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 EDITORIAL  ECONOMIQUE & FINANCIER

ZONE EURO :    UN  PIEGE NOMMÈ  DETTE PUBLIQUE


PROLOGUE
                                                                                                        

« L’endettement n’est plus un soutien de l’investissement, mais un frein à la reprise.  Faute de croissance, la question  de restructuration s’impose «  .

Loin de s’être résorbé depuis l’éclatement de la crise financière de 2008, le poids de la dette publique et privée , continuent de croître  dans la plupart des pays  de l’Union.  Le  poids de cette dernière s’alourdit  de 5,3% par an , en moyenne, depuis 2007, à l’échelle mondiale , à un rythme  plus rapide que la croissance économique (3,3%) .

Ce gonflement est imputable , pour moitié  aux émergents ( en particulier à la Chine, dont la dette totale a quasiment doublé en pourcentage du PIB, depuis 2007 .* Cependant  les pays riches sont aussi concernés , en particulier  la zone euro .  Désormais, la dette n’est plus un carburant d’une croissance insoutenable, mais le boulet qui plombe la reprise .  Ce phénomène renvoie au mécanisme de déflation par la dette , décrit par I.F . dans les  années trente : en  cherchant  à se désendetter individuellement, les pays réduisent leurs dépenses .  La déprime de l’activité qui en résulte, entraînant la baisse des prix  et des revenus , alourdit  finalement  le poids des  dettes .

Pour rendre  ces dettes soutenables, les grandes banques centrales s’efforcent  de maintenir au plus bas les taux d’intérêt.  Leurs  taux directeurs , étant proches  de zéro, , elles se sont lancées , dès 2009,  aux   Etats-Unis , en  2015, seulement , dans la zone euro, dans des achats massifs  de titres de  dette , principalement publique.  Une partie  non négligeable des dettes publiques , japonaises, britanniques, ou américaines  figurent ainsi désormais dans le bilan de la banque centrale .

Dans la zone euro, cette   forme de monétisation des dettes qui  ne dit pas son nom, risque de ne pas suffire . Faute d’une croissance et d’une inflation à  même d’alléger progressivement le fardeau, la solvabilité des nations  surendettées ne  peut être restaurée que par une restructuration des dettes . Une issue à  laquelle les créanciers ne veulent toujours pas se résoudre, comme le montre la gestion calamiteuse de la crise grecque .

COMMENT LA ZONE EURO S’EST ENFONCEE  DANS LE PIEGE DES DETTES PUBLIQUES ?

Selon toute vraisemblance,  les origines de la  crise  sont : trois  innovations  , la première réside dans le fait que la crise européenne trouve certains éléments d’explication dans des transformations importantes  de la finance datant des années 1980.  La première tient  à l’internationalisation  du financement des dettes publiques . En effet, au début de la décennie 1980, en proie à des déficits budgétaires importants et aux règles strictes interdisant aux banques centrales de les financer, le gouvernement américain commença  à vendre  des bons  de trésor aux  investisseurs étrangers .  Il s’agit en effet d’un appel  à l’épargne extérieure  qui permet d’accroître le montant des  financements possibles et atténue la contrainte de maîtrise des déficits .

Les autres  grands  pays n’ont pas tardé à suivre,  plaçant ainsi de plus en plus leurs politiques  étrangères sous le jugement instable  des   investisseurs étrangers .  Même avec un taux d’endettement de plus  de 200% de son PIB, l’Etat  Japonais  ne  connaît pas de crise, car il finance ses déficits à l’aide de son épargne nationale .

Presque au même moment, les banques d’affaires qui étudiaient la situation financière des Etats et plaçaient leurs emprunts auprès des investisseurs, réduisent leurs coûts en déléguant leurs analyses des dettes  publiques à  des agences de notation (…) Celles-ci  se consacrent alors, quasiment à la recherche  de type universitaire ! 

Standard & Poor’s ( S&P) emploie  aujourd’hui  plus de 6'000  personnes , engagée avec ses deux acolytes Moody’s et Fitch rattings , dans la course aux profits , peu regardant sur la qualité des analyses de risques .

Aucune des trois Agences  n’a signalé  la toxicité  des produits financiers  liés  au sub-prime , et lorsque S&P  avait dégradé la note des Etats-Unis, le 5 Août 2011, elle avait indiqué  qu’il est  désormais plus risqué de prêter  au gouvernement américain qu’à Enron , à la veille de  sa faillite .

Par ailleurs,  la tentative  d’oubli des crises précédentes  et le refus de tirer des leçons du passé, restent  les deux moteurs qui permettent de garantir  la reprise du dynamisme des transactions  financières .

Quant aux Européens, ils pensaient que  leurs  problèmes étaient  de moindre ampleur  car il avaient déjà  mis en place un plan de sauvetage des banques en octobre dernier .  Et c’est là l’une des nombreuses erreurs d’appréciation des responsables européens durant  cette crise .  Les programmes d’aide  ne suffisaient  pas à faciliter la tâche . Il s’agissait  uniquement  de mesures d’urgence. 

L’Europe , elle aussi, devra s’attaquer  à ce problème en  contraignant  les banques  à enregistrer les dépréciations d’actifs  en échange de nouveaux capitaux . Et  certaines banques pourraient ne pas  y survivre .

Loin d’être   un simple  thermomètre des dettes publiques, les Agences de notation sont devenues l’un des virus ,  rarement capables  d’anticiper  les problèmes  mais souvent source  d’instabilité lorsque  leurs avis  négatifs  sur telle dette  publique  vient d’accroître  la fébrilité  des  investisseurs .

Par ailleurs, ces dernies avaient mal géré  l’innovation  majeure qu’avait  présentée  la création  de la  monnaie unique en 1999. Ils  y  avaient vu la base d’une convergence  rapide  des  économies européennes. Ce qu’ils  avaient traduit par le fait que prêter , par exemple , l’Allemagne  et la Grèce devait se faire aux même taux d’intérêt , sans distinction de risque  entre les stratégies de compétitivité des pays et leurs  capacités à maîtriser les chocs  macroéconomiques et financiers . Il s’agit  d’une erreur d’appréciation dont ils tenteront  sans cesse par la suite de ne pas payer les conséquences .

LES ORIGINES DE LA CRISE : UNE GESTION POLITIQUE  DESASTREUSE

Dans leur livre,   les économistes Allemands, R.&. R. soulignent le fait que  les crises de cette publique  qui suivirent  l’éclatement des bulles ne sont pas  tant le fruit des dépense  rendues nécessaires pour sauver le secteur   financier , que les conséquences des pertes fiscales liées  aux récessions et à la faible croissance dans  lesquelles s’enfoncent les économies .

Cette évolution calamiteuse étant  intervenue dans un contexte marqué par plusieurs décennies de politique fiscale visant à réduire l’imposition , en particulier les ménages  aux revenus les plus importants et des entreprises .  Les Etats  avaient  enregistré un lourd manque à gagner  qui se chiffrait en milliards d’euros .  Ce manque à gagner  avait des conséquences considérables  sur la dette publique  qui ne cesse de grimper .

Les difficultés rencontrées par les finances publiques après l’éclatement de la bulle financière   sont apparus dans une situation de généralisation  des politiques de baisse d’impôts qui avaient déjà érodé la capacité fiscale des Etats .

Il faut dire que les dirigeants politiques de la zone euro ont accumulé les décisions  improvisées , tardives ou à  contre temps .  Certes apprendre à gérer collectivement une crise  de dette souveraine pour des pays  dont l’article 125 du traité fondateur stipule  que «  ni l’Union , ni les Etats membres  ne peuvent aider à financer le budget de l’un  des difficultés , n’avait rien  d’évident « . Pourtant , l’Europe  avait  montré sa capacité d’innovation institutionnelle qui, si  elle avait été assumée au lieu d’être forcée par les évènements, les élites européennes  avaient commis des erreurs  monumentales : à commencer par le refus d’un allégement rapide des dettes publiques , ainsi que le refus  d’une intervention  claire  de la  BCE ( Banque Centrale  européenne )  pour maîtriser les taux  d’intérêt qui s’ajoute  au détestable choix unique de l’austérité constitutionnelle comme seule  et unique voie de sortie de la crise  (…)

En effet, la crise de la dette des années quatre-vingt et celle des asiatiques , à la fin des années nonante,   avaient ouvert  un débat  international sur la  nécessité d’organiser un mécanisme de restructuration des dettes souveraines en difficulté .  En 2001, le Fonds  monétaire International (FMI) avait fait   une  proposition reposant sur trois  principes : en cas  de problème  de remboursement  d’une dette  publique  à des créancier étrangers , débiteurs et créanciers doivent négocier  un accord de rééchelonnement ( report), ou d’allègement  (annulation  partielle)de la dette, ; tout remboursement est, en attendant , suspendu ; un contrôle de change temporaire  est instauré afin d’éviter les  fuites  de capitaux .

On imagine  ce  qu’un tel mécanisme  aurait pu apporter à la situation de la Grèce : un allègement de   sa dette, auquel il avait fallu, de toute façon, se résoudre , l’arrêt immédiat  des fuites de capitaux et donc  une  moindre nécessité de recourir  à des politiques  de violences, d’austérité qui, plutôt que de rassurer les investisseurs , ont fini par faire craindre  un effondrement de la zone euro .  Le coup de pied  de l’âne est venu du refus des dirigeants  français  et l’inflexibilité  de Jean-Claude Trichet, ancien co-gouverneur  de la BCE , de permettre un allégement des dettes qui ont bloqué toute évolution  dans ce sens .

Par ailleurs, l’argument selon lequel un effacement partiel des dettes aurait inquiété les investisseurs  ne tient pas : mêmes sans ces allègements , la zone euro  est  restée  une zone de fortes turbulences qu’un accord  immédiat aurait   peut-être évité .

En effet, la fébrilité  des investisseurs avait été nourrie  au fil des mois  par la volonté affichée par  l’Allemagne , secondée par son toutou , la France , de considérer que la  seule solution de fond à la crise  reposait sur de profonds et durables  plans d’austérité , dans une quête permanente  de l’équlibre budgétaire inscrite  dans la constitution de chaque pays.  Tout comme les économistes d’aujourd’hui condamnent  la volonté des dirigeants politiques  des années  trente de maintenir  leur ancrage à l’étalon-or au pris de douloureuses  récessions  et d’une forte montée de chômage , ceux  de demain jugeront  la folie  des Européens  de s’enfermer dans une unique logique dépressive , où l’austérité  casse la croissance , réduit les recettes fiscales, accroît  les déficits , et appelle encore de plus d’austérité .

Il  aura fallu  attendre fin juin 2012 pour que la persistance de la crise  et l’élection  d’un nouveau président français  incitent les Européens  à mettre en œuvre quelques mesures de soutien  à une croissance atone  depuis  cinq ans . Ces mesures étaient censées à renforcer  leurs mécanismes de gestion des crises bancaires et de dettes publiques afin d’amorcer les premiers pas d’une centralisation du contrôle des banques européennes . Pour autant , des tensions  subsistaient  durant l’été 2012, conduisant la BCE à une intervention plus radicale .

En septembre 2012, la BCE décide  d’utiliser  sa force de frappe pour lutter contre  la spéculation  qui  avait fait grimper les taux d’intérêt du maillon faible de la zone euro, en l’occurrence la Grèce , de l’Irlande et du Portugal , touchant négativement, l’Espagne et l’Italie , et ( positivement ) , avec des taux d’emprunts  très faibles comme l’Allemagne et la France .

Elle avait lancé son OMT(Outrght Monetary Transactions ) : des achats « sans limite » des titres  de dette publique sur le marché  secondaire de la  dette .  Ce nouvel instrument n’avait pas été présenté comme une aide aux Etats, mais comme  permettre à la BCE  de reconstruire les canaux de  transmission  de la politique monétaire , ce  qui revient à dire :  quand la banque centrale  baisse ses taux à court terme  afin de réduire le coût  du crédit et soutenir l’activité .  Or maintenant , les taux  élevés , la spéculation  obligataire  empêchent la politique  monétaire de fonctionner .   La BCE  intervient donc pour redonner de l’efficacité  à ses interventions sur les taux .

LA BANQUE CENTRALE  EUROPEENNE   FACE AU  MARASME  ECONOMIQUE

Pour affronter la crise, la Banque Centrale Européenne avait pris des mesures exceptionnelles .  Mais  seulement  au profit   des  banques privées .


Depuis sa naissance, en 1999, la Banque Centrale européenne (BCE) avait été  régulièrement accusée  de se focaliser , par dogmatisme , sur la lutte contre l’inflation , au mépris de  l’activité . Pourtant, face à la crise , elle  avait pris des mesures  peu conformes à l’orthodoxie monétariste .  La zone euro  est  au bord de la déflation et pour certains économistes , une demande insuffisante et prolongée va finir par affecter la croissance  sur le long terme , faute d’investissements  physiques et humaines .

Les pays de la zone  sont également lestés par leur endettement .  A de rares  exceptions près, comme l’Allemagne,  la dette  du secteur privé ( c’est –à-dire  celle des ménages et des entreprises)   avait commencé à enfler dès le début  des années 2000 . Elle n’a  que très peu , ou pas du tout reflué depuis  le pic  atteint avant la crise des » sub-primes «  . En effet,  entre 2001 et 2013, en pourcentage  de Produit Intérieur Brut (PIB), la dette privée est passée  de 103% à 137%  en France, de 140% à 266% en Irlande et  110% à 172% en Espagne . 

Confrontés  à la crise, les  gouvernements ont réagi pour éviter le récession .  Le moteur de l’endettement  privé s’étant grippé , ils lui ont massivement substitué de la dette publique . Puis, après  avoir  beaucoup dépensé , ils ont décidé  trop vite de resserrer les cordons de la bourse .  En 2010, dans son livre «  La crise « , l’économiste  Michel Agelitta,  avertissait  en ces termes : «  Une rechute  en récession est possible si les gouvernements cherchent à réduire la dette publique avant que le désendettement privé ne soit pa accompli «  . C’est hélas ce qu’il ont fait .

DU CLASSIQUE AU NON-CONVENTIONNEL

Dans ces conditions, l’activisme de la BCE  est devenu  doublement nécessaire .  Non seulement la politique budgétaire ayant repris le cap de la rigueur, mais les banques ont également renoué avec les difficultés .  En effet, après avoir été sauvées par les Etats, au moment de la crise  des sub-prime, elles leur ont ensuite massivement prêté (…) sic ! Et se sont  fragilisées par la détention ces créances  sur certains Etats ( Grèce , Espagne, Portugal , Irlande  etc…)  Ils  se sont fait  malmené par le marché .  Or les banques constituent un maillon essentiel de l’économie de la zone euro ( en Allemagne 70% du financement du secteur privé, contre 20% aux  Etats-Unis . 

La BCE  multiplie ses soutiens aux banques pour qu’elles financent l’économie .  C’est pour  cela, elle a utilisé  l’arme classique des taux directeurs .  Ceux-ci sont pratiquement nuls :le taux dit des opérations  principales de refinancement  est fixé à 0,5%, depuis septembre 2004. De plus , elle s’est mise à communiquer  à   l’avance de l’orientation de son action .

En effet, à plusieurs reprises, le Président de la BCE, M. Mario  Draghi avait répété que  la Banque Centrale européenne (BCE), garderait  le taux très bas !  La même BCE s’est également résolue à utiliser  des instruments  «  non conventionnels «  , qualifiés ainsi car ils ne faisaient, jusqu’à présent, pas partie de sa boîte à outils traditionnelle .  Elle avait  par exemple,  élargi  la gamme des actifs qu’elle demande  en garantie , lorsque les banques commerciales viennent se refinancer  en liquidités auprès de la BCE .  En d’autres  termes, elle  accepte des « collatéraux » plus risqués , comme par exemple  les bons de trésor de l’Etat grec .  De plus la BCE qui, en temps normal prête  seulement à court terme aux banques , avait procédé en 2011, à plusieurs opérations d’octroi  de  liquidités à long terme (LTRO long term refinancing  operations), d’une durée de trois , voire  quatre ans .  Enfin, depuis 2010, et surtout depuis septembre 2012, la BCE rachetait  des titres de dette publique vendus par les banques  du  marché secondaire . Quelques jours avant, les élections grecques  de 2015, comme pour montrer sa bonne volonté elle avait annoncé qu’elle poursuivrait ces rachats de façon massive :  60 milliards d’euros  mensuels, pour une opération de18 mois , soit plus de 1000  milliards d’euros . En revanche, l’article 123 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), interdit à la BCE  de venir au secours des Etats en leur achetant directement des bons de trésor lors  de leurs opérations d’émission sur le marché  primaire .

UN PIETRE RESULTAT …

Au total,  toutes ces mesures , y compris les rachats de titres souverains ont été conçues  pour soulager les banques .  Sauvées une première fois par les autorités publiques lors de  la crise des   sub-prime  en 2008, ces dernières se sont gorgées  d’obligations émises  par les Etats dont elles avaient indirectement dévasté les finances .  Elles ont été sauvées une deuxième fois quand la BCE avait racheté ces mêmes titres souverains . Pourtant , le financement de l’économie par les banques reste en panne.  Elles  l’observent    la BCE, le taux de variation annuel de leurs prêts  au secteur privé est négatif : -2% fin 2013, après  -2% fin 2012 . A l’aune de ce piètre résultat , peut-être , il vaudrait mieux que la BCE prête directement  aux Etats ( et ceux-ci fassent de la relance budgétaire ) plutôt  que de  consacrer tous  ses soins aux banque . Par ailleurs, il est de bon aloi de rappeler que Monsieur  Mario Draghi,  gouverneur de la BCE est un ancien de Goldman Sachs . Ce qui l’intéresse  c’est les banques , l’économie  doit se débrouiller  avec les moyens de bord . Quant aux Etats, laminés  ne peuvent plus assurer leurs tâches régaliennes  sans aller pleurnicher chez les banquiers  qu’ils  avaient  sauvé de la faillite en 2008 . 

Les largesses de la BCE envers les banques ont eu des résultats notables :  elles  ont fait exploser  son bilan . Celui-ci est passé de 12,5% du BIB de la zone euro , au début  de 2007 à plus de 30% en 2012 ! Depuis lors, il a reflué , mais il va de nouveau enfler , sous l’effet de la poursuite  des mesures non conventionnelles, comme le plan  annoncé en janvier 2015 . 

Une analyse de l’OCDE , dans ses dernières perspectives : » en novembre 2014, le président de la BCE indiquait que ces mesures  devaient permettre une augmentation de ses actifs , qui passeraient de 2000 milliards d’euros actuellement ,soit  30% de la zone euro .En conséquence , les actifs de la BCE mesurés  en proportion du PIB seraient plus importants  que le sont aujourd’hui  ceux de la Banque centrale  des Etats-Unis  et de son homologue  britannique ( qui représentent  environ 25% du PIB) «  .L’ampleur de la perfusion monétaire est telle qu’il sera difficile de revenir un jour , peut-être, à la normale .

L’AMPLEUR DES INCERTITUDES DE L’APRES-CRISE


L’ampleur des interventions de la Banque centrale européenne (BCE) en temps de crise amène à s’interroger  sur la politique  monétaire en temps normal.  En fixant les taux directeurs, les banques centrales  influencent le loyer de l’argent pratiqué par les banques commerciales .  En revanche, depuis le grand tournant libéral des années huitante.  Elles n’essayent plus de peser sur l’utilisation sectorielle du crédit , au motif que les marchés  sont efficients et qu’ils sont les mieux placés pour décider si les financements doivent être orientés, par exemple, vers l’immobilier ou l’énergie .

Ces pratiques monétaires reposant exclusivement sur le maniement  des taux d’intérêt , n’ont pas  empêché la formation de bulles spéculatives (immobilières notamment ) et des débâcles qui ont suivi.  Pour réguler les liquidités avant que n’apparaissent les problèmes, peut-être  faudra-t-il  renouer en Occident avec les politiques , depuis  longtemps abandonnées , d’encadrement du crédit .  En Chine, quand les autorités monétaires voient que le crédit dérape en direction d’un secteur donné, elles imposent à leurs banques  des réserves obligatoires plus importantes spécifiques au prêts dans ce domaine (…)


EMPÊCHER LES BULLES DE CREDITS EN RENDANT LA SPECULATION PLUS CHÈRE !



En effet, avant la crise des sub-primes, les superviseurs considéraient  que les conditions nécessaires sont suffisantes pour avoir un système financier sable  si chaque banque , prise individuellement soit  en bonne santé , que chacune ait  mis assez d’argent de côté  afin de pouvoir faire face  à d’éventuelles difficultés , ce que les spécialistes de la finance appellent « contrôle micro-prudentiel «  .

Ce genre de supervision cherche, en  premier lieu, à s’assurer qu’aucun client ne sera pas  surpris par la faillite de  sa banque .Ce dogme repose sur l’idée que les problèmes que peuvent rencontrer les établissements financiers viennent surtout, soit d’une mauvaise gestion interne , soit d’évènements extérieurs généraux (ralentissement de la croissance, empêchant les emprunteurs de rembourser leurs prêts , une poussée d’inflation secouant  les  marchés  financiers ou bien un retournement du marché  immobilier ou de la bourse qui dérape  etc…) ; mais  que les relations entre les  acteurs financiers ne représentent un enjeu crucial  du moment que chaque banque est bien gérée.  Afin d’empêcher  la  nouvelle   formation de bulles de crédits , le G20 ayant d’abord  souhaité renforcer cette approche micro-prudentielle  grâce à plusieurs types de mesures .

La première concerne le minimum de capital que les banques doivent détenir pour pouvoir développer leurs actifs ( activités  de prêts et de placement sur les marchés  de financement ) .

Avant la crise , les banques  devaient respecter un ratio  capital sur les actifs( les actifs sont pondérés en fonction  du risque qu’ils représentent (, de 8% . Une mesure mise en œuvre  depuis 1988 et qui se décomposait  en deux : un ratio, dit  Tier 1 de  4%  et un second  guichet  (Tier 2)correspondant à ce que chaque régulateur national  qui avait été accepté  en 1988, d’inclure dans la définition du capital pour aider les banques à respecter  ces nouvelles contraintes ( les banques japonaises , par exemple, avaient fait valider dans le Tier 2, leurs plus-values  boursières latentes , ce qui fait , qu’au moment de l’éclatement de la bulle, quelques années plus tard, elles sont passées brutalement en dessous  du seuil réglementaires .
Et pour compliquer les choses  et d’éliminer les coûts de ces contraintes – le Tier 1 avait été décomposé  lui  aussi  en deux : » un Core 1Tier » avec  le capital reçu  des investisseurs  (les actions et profits  réinvestis) et une autre partie où les banques , en particulier françaises avaient glissé des titres hybrides ,mi emprunt, mi obligataire , assurant aux investisseurs une rémunération indexée sur les profits dégagés par la banque .

Par ailleurs,  après la crise des sub-primes , le Comité de Bâle, sur le contrôle bancaire , situé à  la BRI, avait décidé en  septembre 2010, de le passer de 2 à 7% :4,5% de base auxquels  s’ajoute  une sécurité supplémentaire  de 2,5% dans laquelle  les banques devront puiser, en cas de souci , mais  si cela se produit , elles seront contraintes dans la distribution de bonus et dividendes .  Plus largement, le Comité de Bâle restreint la liste de ce qui est considéré comme du capital , limitant le poids des instruments  hybrides, évoqués plus haut .

Le Comité a également  discuté  de la possibilité d’ajouter de 0 à 2,5% de capital en plus,  quand le crédit s’emballe pour  nourrir la spéculation .  Mais faute  d’accord, l’opportunité en est laissée à chaque régulateur  national . Comme cela  diminuerait la compétitivité des champions nationaux vis-à-vis  des banques qui n’auraient pas à appliquer cette contrainte supplémentaire, on peut légitimement douter qu’elle sera mise en œuvre de manière unilatérale .

TOO BIG TOO FAIL , OU TOO INTERCONNECTED TOO FAIL  (…)


Face aux risques  systémiques des établissements , le Comité souhaite imposer des contraintes supplémentaires en capital pour que les banques systémiques , celles dont les problèmes locaux peuvent engendrer une crise généralisée .  Cela concerne une trentaine d’établissements importants qui seront répartis en différents groupes en fonction de leur taille, du degré de mondialisation de leurs activités , de leur complexité de la possibilité ou  pas de vendre une partie de leur business à des concurrents en cas de besoin .

Un débat  est né  autour de cette notion de surcharge.  Désigner des banques comme « Too big  to fail «  trop importantes pour faire faillite , ou  « too interconnected  to fail «  , trop imbriquées dans les réseaux  des d’échanges  financiers  pour qu’on les laisse disparaître , ne revient-il pas à dire que  les pouvoirs publics ne laisseront jamais tomber  quoi qu’elles fassent , ce qui représente  pour elles une incitation à prendre des risques inconsidérées ?

En effet, qui peut croire , après la panique qui avait suivi la faillite de Lehman Brothers , qu’à  l’avenir les autorités publiques abandonneront à leur sort ce genre d’établissement ?Il est évident que les institutions systémiques seront sauvées . Alors, autant leur faire payer d’avance  et leur faire comprendre , avec  d’autres mesures , faire  payer les banques .  Quelles devront prendre en charge le coût d’un éventuel sauvetage  public .

Les  nouvelles règles devront être  progressivement appliquées par les banques entre  2013 et 2018, pour être complètement appliquées et opérationnelles , le 1er janvier 2019 .  L’échéance  paraît lointaine , mais la pression de la concurrence  fera que les établissements qui y parviendrons  avant les autres seront mieux cotés par les marchés .

Afin d’éviter les blocages, le Comité de  Bâle avait discuté de l’encadrement de la liquidité  des banques , à court terme  et à long terme . De  quoi s’agit-il ? À  court terme, chaque banque devra disposer de quoi tenir seule au moins un mois le cas où le marché interbancaire s’enrayait , comme cela été le cas au moment  de la  crise grecque en Europe , ou se bloque  complètement , comme après la chute de Lehman .  Concrètement cela signifie  que les banques devront détenir plus de cash , de réserves  sur le compte dont elles disposent auprès de la banque centrale  et de bons de trésor émis par des grands Etats , qui rapportent peu , car ils sont considérés sans risque, pour faire face à leurs besoins de liquidités à court terme .



CONCLUSION

Selon toute vraisemblance, la spéculation financière semble s’inscrire dans les gènes de l’espèce humaine fortunée , ses effets peuvent être plus au moins violents . Quant à la crise  de sub-primes de 2008, déclarée  aux Etats-Unis, s’est propagée en Europe , déclenchant  ainsi , celle des dettes publiques  qui ruina  les économies faibles de la zone euro .  Une catastrophe économique dont certains  pays fragile comme, l’Irlande, la Grèce,  le  Portugal et   l’Espagne,  ainsi que les  petits nouveaux de la zone euro  restent  à surveiller de  près .

Selon les dires de Ben Bernake, ancien patron de la Banque centrale des Etats-Unis, ayant beaucoup travaillé sur la crise de 1929, lorsqu’il  était universitaire « en tant que chercheur  sur la grande dépression, je crois sincèrement que le mois de septembre  et octobre 2008 furent les témoins de la pire crise financière de l’histoire  mondiale «  .

En effet, des treize plus grands établissements  financiers des Etats-Unis , douze se sont retrouvés au bord de la faillite en une semaine ou deux !
Par ailleurs,  lorsque  les tuyaux de la finance mondiale sont  propres, ils sont capables de supporter la pression :  une finance mondiale bien surveillée , réglementée , peut faire circuler des masses d’épargne plus au moins importantes  sans  provoquer de dérapages pour autant . 

Les crises financières  sont endogènes  aux fonctionnement des marchés financiers pour qu’elles  se développent  par des mécanismes  économiques  et politiques d’autant plus à même de faire dérailler  la machine que les autorités politiques , qu’elles soient publiques ou privées , ne font pas leur travail  de surveillance  et contrôle  des risques . A contrario, quel que soient la complexité de  la finance  et les  manquements des acteurs  privés, ou publics, peuvent toujours  agir  s’ils souhaitent et le veulent …

Les  déclarations  publiques des grands banquiers de  la planète, début  2011, affirmant , à l’image  de l’ancien patron de Barclays que «  il y a eu cette période de remords pour les banques , mais je pense que cette période est terminée «  .  Soulignant , encore une fois, combien les financiers sont incapables d’autodiscipline .  Un  état d’esprit  immédiatement traduit  en  actes  avec l’attribution , dès  2011 de rémunérations  indécentes . Un  comportement  qui illustre bien le  propos  de Galbraith …
Les régulateurs  publics  peuvent  contrôler la finance, mais le voudraient-ils vraiment ? Le  pourront-ils ?  Rien  n’est moins  sûr !


*Opérations principales de financement –OPR-Prêts à court terme de la BCE  aux banques commerciales .
**Marché secondaires : le marché secondaire sur lequel  les titres sont émis  par le marché primaire .

REFERENCES

- Christan  CHAVAGNAUX : Une brève histoire des  crises financières  -Edition LA DECOUVERTE  -75013- Paris – France
                                   « Des  Tulipes aux sub-primes « 

- ALTERNATIVES  ECONOMIQUE : L’ETAT DE L’ECONOMIE  2015 – HORS-SERIE  No 10
- YANIS  VAROUFAKIS : «  UN  AUTRE MONDE EST POSSIBLE « ; Edition Flammarion 2015 ; Pour la traduction française S. Pakis & Yanis Varoufakis – Athènes  -2013 ;
Voir notre éditorial «  RACHAT DE LA DETTE » - Paru sur notre site  www.dr-ben-abdallah.ch , le 05/02/15 ;
Voir notre éditorial «  Dette souveraine » - Paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch , le 10/09/11 ;




DR BEN ABDALLAH  MOHAMED  ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE  EN MACRO-ECONOMIE  DU MAGHREB ;
AUTEUR  DE «  L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU  MAGHREB ENTRE LE POSSIBLE
&  LE REALISABLE   « ;  EN LIGNE  EN FORMAT PDF  SUR NOTRE SITE

Depuis  le 1er  mars 2009

&

EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF

Demeurant sis  1202 Genève  II ;

03/12 /2015