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EDITORIAL POLITIQUE


TUNISIE :   LIBERTES INDIVIDUELLES EN DANGER !

PROLOGUE

« La Tunisie a adopté sa nouvelle loi  antiterroriste au grand dam de l’extrême gauche et la société civile , menaçant ainsi les libertés individuelles  mises à mal par trois ans de tergiversations islamistes .  En effet, le parlement tunisien ayant adopté, vendredi tard dans la nuit  une nouvelle loi antiterroriste pour répondre à l’essor des  attaques djihadistes . Il s’agit d’un texte  très critiqué par la société civile qui y décèle des menaces pour les libertés .

Après trois jours de débats, et des heures de pourparlers , vendredi à huis clos pour trouver un consensus sur le texte , les députés ont approuvé cette loi  sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent par 174 députés  pour, 10 abstentions et aucun vote contre !

Ce vote est intervenu dans un contexte de menace grandissante après les attaques en juin dernier (38 touristes tués ) et en mars au musée du Bardo à Tunis .* 22 morts, dont 21touristes , revendiquées par le groupe Etat Islamique  ( Daech,  acronyme arabe  de l’EI) .

Dans la foulée , la chambre du peuple a réintroduit la peine de mort .  Ce texte remplace une loi antiterroriste de 2003, adoptée sous la douce dictature de Ben Ali . Largement utilisée , selon les défenseurs des droits de l’Homme, pour réprimer l’opposition , en particulier le parti islamiste Ennahda , alors interdit  et aujourd’hui l’une des principales  composantes du gouvernement  Essid  II. 

Par ailleurs, les ONG qui espéraient que la nouvelle législation serait plus respectueuse de l’Etat de droit , ont exprimé leur profonde déception et de vives critiques contre le gouvernement dit « Essid II », un plâtre  sur une jambe de bois , affirment les connaisseurs qui l’accusent d’immobilisme, voire d’inertie . Il s’agit d’un gouvernement  d’opportunistes qui ont tourné la veste à plusieurs reprises  afin de s’assurer un poste  dans cette alliance contre  nature  entre « Nidâa Tounès, de M. Essebsi  et Ennahda  de Rached Ghannouchi  .

Ainsi, la peine de mort , absente du texte de 2003, a été introduite pour une série de crimes terroristes . La peine capitale existait déjà dans le code pénal , mais la Tunisie observe un moratoire sur les exécutions depuis 1991 . Les ONG ont aussi dénoncé le  délai de garde à vue fixé à 15 jours , pendant lesquels  le suspect ne peut consulter un avocat , ou encore le recours facilité aux écoutes téléphoniques .

Enfin l’opposition de gauche pointent  le texte et sa définition trop vague du « terrorisme » qui  pourrait permettre d’y inclure  des mouvements de contestation sans lien avec des mouvements terroristes .  Signe de la tension régnant en Tunisie, , le Ministère de l’intérieur a annoncé  dans la matinée  avoir déjoué des projets d’attentats  dans le  nord du pays , dans la région de Bizerte , arrêtant 16  suspects , en tuant un autre et saisissant des armes automatiques ainsi que  des explosifs   «  . Les connaisseurs de la vie politique tunisienne  pointent  ,  encore une fois, les gesticulations policières  qui  camouflent  mal les insuffisances d’un corps de police aux aboies .


TOLLE CONTRE UN PROJET  DE LOI  CONTROVERSE  SUR LA «  RECONCILIATION ECONOMIQUE »  

Samedi 12 septembre  à Tunis, le rassemblement contre un projet de loi controversé sur la « réconciliation économique » . Une initiative présidentielle visant à  amnistier ( sous conditions ), toute personne impliqué dans des affaires  de corruption sous le régime kleptomane de Ben Ali .  Ils étaient selon des sources journalistiques fiables entre mille et cinq  cent protestataires , fragmentés et en cortèges séparés (extrême gauche, coalition de mouvements citoyens et partis d’opposition modérée ) est loin d’être un soulèvement de la rue .

Pour cause : l’état d’urgence décrété , début juillet , dans la foulée de l’attentat de Sousse (38 morts ) .   Et alors que la manifestation était formellement interdite, cette première mobilisation contre le projet de loi  témoigne d’une controverse qui s’aigrit de jour en jour .

En effet, selon  ce professeur d’université appartenant  au Front populaire  (gauche) présent dans la manifestation « Nous ne sommes pas  contre la réconciliation dans les affaires de corruption . Mais cela doit se faire  dans la transparence et sur des bases claires, pas sous forme d’arrangements sous la table .  Il faut tirer les leçons du passé .  Sinon, à quoi bon  la révolution , à quoi bon les martyrs ? «  .

L’affaire remonte  au 20 mars dernier, jour de la fête d’indépendance. Ce  jour là, le  Président, M. Béji Caïd  Essebsi, avait appelé  à la « réconciliation nationale «  .  Son idée est lever les hypothèques judiciaires pesant  sur nombre  d’hommes d’affaires  liés à l’ancien régime afin de restaurer un climat favorable à l’investissement et donc relancer une économie agonisante . 

Dans une interview accordée au «  Monde «  le 3 avril dernier, le Président Essebsi précisait  ses intentions en ces termes :
« dans l’intérêt de la Tunisie, pour qu’elle se sorte du bourbier dans lequel elle est impliquée depuis quatre-cinq ans, il faut quand même regarder l’avenir beaucoup plus que le passé  « .

Regarder vers l’avenir plus que vers le passé , cela  signifie  à ses yeux accélérer les procédures contentieuses visant hommes d’affaires et fonctionnaires soupçonnés de corruption et détournements  de fonds  sous l’ancien régime de Ben Ali.

Or ces dossiers relèvent techniquement  de l’Instance  « Vérité et Dignité «  (IVD), l’organisme crée par une loi organique , fin 2013 pour mener à bien la « justice transitionnelle «  , l’un des acquis de la « Révolution «  de 2011.  Au Palais de Carthage, , siège de la Présidence , on n’a jamais caché son scepticisme à l’égard de l’IVD dont la lenteur  des travaux et le biais partisan ( prétendument favorable à «  Ennahda « , un des composants   du gouvernement Essid II . Un gouvernement présidé par  le premier ministre en  exercice, sous la houlette  du  Président de la République , le même M. Caïd Essebsi  (…) sic !

UNE HORREUR CONSTITUTIONNELLE

Ainsi l’adoption  d’une loi traitant spécifiquement des dossiers de corruption permettrait-elle  de contourner l’IVD et hâter ainsi le règlement judiciaire des contentieux .  Le  projet déposé en juillet devant le parlement propose  de lever les poursuites contre  toute personne (fonctionnaire ou homme d’affaires ) ayant bénéficié en espèce ou en nature (lots  immobiliers) de  malversations financières sous réserve  qu’elle rembourse l’Etat  le montant du préjudice estimé .

Par ailleurs, depuis l’été, la polémique se déchaîne en Tunisie sur ce projet de loi . « Ce texte est une horreur constitutionnelle « , dénonce Me A. S. avocat et ancien membre de la commission  de confiscation ( créée  pour récupérer  au profit de l’Etat les biens  mal acquis   sous le régime de Ben Ali). «  Il s’agit clairement d’un blanchiment de corruption «  .

M.S. critique notamment une procédure qui affranchira le traitement des dossiers d’ « un contrôle juridictionnel « pour le réserver à une commission à dominante administrative . Les  opposants au texte pointent les connivences entre le parti du président , Nidaa Tounès , et certains hommes d’affaires  ayant prospéré  sous l’ancien régime .  Une connexion qui expliquerait , selon eux , ce subit  enthousiasme pour la « réconciliation économique «  .

TRAHIR LA   REVOLUTION !

Dans le camp adverse, on nie toute offense aux principes .  «  il n’y a pas de blanchiment car l’annulation des procédures au profit de la personne poursuivie se fait en contrepartie du remboursement de l’Etat du préjudice financier estimé «  . explique L.D . Conseillé juridique à la présidence .

Quoi qu’il en soit, la controverse enfièvre la rentrée politique  tunisienne .  En effet, politiquement le gouvernement a  les moyens parlementaires de faire adopter le texte par l’assemblée : les suffrages des députés  de Nidaa Tounès (  le parti du président Essebsi )  ajoutés à ceux du parti islamiste Ennahda ( rallié  la coalition gouvernementale ) le permettrait sans difficulté . Mais la montée de la contestation au sein d’une société civile en plein  réveil  pourrait faire bouger les lignes .

En  attendant, les manifestations de samedi  sur l’avenue Bourguiba n’ont pas épargné  le  tandem  «  Nidaa Tounès  -Ennahda, » , anciens rivaux, aujourd’hui , réconciliés  sur le dos  de la gauche et  la société civile  . Ils  sont  au pouvoir .  Et,   tout le pays  l’ accusent    de   « trahir la révolution «  .


LA POLITIQUE DE LA FUITE EN AVANT …


Depuis la prise    du pouvoir  par  M. Essid , au début  de l’année courante, sa politique générale s’est distinguée  par les hésitations, les reculades  et les volte-face  spectaculaires .   En effet,  le premier gouvernement Essid  avait, à l’époque fait l’unanimité  contre lui : un gouvernement déséquilibré , partial  et incohérent  . Sans ligne politique lisible, comme nous l’avions écrit dans un précédent éditorial « Attentat du Bardo » , il  ressemblait plus à un plâtre sur une jambe de bois qu’à un gouvernement d’Union nationale . 

Le second gouvernement  a validé  l’accord secret  entre M. Rached Ghannouchi , président perpétuel  du parti «  Ennahda »  et M. Béji Caïd Essebsi , Président de Nidâ Tounès  et actuel  président de la République  **.

En effet, après l’attentat du Bardo, du 18 mars 2015,  M. Essid s’enfonça  dans les justifications vaseuses et le déni de la réalité .  Le ministère de l’intérieur  était une auberge  espagnole où  s’affrontait  les clans  pro-Ben Ali , tapis dans l’ombre, empêchant toute réforme significative et le clan  des « islamistes » qui se jetèrent sur les préfectures, sous-préfectures  et autres  administrations  lucratives   ( douanes, marché  noir  et contre bande  de carburant, et trafic d’armes avec la Libye et l’Algérie ) .  Le reste est laissé en l’état par les équipes  antérieures . 

Malgré le limogeage de quelques lampistes , la machine sécuritaire s’est  remit  à ronronner  comme d’habitude , niant ses insuffisances, son incurie crasse et surtout son manque d’objectifs clairs .  L’attentat du Bardo, était un signal fort  qui aurait pu anticipé   , l’attentat de Sousse, si la Tunisie avait un service de renseignent digne de ce nom . 

En effet, les auteurs des attentas du  Bardo étaient fichés, suivis de loin , mais pas vraiment cernables . Un grand service de renseignement aurait agit en amont  .  Mais le voleur  est de la maison  ! Puisque  les affidés des islamistes radicaux ou non,   recrutent à visage découvert , sans qu’on s’alarme  de peu ou de près .  La Tunisie était à la chasse des opposants politiques  de la société civile , des intellectuels  et autres  adhérents  des partis de gauche .  Quant aux islamistes, ne sont-ils pas les « enfants de Monsieur Ghannouchi « ? Comme l’avait  lui-même dit  dans ses interviews à la presse belge  en 2012 .  Alors circulez, il n’y a rien à voir !

L’attentat de Sousse  était prévisible, puisque les réseaux sociaux foisonnaient d’informations  sur le tueur d’el Kantaoui, puisqu’il était employé  comme  « saisonnier »  de cet établissement .  Le pire dans ce drame,  c’est la couardise  du personnel  de la plage . Ces  malabars auraient pu se mettre à plusieurs pour ceinturer l’assaillant  , le tirer par les jambes  et  enfin, le neutraliser en attendant l’arrivée de la police  . Au lieu de cela, ils se sont contentés  d’assister  lâchement   à l’assassinat de 36  êtres humains, sans lever le petit doigt  . Vingt-cinq ans de Ben Ali,  ont tué  tout  esprit  d’initiative  qui aurait dû  prévaloir    dans ces circonstances  . Honte à eux !  Ils sont passibles  de peines, de prison  et d’amandes,  pour non assistance à personnes en danger ! Le courage ne se décrète pas ! On  l’a , ou , on l’a pas . Manifestement, cette denrée n’est pas l’apanage  du  «  Tunisien des villes »  vous diront certains descendants des tribus des « Béni  Hilal et béni  Selim «  qui peuplaient  ces bourgades .


LES FAILLES DE LA SECURITE RELEVE  D’UN DYSFONCTIONNEMENT STRUCTUREL DE LA POLICE


INTERNATIONAL   CRISIS GROUP (ICGP) avait publié  le 23 juillet 2015  un rapport intitulé «  Réforme et stratégie sécuritaire  en Tunisie «  .  En effet, en analysant  la laborieuse réponse de l’Etat aux  nouveaux défis posés à l’ordre public  par la transition démocratique tunisienne. Parmi les enjeux les plus aigus figure l’émergence de la violence djihadiste illustrée par  la double attaque du musée du Bardo  à Tunis ( le 18 mars 2015 et d’un hôtel  près  de Sousse) .  Dans un entretien  au « Monde Afrique «  M. M.B. A , analyste principal  d’IICG pour la Tunisie , décrypte les enjeux de l’indispensable réforme sécuritaire en Tunisie .

Les failles dans le dispositif antiterroriste ne sont pas uniquement liées  à des problèmes strictement techniques .  Elles ne relèvent  pas que de la sécurisation  des plages ou de la répartition des forces de l’ordre  dans les axes routiers ou encore des questions d’équipement .  Ces failles résultent en grande partie du dysfonctionnement structurel des forces de sécurité intérieure ( FSI) ainsi que leur inadaptation au nouveau contexte ouvert par le départ de Ben Ali , en janvier 2011.

En effet, depuis le soulèvement de 2010-2011, les agents n’inspirent plus confiance  et de surcroît  ne font  plus peur au citoyen  lambda .  Les exigences  démocratiques sont plus élevées  et la menace terroriste sont devenues plus sérieuses  et les protestations sociales plus importantes .

DEPUIS LE SOULEVEMENT DE  2010-2011,  LES PROBLEMES DES FORCES DE L’ORDRE SE SONT  APPROFONDIS . MALGRE QUELQUES AVANCEES , LA GESTION DE L’ADMINISTRATION SECURITAIRE EST PLUS MAUVAISE QUE DURANT LA PERIODE BEN ALI !
En  effet, sous l’ancien régime, contrairement à une idée reçue , l’appareil de sécurité intérieure était  peu efficace . L’autoritarisme entretenait l’illusion d’une toute puissance de la police . 

Or, celle-ci était  très faible , la sécurité était plus ou moins maintenue parce qu’il y avait tout un système de propagande, un parti unique hégémonique qui jouait le rôle d’agence de renseignement .  Et surtout  parce que la peur du policier était savamment entretenue .  Or, une fois la barrière  de cette peur est levée , au cours des années 2000, avec des phénomènes  tels que la violence dans les stades  ou les  mouvements sociaux à répétition , la police est devenue incapable de maintenir l’ordre . Sa faiblesse apparaît aujourd’hui au grand jour .

En fait, depuis le soulèvement de 2010-2011, les problèmes des forces de l’ordre se sont approfondis .   Malgré quelques avancées , la gestion de l’administration sécuritaire est plus mauvaise que durant la période  Ben Ali.  L’état psychologique du personnel s’est dégradé , sa démotivation et son sentiment d’insécurité ont augmenté . Les retombées de la révolution et le maintien de règles de gestion arbitraires et anachroniques ont littéralement affaibli le corps .

S’il  y a eu par exemple  une rotation rapide de hauts cadres à chaque alternance  politique, un recrutement accéléré de policiers mal formés , l’influence  des syndicats qui ont fait pression pour la montée en grade de dizaines de milliers d’agents , le développement du clientélisme et la formation des clans parfois hermétiques .

Tout ceci a contribué à empêcher les pouvoirs publics de mettre sur pied une véritable politique publique de sécurité  qui pourrait répondre de manière efficace aux menaces djihadistes  à court, moyen et long terme .

LE MINISTERE DE L’INTERIEUR EST SOUVENT MISE EN CAUSE . POURQUOI LES PARTIS POLITIQUES QUI DOMINENT LA SCENE POST-2011 ONT-ILS ECHOUE A LE REFORMER ?
Beaucoup d’experts de la réforme du secteur de la sécurité intérieure ont appréhendé cette réforme en terme de lutte entre un pouvoir politique aux ambitions démocratiques et un appareil sécuritaire aux réflexes autoritaires . Or cette approche est réductrice .  Les partis  politiques , quelque soit leur orientation idéologique ont, en un sens profité du pouvoir discrétionnaire des ministres de l’intérieur successifs en termes de révocation , de nomination  et de promotion du personnel afin de pouvoir placer leurs pions  dans la plupart des échelons de l’institution .  Ceci avait  conduit les policiers à se recroqueviller  sur eux-mêmes .  Ce qui les avaient poussé  à vouloir s’autonomiser du « politique »  et avait développé  chez-eux  des réflexes  corporatistes souvent décriées  par  une population  qui subit directement ou  indirectement ces incartades policières .

Le climat  antiterroriste aidant, nombre  de cadre et agents considèrent les réformes comme un élément déstabilisateur .  Puisque la « révolution «   de 2010-2011 n’a rien fait pour améliorer leur condition  et redéfinir leur rôle dans la Tunisie post-Ben Ali . ILS ont tendance à considérer les politiques comme incompétents sur le plan sécuritaire , de même à idéaliser l’époque de l’autoritarisme .

Beaucoup pensent désormais que la sécurité doit être confiée  uniquement à des sécuritaires (…)  sic ! Ceci est dangereux car ces cadres et agents manquent souvent de recul  et de cadrage politique .  Et aussi  par ce que la sécurité  implique une politique publique et une stratégie globale qui vont au delà de la mission  des forces de l’ordre .

EVOLUTION DE L’OPINION PUBLIQUE SUR LA QUESTION SECURITAIRE

Comme dans d’autres contextes, l’irruption du terrorisme dans la société a tendance à produire une fausse opposition entre l’ordre et la sécurité , d’un côté, et liberté et démocratie de l’autre .  A chaque fois qu’une violence djihadiste éclate, ce qu’on appelle «  l’opinion publique » ou la »RUE »  au Proche Orient, penche du côté de l’ordre et la sécurité .  Les autorités répondent  au coup à coup  aux violences djihadistes et de manière volontairement  spectaculaire .  Ceci rassure une partie  de  la classe moyenne éduquée mais, en même temps , renforce leur sentiment d’insécurité .  Cette petite bourgeoisie demande toujours plus de sécurité à mesure que la violence terroriste augmente .  Il en résulte des frustrations dans les franges les plus  pauvres de la population qui subit tout en silence  .

Par ailleurs, dans leur vie quotidienne, les classes moyennes et au dessous ne se sentent pas en sécurité . Au contraire, elles  affirment subir d’avantage d’incompétence de l’appareil policier : petite corruption, brutalités  et autres pratiques indignes  d’un Etat de droit . Elles en viennent à développer un discours anti-policier qui entretient de plus en plus d’affinités avec le langage djihadiste anti-tyran  ( Taghout ), en arabe littéraire .

QUELQUES   PISTES POUR  AJUSTER  L’APPAREIL SECURITAIRE !


Pour corriger les dysfonctionnements de l’appareil  de  sécurité  il ne faut  , en aucun cas, se limiter à l’octroi d’un meilleur équipement aux unités d’intervention ou le renforcement  des capacités opérationnelles antiterroristes .

Sur le plan politique, ceci  doit passer  par un dialogue à l’intérieur et à l’extérieur du corps  de police . Notamment  sur les causes de la montée du discours des violences djihadistes et sur le nouveau rôle de la police tunisienne dans la Tunisie de l’après Ben Ali .

Sur le plan technique , cela passe  par la modification  des statuts juridiques qui régissent le secteur et la mise en œuvre d’un ambitieux plan de gestion des ressources humaines ainsi que l’amélioration de la formation initiale et continue .  Ceci est une étape indispensable pour renforcer l’unité du corps sécuritaire et apporter une réponse équilibrée et proportionnelle au terrorisme .  Cette idée passe quand même . Certains officiers de police y sont favorables .  Ils sont aussi favorables  à la réforme.  Plusieurs avancées sont entrain de se concrétiser , notamment la création d’un pôle de formation de la sécurité  intérieure .  Cela peut convaincre les cadres réticents   que  cette réforme  est dans l’intérêt du corps de police et que le contrôle parlementaire , n’est pas une ingérence .  Il s’agit des exigences de l’Etat de droit  .

En effet, la police était faible à l’époque de Ben Ali . Sa seule force résidait dans le fait que la plupart des citoyens  avaient peur d’elle .  Dans le contexte actuel d’accroissement des tensions à l’échelle régionale . Cette police est condamnée à  évoluer  ou disparaître .  Parce que revenir en arrière, c’est à-dire  restaurer la barrière  entre elle et les citoyens , en renouant avec  l’impunité , ne réglera pas le problème .  Bien au contraire, le retour à un régime autoritaire  intensifiera  la pression sur les forces de l’ordre  afin qu’elles parviennent, tant bien que mal, à maintenir   la sécurité  à court terme de ce régime .  Cependant, si la sécurité  des citoyens est ignoré , il faut s’attendre  à une radicalisation  générale à cause de l’injustice subie au quotidien .  Toute négligence  sera lourde de conséquences .


ANALYSE GLOBALE DE LA SITUATION

Dans cette courte analyse de la situation nous allons démontrer A+B  que les choix du gouvernement Essid sont , au mieux  incohérents et  démagogiques . Au  pire, partisanes  et anti-démocratiques  .  A cela s’ajoute  son incurie crasse  en matière macro-économique .

La Tunisie  a contracté un prêt  d’un milliard d’euros . Pourquoi faire ? Pour le distribuer à ses fonctionnaires !  Afin d’amadouer  une partie de ses fonctionnaires, l’Etat tunisien  s’est lourdement endetté  pour saupoudrer  une infime partie de ses fonctionnaires , sans que  son parlement  ne  manifeste un quelconque rejet de  ce geste clientéliste qui péjore une situation sociale  au bord de l’explosion .   Cet événement  avait été escamoté par l’attentat  du  Bardo  qui avait tenu le pays en halène  pendant trois mois . 

Ce prêt inutile  aurait  dû  être orienté  vers  les secteurs vivants :  agriculture, industrie, technologie et éducation nationale .  Des secteurs à valeur ajoutée  qui  donnent du punch à  une économie atone depuis  quatre  ans .  Cette idée  est venue de l’Union européenne  qui veut endetter les gens jusqu’au cou afin qu’il puisse les étrangler  à l’instar de  la Grèce  .  L’acceptation de ce cadeau empoisonné  par le nouveau  parlement élu, fin 2014  montre  à quel point que la Tunisie  n’est pas maître de son destin .  Le Président élu, qui avait pris  ses fonctions le 1er janvier 2015 , aurait dû poser son veto  , en attendant la clarification de la situation , embrouillé  pars les recours de Moncef  Marzouki, le président intérimaire sortant .  M. Essebsi avait loupé  sa  première coche . La Tunisie n’avait pas besoin de ce prêt .  Surtout pas pour le distribuer à  certains fonctionnaires , oubliant au passage, ceux et celles de l’éducation nationale  qui manifestent  contre cette discrimination .

Sur le plan politique , les gouvernements successifs de M.  Essid ont montré leur degré zéro  de la prévoyance et clairvoyance  .  Gouverner  c’est prévoir . Or M. Essid  n’a rien prévu ! Tans pis  pour les Tunisiens qui voulaient  un   changement .  Marzouki , fut  une erreur de casting ,  M.  Essid , une bourde  parlementaire  que les Tunisiens payent cash maintenant .

Rappelons au passage  que le 26 janvier 2014, une nouvelle constitution avait été adoptée . Les questions relatives au statut des femmes , au rôle du sacré, à la liberté de conscience étant tranchés par ce texte. Cependant, les grands arbitrages économiques qui auraient dû dominer la  vie publique, avaient été ignorées  par les deux  principaux partis politiques , en l’occurrence  Ennahda ( parti islamiste)  et Nidaa Tounès  (républicain de droite , issu des résidus du parti de Ben Ali, de vieux destouriiens, quelques syndicalistes et une énorme quantité d’opportunistes , issus de tout bord) .  Les deux camps  se  regardent en chiens de faïence  et s’invectivent  à travers   des vassaux  interposés . 

Si on compare  leurs programmes politiques et surtout économiques ils se ressemblent comme une goutte d’eau ** .  L’un comme l’autre  s’est accroché  à des chimères macro-économiques : l’un comme l’autre , depuis 2011, n’a en effet , pas rompu avec le choix d’insérer le pays  dans la division internationale du travail , offrant aux investisseurs étrangers une main d’œuvre qualifiée et coûts salariaux dérisoires .  Or, faute de développement  autocentré , impulsé par des investissements publics , alimentés par  une  demande locale solvable, ce modèle ne peut que perpétrer des inégalités régionales criantes .

Au risque de voir l’économie informelle et la contrebande  s’ériger  en maître absolu . Mettant ainsi  les recettes de l’Etat à rude épreuves .  Dans ce contexte , l’autorité de l’Etat   a reculé  face aux djihadistes , laissant le champs libre à toue sorte de trafiquants en tout genre .  La  Tunisie « révolutionnaire » s’est interdit  une action  vigoureuse  contre  ces trafiquants  , par manque de moyens .

L’autre plaie infectée de la Tunisie c’est sa dette . Le service de cette dernière constitue une lourde charge pour un pays pauvre .  C’est le troisième poste de budget de l’Etat : 4,milliards de dinars  tunisiens, en 2013  .   A cela  s’ajoute les charges de la CGC ( Caisse Générale de Compensation qui  avait engloutit   5,5 milliards de dinars  , en 2013  . Chacun voulait alléger ces charges, mais personne n’ose toucher   à ces vaches sacrées .  Les islamistes et leurs adversaires , devenus leurs  alliés objectifs depuis le début de 2015.

Pour résoudre ces équations à plusieurs inconnus, le Front populaire tunisien a élaboré un projet économique détaillé . Celui-ci comporte à la fois le recrutement de  fonctionnaires au ministère des finances pour lutter contre la fraude et la contrebande , une taxe de 5% sur le bénéfice net des entreprises pétrolières, la suspension des paiements  du service de la dette extérieure en attendant un audit , le réaménagement des barèmes de l’impôt  afin de favoriser les bas revenus et la suppression du secret bancaire .

Neuf mois après l’installation du gouvernement Essid II,  aucune proposition du Front populaire n’a été prise en considération par  ce gouvernement  d’opportunistes . Sa priorité absolue reste  la chasse  aux intellectuels  et aux opposants à son gouvernement mesquin . 

La hantise de la gauche révolutionnaire  était «  que Nidaa Tounès  s’alliait  avec Ennahda » . Chose faîte  depuis février dernier  . Les islamistes d’Ennahda  ont fait leur entrée au gouvernement . C’est  un coup de poignard dans le dos de ceux et celles qui ont voté pour Béji Caïd Essebsi , au second tour  des élections présidentielles de 2014 . Tant pis pour eux  et pour elles .   Le soussigné regrette amèrement d’avoir appelé publiquement de «  votez  au second tour pour M. , Essebsi,  afin de  pouvoir  barrer la route aux islamistes «  . 

CONCLUSION

Les lois antiterroristes  en Tunisie et en Egypte  fragilisent la liberté de la presse .  Les  Organismes  de droit de l’homme  ont appelé récemment  au refus  de confondre  lutte contre terrorisme et atteinte aux libertés individuelles.  Hélas  les récentes  résolutions prises en Egypte et en  Tunisie semblent indiquer que ces pays ont choisi d’adopter le chemin inverse .

Dans les deux pays, de nouvelles lois antiterroristes viennent durcir l’arsenal législatif en  matière  de  liberté de   la presse .  On semble se résoudre à une mise au pas des organes de presse en empêchant les journalistes de s’acquitter de leur devoir de journaliste d’ «  informer juste et vrai » .  Un devoir si utile à la démocratie.

En Tunisie , les attentats du Bardo  et de Sousse  ont déclenché  une réaction  des autorités qui ont adopté , le 25 juillet , en procédure d’urgence , une nouvelle loi restreignant fortement la  marge de manœuvre  des journalistes en les soumettant plus facilement aux poursuites pénale . 

Les fortes réprobations des  Organisations de droit de l’homme et du syndicat national des journalistes  tunisiens , auxquels  j’ajoute  ma voix en tant que journaliste  d’origine tunisienne, vivant à l’étranger ., pour dénoncer  haut et fort  cette nouvelle atteinte aux libertés individuelles orchestrés  par un gouvernement  obsédé par la sécurité , faisant fi de ses manquements  et l’incurie crasse de son appareil  sécuritaire indigne  d’un pays qui se dit «  démocratique «  . 

Le danger qui guette  la presse est bien réel . En Tunisie et en Egypte, il est illusoire  et même contreproductif  de vouloir s’aliéner la presse dans le combat contre le terrorisme .  il  ne s’agit pas dans nos pays d’établir un rapport de méfiance , voire de confrontation , avec une entité  dont le rôle fondamental dans l’établissement et la consolidation  d’une démocratie et d’un Etat de droit .

Défendre la presse est une exigence politique et morale , surtout au moment où les fossoyeurs de toute forme de puralisme  nous opposent à leur obscurantisme et leur barbarie .

La presse, dans toute l’Afrique, doit être un rempart  face à l’absolutisme du «  djihadisme « et non un ennemi à  abattre parce quelle fait son travail,    en dénonçant les abus en tout genre . 

La plus grande crainte de la population tunisienne demeure : que  le parlement tunisien deviendrait  une simple  chambre d’enregistrement , comme elle fut sous Ben Ali et sa douce dictature  qui avait duré  vingt-cinq  ans .  Si rien ne se fait  , le peuple  descendra dans la rue  pour réclamer son dû : une démocratie juste et équitable pour tous !


  • Lire notre éditorial  «  Attentat du Bardo » paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch  du mois mai 2015 ;
  • Lire notre éditorial  «  UN CAP POUR LA TUNISIE «  , paru sur notre site  www.dr-ben-abdallah.ch    le mois de juin 2014 ;

DR MOHAMED BEN ABDALLH ;
DR OF BUSINESS  ADMINISTRATIOM ;
SPECIALISTE  EN MACRO-ECONOMIE  DU MAGHREB ;
AUTEUR DE «  L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB ;
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE » ;
EN LIGNE  SUR  NOTRE  SITE :  www.dr-ben-abdallah.ch ;
DEPUIS LE 1er MARS 2009 ;
&
EDITORIALISTE –REDACTEUR EN CHEF DU SITE

DEPUIS LE 1er  MARS 2009 ;

DEMEURANT SIS  1202  GENEVE II ;
Genève le  01/10/2015