  En revanche, le royaume  des Al-Soud,  est engagé à fond au Yémen avec  une centaine d’avions qui bombardent sans relâche les positions des Houtistes (chiites » , dans le cadre d’une campagne  d’une coalition  de  dix pays  arabes sunnites  contre les chiites saoudiens dont le seul tort est d’être  chiite .  Etrange déséquilibre ! C’est bien contre les Houtistes chiites  que Riyad  mobilise toutes ses forces !  Et non contre Al-Qaïda dans la péninsule  arabique (AQPA), dont se revendiquait  les auteurs    du massacre de « Charlie»  à Paris . 

Cette organisation que  l’ancien directeur de la CIA  D. P. , ancien général  de l’armée des Etats-Unis, qualifiait «  de branche la plus dangereuse «  de la nébuleuse  Al-Qaïda qui avait pris le contrôle d’Aden , deuxième  ville du Yémen .  Désormais, Daeach   a   atteint ses objectifs  stratégique  dans la région . Tout d’abord, cette nébuleuse  apparaît comme le défenseur  des sunnites opprimés en Syrie et en Irak et au Pakistan .  Ses victimes sont  à 90% des musulmans .  En  Afghanistan, en Irak  et en Syrie,  au Pakistan, les victimes des attentats  sont d’abord des chiites , ensuite  de «  mauvais musulmans «, en particulier des soufis , puis des représentants des régimes arabes , et , en dernier lieu  seulement, les membres de minorités religieuses ou des Occidentaux .

Par ailleurs, Daech est parvenue à délégitimer  Al-Qaïda  et sa branche locale en Syrie , le  Front  Al Nosra .  Les appels du successeur d’Ousama  Ben Laden, Ayman  al-Zawahiri, mettant  en demeure  Al- Bagdhadi, de se placer sous son autorité , traduisant ainsi, une  impuissance pathétique .   La somme des défections au sein des groupes  djihadistes montre  la dynamique nouvelle   créée  par Daeach .


A QUAND DAECH  CONTRE L’ARABIE SAOUDITE ?

En quelques  années Daeach  est devenue l’ennemi numéro un  de l’Occident . En réponse à la barbarie  de l’EI , l’Occident  avait  déclenché contre lui une « croisade «   qui ne dit pas son nom , mais qui peut  facilement être  présentée comme telle par les propagandistes du djihad .  L’opération américaine «  Inhrent Resolve «,    « détermination absolue « , regroupe principalement douze pays de l’OTAN . plus l’Australie, et l’alliance  retrouvée avec la Russie  renforcera encore plus le caractère de «  Front Chrétien «   que les propagandistes   djihadistes sur Internet savent très  bien l’utiliser .

En effet, selon une pétition en ligne signée  par 53 membres du clergé saoudien , les frappes aériennes russes  ont visé « des combattants de la guerre sainte en Syrie «  , qui défendent «  la nation musulmane dans son  ensemble  (…) sic !  Et si ces combattants sont  vaincus , «  les pays de l’islam sunnite  retomberont tous  les uns après les autres » . Par ailleurs, la  contre-stratégie  militaire  des  Al-Saoud  ne laisse  planer aucune ambiguïté  .  Elle est essentiellement  axée sur la lutte contre les chiites .  Riyad, comme les  autres capitales   du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ne peut considérer Daech, comme  la   principale menace , sous peine de se trouver contesté  par sa  propre société.

En effet, l’intervention saoudienne à Bahreïn , en 2012, était destinée à briser le mouvement de contestation républicain , principalement chiite , qui menaçait  la monarchie sunnite  des Al-Khalifa .  Au Yémen, l’opération « Tempête décisive « , lancée en mars 2015, visant à rétablir  un pion de l’Arabie saoudite,  en l’occurrence, Mansour Hadi, renversé par la révolte houtiste . Il n’est donc pas question  pour Riyad d’envoyer  ses fantassins combattre Daeach , alors que  150'000 hommes sont déployés  sur la frontière yéménites .  Pourtant, le prochain  objectif de Daeach  devrait être d’asseoir la légitimité  religieuse  de son « calife » autoproclamé qui s’est lui-même nommé  Emir  Al – Mouminin « Commandant des croyants » , titre de l’époque abbasside .  Il s’agit d’une  imposture qu’aucun croyant ne,  peut accepter  .  Toutes les références  au califat abbasside ont disparu après la dislocation  de l’Empire  abbasside  sous al Baramika (descendants  du calife abbasside Haroun Al –Rachid ) .  Quand  aux  délires  de Daech, personne ne les  prend au sérieux .  Une véritable  compétition  est  engagée avec l’autre puissance qui prétend prendre la tête  de l’Oumma «   et l’Islam avec, en l’occurrence  de l’Arabie saoudite, une dynastie  imposée par les Anglais  qui s’est attribuée les  lieux  saints  de l’Islam . L’Arabie  saoudite est dorénavant contestée sur le terrain .  Pour l’emporter , Al-Bagdhadi , doit défier le «  le défenseur des lieux  saints de l’Islam «  . Nous pensons donc qu’à terme, une fois réduites les zones chiites , le calife  auto-proclamé , visera  l’Arabie saoudite …Pour le  moment, les deux imposteurs sont à égalité .   A quand un affrontement de titan ?

La question  qui nous brûle les lèvres : quelles conséquences durables pour  le vieux  Continent ? Après les réfugiés afghans, irakiens, et syriens , l’Europe devrait rapidement voir arriver  les réfugiés yéménites .  Pays  encore plus peuplé que la Syrie qui ne peut pas  évacuer ses ressortissants vers les pays  frontaliers , tous membres du CCG et qui refusent  de recevoir  qui que se soit .

Par ailleurs, depuis 2004, la guerre au Yémen  avait fait plus de 340'000 déplacés , dont 15% vivent dans des camps , selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations-Unis .  Outre le Yémen, accueillait  246'000 réfugiés , somaliens  à 95% .  Les  bédoucraties  du golfe  ( membres du CCG)  montrent  leur visage hideux  d’égoïstes , alors que l’exode syrien  bat son plein depuis quatre ans . Aucune place n’est  offerte aux réfugiés  syriens par  cette racaille du CCG . Honte à eux !

On comprend mieux pourquoi  l’alliance mène une guerre pour laquelle  elle ne peut fixer  un objectif  stratégique claire . Sachant  que chacun des « alliés «  est en conflit  ouvert avec  l’un  ou les autres   .

Par ailleurs, les interventions en Irak, en Syrie, au Mali ou en Afghanistan, s’apparentent au traitement de métastases :   le cancer salafiste ayant  son foyer  dans les « bédoucraties « du Golfe  (pays du CCG) , protégés par les Occidentaux selon la doctrine « Carter «  . Alors  peut-on détruire Daech  sans renforcer d’autres  mouvements djihadistes , le régime  Assad ou celui de Téhéran ?  La guerre sera longue et impossible à gagner  , car aucun   des alliés régionaux n’enverra   ses troupes au sol,  par crainte  de menacer ses propres intérêts (…)

Quant à la stratégie occidentale fondée sur  les bombardements et la mauvaise formation  des combattants locaux  ayant échoué lamentablement en Syrie, en Irak , comme en Afghanistan  et au Mali, les Européens  et  Américains peuvent toujours  poursuivre  des objectifs  qui ignorent les mécanismes des crises internes  du monde arabo-musulmans afin  qu’ils  puissent vendre à perfusion  leur quincaillerie  de la mort sans que personne  ne leur demande des comptes .

Plus l’engagement militaire s’accentuera , plus le risque  de terrorisme augmentera , avant l’affrontement prévisible et ravageur qui devrait finir par  opposer Daeach  à l’Arabie saoudite .  Peut-être nous  assisterons  à une désintégration  programmée du CCG, origine  de tous les malheurs  du  monde arabo-musulman .  Qui sait tout est devenu possible  …

LA GENESE DU DJIHADISME

A l’instar d’autre idéologies, extrémistes,  le « djihadisme «  puise ses racines dans le désenchantement provoqué par la première guerre mondiale .  Le démantèlement  de l’Empire Ottoman, dit «  l’homme malade «  suivit par l’abolition du califat par Mustapha Kamel Atatürk , la domination occidentale et la montée en puissance de nouvelles formes de socialisation ont engendré un véritable désarroi dans les milieux  islamistes conservateurs .

Pour sortir de cette crise identitaire , certains militants « lettrés «  et juristes et théologiens  qui voyaient  dans l’islam l’unique remède .  Le plus important d’entre eux est sans doute celui des Frères musulmans .  Une confrérie fondée  par l’Egyptien  Hassan Al-Banna.  Pour ce dernier, «  l’islam  est ordre supérieur et total qui doit régner sans partage sur l’espace social musulman , car il est à la fois  dogme et culte , patrie et nationalité , religion et Etat , spiritualité  et action , Coran  et  sabre «  .  Un charabia  inspiré de Youg Men’s  Christian  Association (…)   Dans cet objectif bien obscur , il envisage une stratégie idéologique dont le but principal , à terme  serait :  islamiser la société par le bas en dépassant toutes les école juridiques  et théologiques, avant de s’emparer du pouvoir et  créer des Etats islamiques . 

Le printemps arabe  avait  failli  réaliser  ce rêve fou en Tunisie  et en Egypte . Heureusement,  les Frères musulmans  se sont cassés la figure en montrant leur incompétence en matière de gouvernance  . Leur incurie crasse  avait failli  paralyser le pays. Le peuple tunisien  refusa le diktat  des Frères musulmans  et les renvoya  aux oubliettes de l’histoire  par les urnes .  Ils  gouvernent  avec Nidâ Tounès  , sous la vigilance  accrue  de la société civile qui n’hésitera  une seconde  de les mettre à la porte du pouvoir .

En Egypte, c’est sans ménagement  que le maréchal  El-Sissi  envoya en prison leur leader  Mohamed Morsi   et plusieurs  centaines  de leurs membres  .   La peine  de mort  a été prononcée  contre plusieurs  d’entre eux, mais jusqu’à  présent , aucune sentence  n’a été exécutée .  

Par ailleurs, grâce  à la simplicité  relative de son discours  et  au zèle de ses membres, la confrérie  avait élargit  considérablement sa  base de soutien en Egypte  et ailleurs  dans  le monde, sans pouvoir  s’emparer   du pouvoir  .  Les Frères musulmans gouvernent  au Qatar, en Turquie  et  en partie  en Tunisie .    

Dès la fin des années quarante, l’échec de la confrérie  conduisit la minorité à adopter des positions plus radicales , notamment en ce qui concerne  l’usage de la violence . Les choses s’accélèrent de  manière  dramatique  durant les décennies suivantes , en raison de la répression  sans précédent  menée par  le nouveau pouvoir  des  Officiers  libres,  qui s’installèrent au Caire, proclamant  la laïcité  , mettant ainsi fin  à  l’hégémonie  de la confrérie .  

En dépit de leur popularité et de leur adoption par certains groupes radicaux à partir des années soixante, les idées d’Al-Banna  et de Qotb, sont freinées dans leur diffusion par un obstacle structurel :  leurs  auteurs ne sont pas des oulémas  dépositaires d’une  tradition séculaire , mais de simples  intellectuels  et militants  islamistes . Une catégorie qui n’a pas  encore trouvé sa place  dans le champ politico-religieux .  Tout le long des années  1960-1970 , plusieurs groupes djihadistes  (Sahab Mohammed  Al-Jihad et Al-Takfir wa –hijra ) se sont efforcés de remédier  à  ces carences en utilisant à l’envi des références classiques  particulièrement , des écrits du juriste –théologien Ibn Taymiyya ( 1263-1328) et son  disciple  Ibn Qayyim Al-Jawaziyya . En vain !

En 1979, l’invasion  soviétique de l’Afghanistan  avait permit au djihadisme  de se doter  d’une doctrine théologique et juridique  bien établie :  le wahhabisme . Grâce au pétrodollars  de l’Arabie saoudite , cette tradition  avait pu s’imposer dans le champ islamique  comme une nouvelle orthodoxie .

Né dans la seconde  moitié  du XVIIIème siècle en Arabie centrale, le wahhabisme est un avatar du hanbalisme , l’une  des quatre grandes écoles juridiques du sunnisme . Prédicateur  intransigeant , son fondateur , Mohammed  Ibn Abel-Wahhab (1703-1792), ne reculait devant rien  pour imposer  ce qu’il considère comme seule  vraie religion , celle du prophète  et des pieux ancêtres «  Al-salaf –al-salih «  , d’où le  terme « salafisme « , autre dénomination de cette tradition . 

En 1744, il s’alliait aux Saoud  pour bâtir sur la base  de sa doctrine une entité politique : le premier Etat saoudien , en place jusqu’à 1818 .
Suivi aveuglement par ses disciples, Ibn Abdel-Wahhab, assurait  «   que la seule voie possible vers le salut est la restauration de la religion  «  pure «  . Pour ce  faire, il  faudrait  découvrir, encore une fois, le concept : « Al-Tawhid « ,éponyme  de beaucoup de mouvements djihadistes .



L’ORGANISATION DE l’ETAT ISLAMIQUE ( DAEACH), A TIRE LES LECONS DES ECHECS D’AL-QAÏDA …

Devenir  et rester un véritable monothéiste suppose d’appliquer  strictement les prescriptions divines dans tous les domaines de la vie .  Pour atteindre cet objectif , le wahhabites une interprétation rigoristes des textes sacrés .  La chariâa, notamment les châtiments corporels – selon eux doivent être  appliqués à la lettre .

Forts  du projet Al-Banna , de la feuille de route  de Qotb, , de l’orthodoxie wahhabite et la victoire contre les soviétiques , les djihadistes  pensaient détenir, enfin la formule idéologique idéale pour  mettre sur le métier, leur projet foireux  d’un califat , se référant à «  l’ Âge d’or  de l’islam «  . Comme l’attestent les professions de foi  qui circulent sur la  toile depuis 2007 .  Cette idéologie  a peu  évolué  durant les dernières décennies .  Les seules nouveautés à signaler sont  la montée en puissance du discours anti-chiite , dû au contexte saoudien , irakien et syrien .  Autre  avatar  à signaler est le développement des écrits  légitimant toutes les formes de violences et celui des récits messianiques . 

Pour faire triompher ce qu’ils appellent la vraie religion (…) , les djihadistes avaient élaboré , depuis le début des années nonante  plusieurs stratégies à la fois concurrentes et complémentaires .  Al-Qaïda avait fondé sa raison d’être sur l’idée  que l’ »Oumma , »  est cible d’agressions intérieures et extérieures depuis des lustres . Les  musulmans   du monde entier ont  l’obligation , selon elle, de porter secours à  leurs  semblables en détresse.  Cette solidarité  organique  devrait s’exprimer  à travers la pratique du « djihad global » , à la fois contre les grandes puissances et  contre les régimes arabo-musulmans qui  les soutiennent .  L’objectif  final est de chasser  les puissances étrangères  et les régimes corrompus  qui les soutiennent .

Les membres d’Al-Qaïda  pensaient faire de l’Afghanistan le foyer principal d’une nouvelle  épopée .  Après dix  de guerre larvée , ils ont été renvoyé  dans  leurs foyers  sous la férule  des missiles et des bombes . 

L’occident avait fini  par délaisser  cette terre maudite  qui ne peut être autre chose que la désolation totale .  En 1998, Ben Laden et ses lieutenants avaient prêté  allégeance au chef des talibans , le mollah Omar, mort  comme Ben Laden,  lors d’un raid des forces spéciale .  Tirant les conséquences  de l’échec  patent d’Al-Qaïda , Daeach  adopta une attitude  moins globale mais  plus centrée  sur l’agressivité  et la transgression en tout genre . Les  dirigeants de l’Organisation, pour la plupart d’anciens  cadres du parti Baath  syrien ou irakien , rompus  aux stratégies  complexes .   Ils ont préféré tout d’abord de  se doter d’une plate-forme au cœur  du monde arabo-musulman  et assurer leur autonomie  financière  avant d’envoyer leurs soldats à l’assaut du monde .  Pour ce faire, ils  ont suivi un plan  en trois étapes , publié  entre  2002 et 2004 sur  Internet .  Ce dernier préconise : «  De l’administration de la sauvagerie : l’étape la plus critique que franchira  notre communauté de croyants «  en des termes simples et directes , cet opuscule  explique  comment les djihadistes peuvent profiter des évènements et des circonstances , sur le plan local  ou international,  pour mettre la main sur un territoire .  Une fois  conquis, celui-ci peut devenir une plate-forme, non seulement  par le recours  à une violence extrême  et à une propagande implacable , mais également en s’inspirant de l’art de la guerre et du savoir-faire administratif occidentaux . La réussite  partielle de cette stratégie  et la proclamation du «  califat » en juin 2014, ont fait des émules dans le monde arabo-musulman et ailleurs . Notamment  au Sinaï, en Libye , au Sahel , en Tunisie et surtout  en Arabie saoudite .  Les attentats de Paris  démontrent  que  la stratégie du terreur  préconisée  par Daeach  mène  à  une impasse .  Maintenant, tous les Français sont  contre Daech  et non une minorité d’irréductibles .  Les maghrébins vivant en France seront dorénavant  les premiers  à combattre  cette anomalie historique et cette aberration  stratégique .

CONCLUSION


 En guise de conclusion nous   vous  proposons  des extraits  la rencontre avec les responsables des sociétés  du Croissant rouge réunis la semaine dernière  à Genève. Parmi les centaines de membres  des Sociétés  nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge , réclament une attention  particulière qu’ils n’obtiendront  que par intermittence en Syrie, Irak, Yémen, et Libye .  Rencontre  avec ceux  pour qui la guerre est un cauchemar quotidien .

 Selon M. A. Attar ,  président du Croissant Rouge  syrien  En Syrie, les volontaires sont passés de  11'000 à 7'000.  « chaque matin nous nous levons  avec un seul  objectif : être  capables  de continuer notre travail une journée  supplémentaire « . 

Le Croissant –Rouge  est pratiquement seul  maître  pour décider de l’acheminement d’aide ou de secours . Le risque de transformer cette assistance  en une arme politique , en  choisissant ceux qui pourront en bénéficier .   Le directeur  balaye  ce  soupçon  d’un revers de  la main arguant   qu’une cinquantaine de membres de l’organisation  ont payé de leur vie  leur volonté de porter assistance à chaque Syrien  affirme-t-il  .  «  Nous essayons d’être présents  sur l’ensemble du territoire , à l’exception des régions tenues par Daech , comme Raqqa ou Deir –Ezz-or «  .Face  aux évènements, l’homme  veut donner l’impression d’une maîtrise  relative .  Cependant, il concède «  au delà des combats, la Syrie  compte  maintenant 9 millions de déplacés internes «  .  Leur venir en aide, leur trouver  des abris relève  du casse-tête .  La Syrie se vide , et le nombre de volontaires syriens est passé  de 11'000 à 7'000.

En Libye, c’est l’anarchie totale : deux gouvernements  qui se font face ,  un à Tripoli, l’autre à Tobrouk . Aucun d’eux  ne s’intéresse  au travail réel  du Croissant-Rouge  sur le terrain . Des centaines  de milliers de personnes  sont sans abris, livrées  à elles-mêmes , en proie  d’être  rançonner ou vendus comme du bétail  aux seigneurs de la guerre ou à Daech  qui  occupe un quart  du pays .

Les plus démunis et oubliés de tous sont les Yéménites . La délégation yéménite  est presque une surprise puisqu’elle  ne suscite  aucune  attention . « Notre  pays  est oublié de tous «  s’est exclamé  le représentant de Croissant-Rouge  yéménite . Un pays  saccagé, bombardé  par l’Arabie saoudite  et sa légion  de mercenaires . Des  bombardements  qui n’ont  aucune logique . Un jour c’est un village, le lendemain un quartier  etc.   La population se terre dans  les ruines  .  L’aide arrive compte-gouttes et ne couvre pas  l’ensemble du territoire  et le Croissant –Rouge  local fait tout ce qu’il peut  dans la désolation totale …

En Irak , c’est aussi  par millions que  se  chiffrent  les déplacés .Mais  l’Irak est toujours  considéré  comme  un pays  riche . Ils  reçoivent  moins  d’aide que  les autres .  Une autre aberration de la guerre (…) Le Printemps arabe  ayant  accouché un lugubre  hiver islamiste  nauséabond .   Quant aux Tunisiens, par qui  la Révolution est arrivée,  on leur a  offert un  lot de consolation  sous forme   « Prix Nobel de la Paix »  (…)  sic !



* Lire notre  éditorial  «  IRAK  : LA CASSURE ? Paru  sur notre  site www.dr-ben-abdallah.ch   le 02/10/2014  ;

** lire Akram Belaïd «  Une obsession dans le monde arabe- Dossier « le complot » -Le Monde Diplomatique  -« Juin 2015



REFERENCES :
LES CENT PORTES DU PROCHE-ORIENT – ALAIN GRESH  & DOMINIQUE VIDAL ;
EDITIONS  «  AUTREMENT «  -PARIS -

LE MONDE DIPLOMATIQUE  No 741 – Décembre  2015 ;

DR BEN ABDALLAH MOHAMED ;
DR OF  BUSINESS  ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE  EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE «  L’INTEGRATION  ECONOMIQUE DU MAGHREB ENTRE LE POSSIBLE
& LE REALISABLE » ,  EN FORMAT PDF ;

EN LIGNE  SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch
DEPUIS  LE 1er Mars 2009 ;

&

EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF  DU SITE


DEMEURANT  SIS 1202  GENEVE II ;

07/01/2016