EDITORIAL POLITIQUE
TUNISIE : LIBERTES INDIVIDUELLES EN DANGER !
PROLOGUE
« La Tunisie a adopté sa nouvelle loi antiterroriste au grand dam de l’extrême gauche et la société civile , menaçant ainsi les libertés individuelles mises à mal par trois ans de tergiversations islamistes . En effet, le parlement tunisien ayant adopté, vendredi tard dans la nuit une nouvelle loi antiterroriste pour répondre à l’essor des attaques djihadistes . Il s’agit d’un texte très critiqué par la société civile qui y décèle des menaces pour les libertés .
Après trois jours de débats, et des heures de pourparlers , vendredi à huis clos pour trouver un consensus sur le texte , les députés ont approuvé cette loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent par 174 députés pour, 10 abstentions et aucun vote contre !
Ce vote est intervenu dans un contexte de menace grandissante après les attaques en juin dernier (38 touristes tués ) et en mars au musée du Bardo à Tunis .* 22 morts, dont 21touristes , revendiquées par le groupe Etat Islamique ( Daech, acronyme arabe de l’EI) .
Dans la foulée , la chambre du peuple a réintroduit la peine de mort . Ce texte remplace une loi antiterroriste de 2003, adoptée sous la douce dictature de Ben Ali . Largement utilisée , selon les défenseurs des droits de l’Homme, pour réprimer l’opposition , en particulier le parti islamiste Ennahda , alors interdit et aujourd’hui l’une des principales composantes du gouvernement Essid II.
Par ailleurs, les ONG qui espéraient que la nouvelle législation serait plus respectueuse de l’Etat de droit , ont exprimé leur profonde déception et de vives critiques contre le gouvernement dit « Essid II », un plâtre sur une jambe de bois , affirment les connaisseurs qui l’accusent d’immobilisme, voire d’inertie . Il s’agit d’un gouvernement d’opportunistes qui ont tourné la veste à plusieurs reprises afin de s’assurer un poste dans cette alliance contre nature entre « Nidâa Tounès, de M. Essebsi et Ennahda de Rached Ghannouchi .
Ainsi, la peine de mort , absente du texte de 2003, a été introduite pour une série de crimes terroristes . La peine capitale existait déjà dans le code pénal , mais la Tunisie observe un moratoire sur les exécutions depuis 1991 . Les ONG ont aussi dénoncé le délai de garde à vue fixé à 15 jours , pendant lesquels le suspect ne peut consulter un avocat , ou encore le recours facilité aux écoutes téléphoniques .
Enfin l’opposition de gauche pointent le texte et sa définition trop vague du « terrorisme » qui pourrait permettre d’y inclure des mouvements de contestation sans lien avec des mouvements terroristes . Signe de la tension régnant en Tunisie, , le Ministère de l’intérieur a annoncé dans la matinée avoir déjoué des projets d’attentats dans le nord du pays , dans la région de Bizerte , arrêtant 16 suspects , en tuant un autre et saisissant des armes automatiques ainsi que des explosifs « . Les connaisseurs de la vie politique tunisienne pointent , encore une fois, les gesticulations policières qui camouflent mal les insuffisances d’un corps de police aux aboies .
TOLLE CONTRE UN PROJET DE LOI CONTROVERSE SUR LA « RECONCILIATION ECONOMIQUE »
Samedi 12 septembre à Tunis, le rassemblement contre un projet de loi controversé sur la « réconciliation économique » . Une initiative présidentielle visant à amnistier ( sous conditions ), toute personne impliqué dans des affaires de corruption sous le régime kleptomane de Ben Ali . Ils étaient selon des sources journalistiques fiables entre mille et cinq cent protestataires , fragmentés et en cortèges séparés (extrême gauche, coalition de mouvements citoyens et partis d’opposition modérée ) est loin d’être un soulèvement de la rue .
Pour cause : l’état d’urgence décrété , début juillet , dans la foulée de l’attentat de Sousse (38 morts ) . Et alors que la manifestation était formellement interdite, cette première mobilisation contre le projet de loi témoigne d’une controverse qui s’aigrit de jour en jour .
En effet, selon ce professeur d’université appartenant au Front populaire (gauche) présent dans la manifestation « Nous ne sommes pas contre la réconciliation dans les affaires de corruption . Mais cela doit se faire dans la transparence et sur des bases claires, pas sous forme d’arrangements sous la table . Il faut tirer les leçons du passé . Sinon, à quoi bon la révolution , à quoi bon les martyrs ? « .
L’affaire remonte au 20 mars dernier, jour de la fête d’indépendance. Ce jour là, le Président, M. Béji Caïd Essebsi, avait appelé à la « réconciliation nationale « . Son idée est lever les hypothèques judiciaires pesant sur nombre d’hommes d’affaires liés à l’ancien régime afin de restaurer un climat favorable à l’investissement et donc relancer une économie agonisante .
Dans une interview accordée au « Monde « le 3 avril dernier, le Président Essebsi précisait ses intentions en ces termes :
« dans l’intérêt de la Tunisie, pour qu’elle se sorte du bourbier dans lequel elle est impliquée depuis quatre-cinq ans, il faut quand même regarder l’avenir beaucoup plus que le passé « .
Regarder vers l’avenir plus que vers le passé , cela signifie à ses yeux accélérer les procédures contentieuses visant hommes d’affaires et fonctionnaires soupçonnés de corruption et détournements de fonds sous l’ancien régime de Ben Ali.
Or ces dossiers relèvent techniquement de l’Instance « Vérité et Dignité « (IVD), l’organisme crée par une loi organique , fin 2013 pour mener à bien la « justice transitionnelle « , l’un des acquis de la « Révolution « de 2011. Au Palais de Carthage, , siège de la Présidence , on n’a jamais caché son scepticisme à l’égard de l’IVD dont la lenteur des travaux et le biais partisan ( prétendument favorable à « Ennahda « , un des composants du gouvernement Essid II . Un gouvernement présidé par le premier ministre en exercice, sous la houlette du Président de la République , le même M. Caïd Essebsi (…) sic !
UNE HORREUR CONSTITUTIONNELLE
Ainsi l’adoption d’une loi traitant spécifiquement des dossiers de corruption permettrait-elle de contourner l’IVD et hâter ainsi le règlement judiciaire des contentieux . Le projet déposé en juillet devant le parlement propose de lever les poursuites contre toute personne (fonctionnaire ou homme d’affaires ) ayant bénéficié en espèce ou en nature (lots immobiliers) de malversations financières sous réserve qu’elle rembourse l’Etat le montant du préjudice estimé .
Par ailleurs, depuis l’été, la polémique se déchaîne en Tunisie sur ce projet de loi . « Ce texte est une horreur constitutionnelle « , dénonce Me A. S. avocat et ancien membre de la commission de confiscation ( créée pour récupérer au profit de l’Etat les biens mal acquis sous le régime de Ben Ali). « Il s’agit clairement d’un blanchiment de corruption « .
M.S. critique notamment une procédure qui affranchira le traitement des dossiers d’ « un contrôle juridictionnel « pour le réserver à une commission à dominante administrative . Les opposants au texte pointent les connivences entre le parti du président , Nidaa Tounès , et certains hommes d’affaires ayant prospéré sous l’ancien régime . Une connexion qui expliquerait , selon eux , ce subit enthousiasme pour la « réconciliation économique « .
TRAHIR LA REVOLUTION !
Dans le camp adverse, on nie toute offense aux principes . « il n’y a pas de blanchiment car l’annulation des procédures au profit de la personne poursuivie se fait en contrepartie du remboursement de l’Etat du préjudice financier estimé « . explique L.D . Conseillé juridique à la présidence .
Quoi qu’il en soit, la controverse enfièvre la rentrée politique tunisienne . En effet, politiquement le gouvernement a les moyens parlementaires de faire adopter le texte par l’assemblée : les suffrages des députés de Nidaa Tounès ( le parti du président Essebsi ) ajoutés à ceux du parti islamiste Ennahda ( rallié la coalition gouvernementale ) le permettrait sans difficulté . Mais la montée de la contestation au sein d’une société civile en plein réveil pourrait faire bouger les lignes .
En attendant, les manifestations de samedi sur l’avenue Bourguiba n’ont pas épargné le tandem « Nidaa Tounès -Ennahda, » , anciens rivaux, aujourd’hui , réconciliés sur le dos de la gauche et la société civile . Ils sont au pouvoir . Et, tout le pays l’ accusent de « trahir la révolution « .
LA POLITIQUE DE LA FUITE EN AVANT …
Depuis la prise du pouvoir par M. Essid , au début de l’année courante, sa politique générale s’est distinguée par les hésitations, les reculades et les volte-face spectaculaires . En effet, le premier gouvernement Essid avait, à l’époque fait l’unanimité contre lui : un gouvernement déséquilibré , partial et incohérent . Sans ligne politique lisible, comme nous l’avions écrit dans un précédent éditorial « Attentat du Bardo » , il ressemblait plus à un plâtre sur une jambe de bois qu’à un gouvernement d’Union nationale .
Le second gouvernement a validé l’accord secret entre M. Rached Ghannouchi , président perpétuel du parti « Ennahda » et M. Béji Caïd Essebsi , Président de Nidâ Tounès et actuel président de la République **.
En effet, après l’attentat du Bardo, du 18 mars 2015, M. Essid s’enfonça dans les justifications vaseuses et le déni de la réalité . Le ministère de l’intérieur était une auberge espagnole où s’affrontait les clans pro-Ben Ali , tapis dans l’ombre, empêchant toute réforme significative et le clan des « islamistes » qui se jetèrent sur les préfectures, sous-préfectures et autres administrations lucratives ( douanes, marché noir et contre bande de carburant, et trafic d’armes avec la Libye et l’Algérie ) . Le reste est laissé en l’état par les équipes antérieures .
Malgré le limogeage de quelques lampistes , la machine sécuritaire s’est remit à ronronner comme d’habitude , niant ses insuffisances, son incurie crasse et surtout son manque d’objectifs clairs . L’attentat du Bardo, était un signal fort qui aurait pu anticipé , l’attentat de Sousse, si la Tunisie avait un service de renseignent digne de ce nom .
En effet, les auteurs des attentas du Bardo étaient fichés, suivis de loin , mais pas vraiment cernables . Un grand service de renseignement aurait agit en amont . Mais le voleur est de la maison ! Puisque les affidés des islamistes radicaux ou non, recrutent à visage découvert , sans qu’on s’alarme de peu ou de près . La Tunisie était à la chasse des opposants politiques de la société civile , des intellectuels et autres adhérents des partis de gauche . Quant aux islamistes, ne sont-ils pas les « enfants de Monsieur Ghannouchi « ? Comme l’avait lui-même dit dans ses interviews à la presse belge en 2012 . Alors circulez, il n’y a rien à voir !
L’attentat de Sousse était prévisible, puisque les réseaux sociaux foisonnaient d’informations sur le tueur d’el Kantaoui, puisqu’il était employé comme « saisonnier » de cet établissement . Le pire dans ce drame, c’est la couardise du personnel de la plage . Ces malabars auraient pu se mettre à plusieurs pour ceinturer l’assaillant , le tirer par les jambes et enfin, le neutraliser en attendant l’arrivée de la police . Au lieu de cela, ils se sont contentés d’assister lâchement à l’assassinat de 36 êtres humains, sans lever le petit doigt . Vingt-cinq ans de Ben Ali, ont tué tout esprit d’initiative qui aurait dû prévaloir dans ces circonstances . Honte à eux ! Ils sont passibles de peines, de prison et d’amandes, pour non assistance à personnes en danger ! Le courage ne se décrète pas ! On l’a , ou , on l’a pas . Manifestement, cette denrée n’est pas l’apanage du « Tunisien des villes » vous diront certains descendants des tribus des « Béni Hilal et béni Selim « qui peuplaient ces bourgades .
LES FAILLES DE LA SECURITE RELEVE D’UN DYSFONCTIONNEMENT STRUCTUREL DE LA POLICE
INTERNATIONAL CRISIS GROUP (ICGP) avait publié le 23 juillet 2015 un rapport intitulé « Réforme et stratégie sécuritaire en Tunisie « . En effet, en analysant la laborieuse réponse de l’Etat aux nouveaux défis posés à l’ordre public par la transition démocratique tunisienne. Parmi les enjeux les plus aigus figure l’émergence de la violence djihadiste illustrée par la double attaque du musée du Bardo à Tunis ( le 18 mars 2015 et d’un hôtel près de Sousse) . Dans un entretien au « Monde Afrique « M. M.B. A , analyste principal d’IICG pour la Tunisie , décrypte les enjeux de l’indispensable réforme sécuritaire en Tunisie .
Les failles dans le dispositif antiterroriste ne sont pas uniquement liées à des problèmes strictement techniques . Elles ne relèvent pas que de la sécurisation des plages ou de la répartition des forces de l’ordre dans les axes routiers ou encore des questions d’équipement . Ces failles résultent en grande partie du dysfonctionnement structurel des forces de sécurité intérieure ( FSI) ainsi que leur inadaptation au nouveau contexte ouvert par le départ de Ben Ali , en janvier 2011.
En effet, depuis le soulèvement de 2010-2011, les agents n’inspirent plus confiance et de surcroît ne font plus peur au citoyen lambda . Les exigences démocratiques sont plus élevées et la menace terroriste sont devenues plus sérieuses et les protestations sociales plus importantes .
DEPUIS LE SOULEVEMENT DE 2010-2011, LES PROBLEMES DES FORCES DE L’ORDRE SE SONT APPROFONDIS . MALGRE QUELQUES AVANCEES , LA GESTION DE L’ADMINISTRATION SECURITAIRE EST PLUS MAUVAISE QUE DURANT LA PERIODE BEN ALI !
En effet, sous l’ancien régime, contrairement à une idée reçue , l’appareil de sécurité intérieure était peu efficace . L’autoritarisme entretenait l’illusion d’une toute puissance de la police .
Or, celle-ci était très faible , la sécurité était plus ou moins maintenue parce qu’il y avait tout un système de propagande, un parti unique hégémonique qui jouait le rôle d’agence de renseignement . Et surtout parce que la peur du policier était savamment entretenue . Or, une fois la barrière de cette peur est levée , au cours des années 2000, avec des phénomènes tels que la violence dans les stades ou les mouvements sociaux à répétition , la police est devenue incapable de maintenir l’ordre . Sa faiblesse apparaît aujourd’hui au grand jour .
En fait, depuis le soulèvement de 2010-2011, les problèmes des forces de l’ordre se sont approfondis . Malgré quelques avancées , la gestion de l’administration sécuritaire est plus mauvaise que durant la période Ben Ali. L’état psychologique du personnel s’est dégradé , sa démotivation et son sentiment d’insécurité ont augmenté . Les retombées de la révolution et le maintien de règles de gestion arbitraires et anachroniques ont littéralement affaibli le corps .
S’il y a eu par exemple une rotation rapide de hauts cadres à chaque alternance politique, un recrutement accéléré de policiers mal formés , l’influence des syndicats qui ont fait pression pour la montée en grade de dizaines de milliers d’agents , le développement du clientélisme et la formation des clans parfois hermétiques .
Tout ceci a contribué à empêcher les pouvoirs publics de mettre sur pied une véritable politique publique de sécurité qui pourrait répondre de manière efficace aux menaces djihadistes à court, moyen et long terme .
LE MINISTERE DE L’INTERIEUR EST SOUVENT MISE EN CAUSE . POURQUOI LES PARTIS POLITIQUES QUI DOMINENT LA SCENE POST-2011 ONT-ILS ECHOUE A LE REFORMER ?
Beaucoup d’experts de la réforme du secteur de la sécurité intérieure ont appréhendé cette réforme en terme de lutte entre un pouvoir politique aux ambitions démocratiques et un appareil sécuritaire aux réflexes autoritaires . Or cette approche est réductrice . Les partis politiques , quelque soit leur orientation idéologique ont, en un sens profité du pouvoir discrétionnaire des ministres de l’intérieur successifs en termes de révocation , de nomination et de promotion du personnel afin de pouvoir placer leurs pions dans la plupart des échelons de l’institution . Ceci avait conduit les policiers à se recroqueviller sur eux-mêmes . Ce qui les avaient poussé à vouloir s’autonomiser du « politique » et avait développé chez-eux des réflexes corporatistes souvent décriées par une population qui subit directement ou indirectement ces incartades policières .
Le climat antiterroriste aidant, nombre de cadre et agents considèrent les réformes comme un élément déstabilisateur . Puisque la « révolution « de 2010-2011 n’a rien fait pour améliorer leur condition et redéfinir leur rôle dans la Tunisie post-Ben Ali . ILS ont tendance à considérer les politiques comme incompétents sur le plan sécuritaire , de même à idéaliser l’époque de l’autoritarisme .
Beaucoup pensent désormais que la sécurité doit être confiée uniquement à des sécuritaires (…) sic ! Ceci est dangereux car ces cadres et agents manquent souvent de recul et de cadrage politique . Et aussi par ce que la sécurité implique une politique publique et une stratégie globale qui vont au delà de la mission des forces de l’ordre .
EVOLUTION DE L’OPINION PUBLIQUE SUR LA QUESTION SECURITAIRE
Comme dans d’autres contextes, l’irruption du terrorisme dans la société a tendance à produire une fausse opposition entre l’ordre et la sécurité , d’un côté, et liberté et démocratie de l’autre . A chaque fois qu’une violence djihadiste éclate, ce qu’on appelle « l’opinion publique » ou la »RUE » au Proche Orient, penche du côté de l’ordre et la sécurité . Les autorités répondent au coup à coup aux violences djihadistes et de manière volontairement spectaculaire . Ceci rassure une partie de la classe moyenne éduquée mais, en même temps , renforce leur sentiment d’insécurité . Cette petite bourgeoisie demande toujours plus de sécurité à mesure que la violence terroriste augmente . Il en résulte des frustrations dans les franges les plus pauvres de la population qui subit tout en silence .
Par ailleurs, dans leur vie quotidienne, les classes moyennes et au dessous ne se sentent pas en sécurité . Au contraire, elles affirment subir d’avantage d’incompétence de l’appareil policier : petite corruption, brutalités et autres pratiques indignes d’un Etat de droit . Elles en viennent à développer un discours anti-policier qui entretient de plus en plus d’affinités avec le langage djihadiste anti-tyran ( Taghout ), en arabe littéraire .
QUELQUES PISTES POUR AJUSTER L’APPAREIL SECURITAIRE !
Pour corriger les dysfonctionnements de l’appareil de sécurité il ne faut , en aucun cas, se limiter à l’octroi d’un meilleur équipement aux unités d’intervention ou le renforcement des capacités opérationnelles antiterroristes .
Sur le plan politique, ceci doit passer par un dialogue à l’intérieur et à l’extérieur du corps de police . Notamment sur les causes de la montée du discours des violences djihadistes et sur le nouveau rôle de la police tunisienne dans la Tunisie de l’après Ben Ali .
Sur le plan technique , cela passe par la modification des statuts juridiques qui régissent le secteur et la mise en œuvre d’un ambitieux plan de gestion des ressources humaines ainsi que l’amélioration de la formation initiale et continue . Ceci est une étape indispensable pour renforcer l’unité du corps sécuritaire et apporter une réponse équilibrée et proportionnelle au terrorisme . Cette idée passe quand même . Certains officiers de police y sont favorables . Ils sont aussi favorables à la réforme. Plusieurs avancées sont entrain de se concrétiser , notamment la création d’un pôle de formation de la sécurité intérieure . Cela peut convaincre les cadres réticents que cette réforme est dans l’intérêt du corps de police et que le contrôle parlementaire , n’est pas une ingérence . Il s’agit des exigences de l’Etat de droit .
En effet, la police était faible à l’époque de Ben Ali . Sa seule force résidait dans le fait que la plupart des citoyens avaient peur d’elle . Dans le contexte actuel d’accroissement des tensions à l’échelle régionale . Cette police est condamnée à évoluer ou disparaître . Parce que revenir en arrière, c’est à-dire restaurer la barrière entre elle et les citoyens , en renouant avec l’impunité , ne réglera pas le problème . Bien au contraire, le retour à un régime autoritaire intensifiera la pression sur les forces de l’ordre afin qu’elles parviennent, tant bien que mal, à maintenir la sécurité à court terme de ce régime . Cependant, si la sécurité des citoyens est ignoré , il faut s’attendre à une radicalisation générale à cause de l’injustice subie au quotidien . Toute négligence sera lourde de conséquences .
ANALYSE GLOBALE DE LA SITUATION
Dans cette courte analyse de la situation nous allons démontrer A+B que les choix du gouvernement Essid sont , au mieux incohérents et démagogiques . Au pire, partisanes et anti-démocratiques . A cela s’ajoute son incurie crasse en matière macro-économique .
La Tunisie a contracté un prêt d’un milliard d’euros . Pourquoi faire ? Pour le distribuer à ses fonctionnaires ! Afin d’amadouer une partie de ses fonctionnaires, l’Etat tunisien s’est lourdement endetté pour saupoudrer une infime partie de ses fonctionnaires , sans que son parlement ne manifeste un quelconque rejet de ce geste clientéliste qui péjore une situation sociale au bord de l’explosion . Cet événement avait été escamoté par l’attentat du Bardo qui avait tenu le pays en halène pendant trois mois .
Ce prêt inutile aurait dû être orienté vers les secteurs vivants : agriculture, industrie, technologie et éducation nationale . Des secteurs à valeur ajoutée qui donnent du punch à une économie atone depuis quatre ans . Cette idée est venue de l’Union européenne qui veut endetter les gens jusqu’au cou afin qu’il puisse les étrangler à l’instar de la Grèce . L’acceptation de ce cadeau empoisonné par le nouveau parlement élu, fin 2014 montre à quel point que la Tunisie n’est pas maître de son destin . Le Président élu, qui avait pris ses fonctions le 1er janvier 2015 , aurait dû poser son veto , en attendant la clarification de la situation , embrouillé pars les recours de Moncef Marzouki, le président intérimaire sortant . M. Essebsi avait loupé sa première coche . La Tunisie n’avait pas besoin de ce prêt . Surtout pas pour le distribuer à certains fonctionnaires , oubliant au passage, ceux et celles de l’éducation nationale qui manifestent contre cette discrimination .
Sur le plan politique , les gouvernements successifs de M. Essid ont montré leur degré zéro de la prévoyance et clairvoyance . Gouverner c’est prévoir . Or M. Essid n’a rien prévu ! Tans pis pour les Tunisiens qui voulaient un changement . Marzouki , fut une erreur de casting , M. Essid , une bourde parlementaire que les Tunisiens payent cash maintenant .
Rappelons au passage que le 26 janvier 2014, une nouvelle constitution avait été adoptée . Les questions relatives au statut des femmes , au rôle du sacré, à la liberté de conscience étant tranchés par ce texte. Cependant, les grands arbitrages économiques qui auraient dû dominer la vie publique, avaient été ignorées par les deux principaux partis politiques , en l’occurrence Ennahda ( parti islamiste) et Nidaa Tounès (républicain de droite , issu des résidus du parti de Ben Ali, de vieux destouriiens, quelques syndicalistes et une énorme quantité d’opportunistes , issus de tout bord) . Les deux camps se regardent en chiens de faïence et s’invectivent à travers des vassaux interposés .
Si on compare leurs programmes politiques et surtout économiques ils se ressemblent comme une goutte d’eau ** . L’un comme l’autre s’est accroché à des chimères macro-économiques : l’un comme l’autre , depuis 2011, n’a en effet , pas rompu avec le choix d’insérer le pays dans la division internationale du travail , offrant aux investisseurs étrangers une main d’œuvre qualifiée et coûts salariaux dérisoires . Or, faute de développement autocentré , impulsé par des investissements publics , alimentés par une demande locale solvable, ce modèle ne peut que perpétrer des inégalités régionales criantes .
Au risque de voir l’économie informelle et la contrebande s’ériger en maître absolu . Mettant ainsi les recettes de l’Etat à rude épreuves . Dans ce contexte , l’autorité de l’Etat a reculé face aux djihadistes , laissant le champs libre à toue sorte de trafiquants en tout genre . La Tunisie « révolutionnaire » s’est interdit une action vigoureuse contre ces trafiquants , par manque de moyens .
L’autre plaie infectée de la Tunisie c’est sa dette . Le service de cette dernière constitue une lourde charge pour un pays pauvre . C’est le troisième poste de budget de l’Etat : 4,milliards de dinars tunisiens, en 2013 . A cela s’ajoute les charges de la CGC ( Caisse Générale de Compensation qui avait engloutit 5,5 milliards de dinars , en 2013 . Chacun voulait alléger ces charges, mais personne n’ose toucher à ces vaches sacrées . Les islamistes et leurs adversaires , devenus leurs alliés objectifs depuis le début de 2015.
Pour résoudre ces équations à plusieurs inconnus, le Front populaire tunisien a élaboré un projet économique détaillé . Celui-ci comporte à la fois le recrutement de fonctionnaires au ministère des finances pour lutter contre la fraude et la contrebande , une taxe de 5% sur le bénéfice net des entreprises pétrolières, la suspension des paiements du service de la dette extérieure en attendant un audit , le réaménagement des barèmes de l’impôt afin de favoriser les bas revenus et la suppression du secret bancaire .
Neuf mois après l’installation du gouvernement Essid II, aucune proposition du Front populaire n’a été prise en considération par ce gouvernement d’opportunistes . Sa priorité absolue reste la chasse aux intellectuels et aux opposants à son gouvernement mesquin .
La hantise de la gauche révolutionnaire était « que Nidaa Tounès s’alliait avec Ennahda » . Chose faîte depuis février dernier . Les islamistes d’Ennahda ont fait leur entrée au gouvernement . C’est un coup de poignard dans le dos de ceux et celles qui ont voté pour Béji Caïd Essebsi , au second tour des élections présidentielles de 2014 . Tant pis pour eux et pour elles . Le soussigné regrette amèrement d’avoir appelé publiquement de « votez au second tour pour M. , Essebsi, afin de pouvoir barrer la route aux islamistes « .
CONCLUSION
Les lois antiterroristes en Tunisie et en Egypte fragilisent la liberté de la presse . Les Organismes de droit de l’homme ont appelé récemment au refus de confondre lutte contre terrorisme et atteinte aux libertés individuelles. Hélas les récentes résolutions prises en Egypte et en Tunisie semblent indiquer que ces pays ont choisi d’adopter le chemin inverse .
Dans les deux pays, de nouvelles lois antiterroristes viennent durcir l’arsenal législatif en matière de liberté de la presse . On semble se résoudre à une mise au pas des organes de presse en empêchant les journalistes de s’acquitter de leur devoir de journaliste d’ « informer juste et vrai » . Un devoir si utile à la démocratie.
En Tunisie , les attentats du Bardo et de Sousse ont déclenché une réaction des autorités qui ont adopté , le 25 juillet , en procédure d’urgence , une nouvelle loi restreignant fortement la marge de manœuvre des journalistes en les soumettant plus facilement aux poursuites pénale .
Les fortes réprobations des Organisations de droit de l’homme et du syndicat national des journalistes tunisiens , auxquels j’ajoute ma voix en tant que journaliste d’origine tunisienne, vivant à l’étranger ., pour dénoncer haut et fort cette nouvelle atteinte aux libertés individuelles orchestrés par un gouvernement obsédé par la sécurité , faisant fi de ses manquements et l’incurie crasse de son appareil sécuritaire indigne d’un pays qui se dit « démocratique « .
Le danger qui guette la presse est bien réel . En Tunisie et en Egypte, il est illusoire et même contreproductif de vouloir s’aliéner la presse dans le combat contre le terrorisme . il ne s’agit pas dans nos pays d’établir un rapport de méfiance , voire de confrontation , avec une entité dont le rôle fondamental dans l’établissement et la consolidation d’une démocratie et d’un Etat de droit .
Défendre la presse est une exigence politique et morale , surtout au moment où les fossoyeurs de toute forme de puralisme nous opposent à leur obscurantisme et leur barbarie .
La presse, dans toute l’Afrique, doit être un rempart face à l’absolutisme du « djihadisme « et non un ennemi à abattre parce quelle fait son travail, en dénonçant les abus en tout genre .
La plus grande crainte de la population tunisienne demeure : que le parlement tunisien deviendrait une simple chambre d’enregistrement , comme elle fut sous Ben Ali et sa douce dictature qui avait duré vingt-cinq ans . Si rien ne se fait , le peuple descendra dans la rue pour réclamer son dû : une démocratie juste et équitable pour tous !
- Lire notre éditorial « Attentat du Bardo » paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch du mois mai 2015 ;
- Lire notre éditorial « UN CAP POUR LA TUNISIE « , paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch le mois de juin 2014 ;
DR MOHAMED BEN ABDALLH ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATIOM ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB ;
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE » ;
EN LIGNE SUR NOTRE SITE : www.dr-ben-abdallah.ch ;
DEPUIS LE 1er MARS 2009 ;
&
EDITORIALISTE –REDACTEUR EN CHEF DU SITE
DEPUIS LE 1er MARS 2009 ;
DEMEURANT SIS 1202 GENEVE II ;
Genève le 01/10/2015