EDITORIAL POLITIQUE & FINANCIER
L’UNION EUROPEENNE AU BORD DE L’IMPLOSION
LE TRISTE CONSTAT
« L’Europe était un investissement ,désormais, elle est vue comme un bien de consommation ! » C’est le triste constat que dresse M. Mario Monti, ancien Président du Conseil italien ( premier ministre ) et ancien Commissaire européen , qui dresse les traits d’une Europe égoïste, sans reliefs qui avait perdu en route son esprit rassembleur « .
La question qui revient souvent sur le tapis : « L’Europe est-elle menacée de désintégration ? » Le danger est cette fois-ci est bien réel, estime, l’ancien Commissaire européen . Il dénonce la responsabilité des politiques . Rappelant au passage que c’est lui qui avait rendu sa crédibilité à l’Italie après des années d’errance de Silvio Berlusconi . Son gouvernement de technocrates ( de 20 novembre 2011 à avril 2013) avait lancé les réformes structurelles que M. Matteo Renzi les avaient reprises à son compte .
Le risque d’une implosion de l’Europe marchande existe réellement , dans la moindre mesure, dès le début des années 2000. Les signes en étaient , le refus des Hollandais et des Français l’adoption du traité constitutionnel . Pour la première fois , on observait des signes de fatigue de l’intégration qui, d’ailleurs n’a jamais été la première priorité des Européens . La crise économique et financière , à partir de 2007, avait accru les craintes au sein des populations et donc la nécessité d’être protégé par l’Etat . Un Etat fédéral qui n’existe pas encore et n’existera jamais, si on garde les statuts actuels de l’Etat-Nation . On observe, dès lors un recul de l’intégration dans les faits . Deux grands facteurs de tension se sont greffés : la crise financière de l’intérieur de l’Euro-zone et la crise des réfugiés et migrants . Dans les deux cas, il y a eu des reflexes de retour à la nation , au local, mais aussi, ce qui est néfaste pour l’intégration , de tensions entre le nord et le sud du continent . Il est donc , bien possible que les forces de désintégration , dans la phase actuelle , l’emportent sur les forces de l’intégration .
Quant à ceux qui veulent sortir de l’Union européenne, il est impensable de craindre une désintégration par séparation du type Grexit, car la Grèce sortant de l ‘Union monétaire, ou Brexit, le Royaume- uni , quittant l’Union européenne. L’un et l’autre semblent peu probables . Cependant le risque réel d’implosion , c’est à dire une situation où , un peu partout à travers l’Europe, se crée un écart entre les élites qui ont porté le projet européen et une part toujours croissante de la population qui se méfie.
En effet, la principale inquiétude demeure une modification de fonctionnement des systèmes politiques nationaux et/ce depuis plusieurs années et cela s’accélère . Les personnes politiques et les politiques mises en œuvre ne s’inscrivent plus dans le court terme . La première victime en est l’intégration européenne , car, c’est la notion la plus difficile à expliquer .
L’implosion est comme par temps de sécheresse, des « caraquelures « se forment entre les pays et les régions ,à l’intérieur des pays. Même au niveau global , l’intégration est désormais en recul .
On assiste, à phase de repli sur le national et le local accompagnée d’un sentiment de rejet , voire d’hostilité envers la différence . On a des signes évidents de nationalisme, de populisme , y compris , aux Etats-Unis . Mais pour les Européens , l’intégration est un enjeu beaucoup plus grand . Car pour le moment , il n’y a pas beaucoup de Denis de Rougemont . Lorsque les dirigeants politiques se plaignent du fait qu’il n’a pas assez de politique en Europe , qu’ils dénoncent la bureaucratie , de qui parle-ton ? Le désarroi de l’Europe soit dû au parlement européen ou de la Commission européenne . Ce n’est pas là que se situe la crise . Ni dans les règles. Le lieu politique de l’Europe est le Conseil européen , l’organe qui prend ou non les décisions les plus importantes . Les 28 chefs d’Etat et de gouvernement qui siègent presque une fois par mois à Bruxelles se présentent comme s’ils prenaient des décisions dans l’intérêt général de l’Europe . Mais à cause de cette évolution - du court-terme électoral , de la publication du prochain sondage d’opinion , il en ressort une cacophonie des vingt-huit non, pas en fonction d’intérêts nationaux – ce qui serait déjà regrettable – mais d’intérêts partisans.
En effet, jusqu’à il y a quelques années, les dirigeants des pays allaient à Bruxelles en apportant leur brique à l’édifice . L’Europe était un investissement . Désormais, elle est vue comme un bien de consommation . Plutôt que d’apporter une pierre à l’édifice, on s’empare des briques, on désintègre l’architecture , pour créer un consensus national . On entend dire qu’il faut retrouver une combinaison capable de réunir un dénominateur commun minimal avec des systèmes politiques nationaux ! Seule Madame Merkel est encore à mi-chemin .
Quant à la rupture de solidarité inter européenne elle est manifeste . L’europe qui s’était bâtie sur les ruines de la guerre après un vaste mouvement de réfugiés du continent va-t-elle s’autodétruire sur la question des réfugiés ?
Ce qui est paradoxal, c’est les vieux Européens convaincus , disent que les jeunes générations ne peuvent plus ressentir la même nécessité de l’Europe comme facteur d’élimination des guerres . Mais si on attend encore un peu, on va se rapprocher d’une situation , dans laquelle , hélas , on pourrait de nouveau apprécier le temps où l’Union européenne fonctionnait alors que, peut-être , elle ne sera plus là .
Quant à la possibilité de la désintégration de l’Union européenne , elle est possible si on ne déprogramme pas le logiciel actuel . Il est vrai que l’Union européenne s’est construite par les crises . Cependant on ne peut que récuser le mécanisme intime qui semble cassé , à savoir que les processus dans les Etats est le moins qu’on puisse dire , manquent de sérieux .
Par ailleurs, les politiques économiques d’austérité ont montré leurs limites . Dans la mesure où au lieu de créer des richesses à distribuer en forme de travail, les Etats créent des dettes . Lorsque un Etat s’endette pour investir à long terme , il crée des richesses, par contre, s’il s’endette pour faire la consommation courante , il prive la génération suivante .
UNE POLITIQUE MONETAIRE INEFFICACE MINE L’UNION EUROPEENNE
« La panoplie d’instruments déployée par la BCE pour soutenir l’économie européenne n’a pas eu les résultats escomptés « .
M. Mario Draghi, , le gouverneur de la Banque Centrale européenne (BCE), n’y est pas allé de main morte , en ce 21 janvier 2016 : par cette phrase « Nous pouvons agir sans limites « , il a encore une fois prévenu qu’il était prêt à tout pour relancer la dynamique de l’économie européenne . Mais son engagement représente bien un aveu, en creux, que la BCE commence à douter de l’efficacité de sa politique monétaire actuelle, visant à relancer la croissance et les anticipations d’inflation pour échapper au spectre de la déflation ( une baisse autoentretenue des prix et de l’activité ) . Il faut dire que les chiffres ne sont pas rassurants : les prix à la production industrielle ont décru de 3% sur un an à la fin de décembre 2015 dans la zone euro (de -07% , hors énergie).
En effet, dans ses dernières prévisions du 4 Février , la Commission européenne prévoit un petit 0,5% d’inflation pour la zone Euro, en 2016 et une maigre croissance à 1,7% . Et les anticipations de hausse des prix pour les années qui viennent sont à la baisse et sous la barre des 2% , qui représente l’objectif de la BCE. Bref, l’Europe est loin d’être sortie du risque de déflation . pire encore, pour certains économistes, la politique monétaire actuelle nourrit une bulle spéculative qui pourrait nous éclater à la figure d’un moment à l’autre * .
La bonne nouvelle , c’est que Mario Draghi en est conscient ! En effet, pour la réunion de la CCE du 10 mars, il avait déjà annoncé qu’ « il sera nécessaire de revoir éventuellement de reconsidérer notre politique monétaire « . Revoir et même reconsidérer certes, mais pourquoi faire ? S’il s’agit de faire la même chose qu’aujourd’hui mais en plus grand, il y a peu de chances que cela soit plus efficace . D’autres chemins existent , plus buissonniers . Mais avant de savoir jusqu’où s’étend le « no limit » de la BCE, il faut comprendre pourquoi les outils actuels ne fonctionnent pas .
LE JEU DANGEREUX DE MARIO DRAGHI AVEC LES OUTILS FINANCIERS
Rappelons-nous, en juillet 2012, super Mario, avait calmé les agitations des investisseurs quant à l’avenir de la zone euro , en indiquant qu’il était prêt « watever it taes « , c’est –à-dire , tout ce qui est nécessaire pour la sauver ! Depuis, il agi par l’intermédiaire de plusieurs instruments . Il avait baissé le niveau du taux directeur de la BCE ( celui auquel elle prête de l’argent aux banques ) de 0,75% , en juillet 2012, à 0,5%, en juillet 2012, à 0,5%, en septembre 2014, niveau auquel il est resté depuis .
L’idée est simple : moins les banques emprunteront cher à la BCE, plus le taux de leurs crédits sera bas. . Incitant ainsi les ménages et les entreprises à emprunter pour investir , ce qui relancerait l’économie . La Banque Centrale utilise également ce que les experts appellent « Forward guiance « , c’est-à-dire l’annonce à l’avance de l’orientation de moyen terme de sa politique . La BCE ayant ainsi indiqué qu’elle laissera son taux directeur à un niveau très bas le temps nécessaire pour a atteindre son objectif : remonter l’inflation vers 2% .
Par ailleurs, lorsque Mario Draghi, affirme qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir , ou encore que ses interventions sont limitées , il fait également de la « Forward guidance « : il murmure à l’oreille des banques et des marchés , pour les rassurer sur le fait qu’il y aura de l’argent disponible et pas cher pour longtemps ; qu’ils n’hésitent donc pas à croire en l’avenir et à financer l’économie (…) C’est du Goldman Saches tout craché . La crise de 2008 avait commencé par endetter les pauvres pour les poursuivre après , pour avoir faillis !
Autre instrument utilisé, et déjà mobilisé par les autres Banques centrales , au Japon . aux Etats-Unis et au Royaume-Uni : le fameux « quantitative easing « . Cet assouplissement quantitatif consiste, pour la banque centrale , à acheter des titres de dettes publiques ou privées en finançant cette opération par la création de la monnaie . Depuis 2015, la BCE achète chaque mois pour 60 milliards d’euros de titres financiers , essentiellement des obligations émises par les Etats pour financer leur déficit budgétaire ou pour rembourser leurs dettes passées (…) , il s’agit d’une titrisation du néant .
Par ailleurs, Comme la BCE s’est engagée à procéder de la sorte jusqu’en mars 2017, elle va augmenter la quantité de monnaie en circulation , c’est-à-dire créer « ex nhilo » pour près de 1'500 milliards d’euros . Avec cet instrument, la BCE vise deux objectifs . D’une part, elle met de l’argent à disposition , en espérant qu’il finisse par se retrouver dans les poches des ménages et des entreprises qui ont envie d’investir (…)sic !
D’autre part, en poussant les taux d’intérêts sur les dettes publiques à la baisse , c’est à-dire, en les rendant peu rentables , la BCE espère inciter les investisseurs à financer directement les entreprises en achetant des actions et des obligations . En quelque sorte « c’est le serpent qui se mort la queue « .
LE JEU DANGEREUX DE LA BCE SUR LE TAUX DE CHANGE
Dernière arme brandit par le gouverneur de la BCE : comme les banques ont tendance à être frileuses à l’idée de prêter, elles préfèrent garder leur argent au chaud sur un compte auprès de la BCE. Celle-ci a donc décidé de ramener le taux de rémunération de ces dépôts à 0% , en mais 2013 et même à le passer en territoire négatif , depuis juin 2014, pour finir à -0,30%, depuis décembre dernier . En clair, la BCE taxe les dépôts des banques !
Elle en attend que celles-ci mobilisent cet argent , soit pour prêter aux entreprises et aux ménages, soit de le placer sur des titres rémunérateurs à l’étranger , où les taux d’intérêt sont plus élevés qu’en Europe (Etats-Unis et pays émergents ) .
Banquiers et investisseurs vendent alors des euros pour acheter des devises , ce qui pousse la dépréciation de la monnaie européenne . Ainsi souligne M. P.A. Chef économiste de « Natixix , sur les 800 milliards de baisse de réserves de change de la chine , en 2015, la vente d’obligations européennes représente 250 milliards « .
Par ailleurs, les exportations européennes , sont certes poussées par l’euro faible, mais sans effet suffisant sur l’activité . De fait, la principale réussite de la « quantitative easing » tient à son effet sur le taux de change de l’euro , qui s’est fait sentir dès l’été 2014 . D’un côté cela rend les produits européens plus compétitifs , et donc pousse les exportations . Mais comme la croissance mondiale n’est pas au mieux de sa forme, l’effet d’entraînement sur l’activité demeure très faible .
De l’autre côté , cela accroît les prix des produits importés , ce qui fait nourrir des anticipations d’inflation pour l’avenir . Mais avec la chute brutale du prix du pétrole, les prix restent tirés vers le bas . De plus « cette guerre des monnaies défensive » , selon l’expression de M. A. B. , chef économiste chez Candriam, suppose que les autres devises , en particulier le dollar, acceptent de s’apprécier et donc que leurs économies perdent en compétitivité , ce qui a des limites , comme le montre la quasi-stabilité du taux ce change de l’euro sur la dernière année .
La BCE mobilise toute une panoplie d’instruments pour apporter son soutien à l’économie européenne , avec pour objectif que les banques et les investisseurs financent l’économie réelle . Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que ça ne fonctionne pas très bien . Certes, Mario Draghi, avait prévu, dès 2014qu’il ne pouvait pas tout : quand les Etats européens suivent des politiques d’austérité et que les salaires et les investissements ne partent pas ,la Banque centrale européenne (BCE), à elle seule, ne suffit pas à relancer le moteur .
Pour autant, n’y aura-t-il pas , même dans ces conditions , une politique monétaire plus efficace pour soutenir plus directement l’activité ? La réponse est oui . Mais elle emmène la Banque Centrale européenne (BCE), vers des terrains inconnus , sur lesquels elle ne semble pas prête à s’aventurer (…) !
REMEDE DE CHEVAL : LA BCE POURRAIT FINANCER DIRECTEMENT LES INVESTISSEMENTS OU LES MENAGES EUROPEENS ; UNE MESURE POTENTIELLEMENT EFFICACE ; MAIS PEU DEMOCRATIQUE …
Que peut faire le gouverneur de la BCE, M. Mario Draghi , pour rendre la politique monétaire européenne plus efficace ? La première voie s’offre à lui consiste à en faire plus, mais en continuant à faire la même politique , qui somme toute encourage l’immobilisme qui a montré ses limites supérieures . Il peut aussi rester dans la même logique , mais en intervenant directement sur les marchés des actions et des obligations des entreprises . Ce serait la dernière étape avant d’avancer vers la seule politique monétaire qui serait aujourd’hui efficace : financer directement les investissements ou même les ménages européens (…) sic !
Deux voies de garage s’ouvrent : si la Banque centrale européenne (BCE) se contente de suivre la même politique en « plus grand » , il y a peu de chances qu’elle obtienne de meilleurs résultats « l’efficacité n’est pas nulle , mais ce sont les politiques à rendements décroissants « , confie un ancien banquier central . On se demande donc à quoi servirait de diminuer encore un taux directeur , déjà pratiquement nul ? De la même façon, annoncer une nouvelle extension de la durée du « quantitative easing « ? La BCE ayant déjà eu recours, en décembre dernier, en prolongeant en septembre 2016, à mars 2017 . Ou une hausse du montant des achats « d’actifs » en réalité des dettes d’entreprises ou de ménages , de 60 à 80 milliards par mois , créera plus de monnaie , mais n’aura plus d’impact demain qu’aujourd’hui sur le financement des économies de la zone euro . En effet, taxer d’avantage encore les dépôts des banques avec l’instauration, un peu partout le taux négatif , les inciteraient à reprendre leurs billes pour placer plus d’argent à l’étranger , ce qui contribuerait à affaiblir un peu plus l’euro . Mais uniquement dans la mesure où les autres banques centrales , notamment l’américaine (La FED), laisseront faire .
La BCE , pourrait alors décider de financer elle-même les entreprises , en achetant directement des actions ou des obligations . Ce qui ne serait pas sans poser des problèmes . En effet, les variations d’humeur des marchés se retrouveraient dans le bilan de la banque centrale . D’autre part, les entreprises qui bénéficieraient des achats de la BCE verraient leur coût de financement réduit , mais pas les autres .
De plus, les marchés des dettes privées , potentiellement achetables demeure étroit , en Europe :à la fin 2015, le stock de la dette des entités publiques dépasse légèrement les 7'500 milliards d’euros , celui des entreprises non financières se situe à 900 milliards .
Face à ces difficultés , une autre voie est proposée par nombreux économistes pour faire financer directement l’économie par l’argent de la banque centrale . Les soutiens à ce principe ont été nombreux et pas les moindres : de Paul Krugman, à Ben Bernake , l’ancien patron de la FED en passant par Willem Buiter, l’économiste en chef , chez Citigroup, et à Adair Turner, l’ancien responsable de la régulation financière britannique . Sans oublier les grands anciens de Keynes à Friedman !
Concrètement, deux chemins sont proposés : soit un financement de projets d’infrastructures publiques par la création monétaire , soit une distribution directe d’argent aux Européens . Aucun des deux n’est facile ., explique l’économiste Frank Van Lerven **. Dans le premier cas, explique l’économiste les projets doivent pouvoir être mis en œuvre rapidement pour être efficace et leur échelle doit pouvoir varier en fonction de la quantité de monnaie que la BCE est prête à créer .
Les montants affectés à chaque pays devraient être décidés avec les banques centrales nationales , mais la décision quant à l’emploi des fonds appartiendraient aux Etats , lesquels devraient se fixer un objectif de réduction de chômage, par exemple. Cela pourrait concerner , par exemple, un projet européen d’économie d’énergie. L’effet macroéconomique et écologique , seraient direct , local et important .
Sinon , reste la seconde solution qui consiste à utiliser l’argent créer par la BCE pour remplir les comptes des banques de chaque Européen et l’inciter à consommer ou à se désendetter . Ce qu’on peut résumer par le slogan « Quantitative easing for the people » ou » assouplissement quantitatif pour le peuple « est une opération comptable blanche (…) sic !
Nul doute que la mesure serait populaire , cependant l’impact macroéconomique serait moins fort que dans le cas précédent , car une partie de ces revenus supplémentaire serait épargnée ou dépensée en importations . De plus, pour être efficace, il faudrait distribuer d’avantage d’argent dans les pays les plus en difficultés et procéder ainsi à une forme de redistribution des revenus dans la zone euro, dont la maîtrise serait laissée aux techniciens de la BCE …
« Cela aurait sans doute, sur le plan économique , mais ce n’est pas à la BCE de décider qui doit recevoir de l’argent . Ce ne serait pas démocratique « , explique un ancien banquier central . « C’est une solution ultime , mais elle a peu de chance d’être pratiquée « . Même de « Sans limites « de Mario Draghi n’a aucune chance de convaincre et a bel et bien des limites . Elles sont autant démocratiques qu’économiques . Encore, un coup d’épée dans l’eau . Quels gâchis !
LA MONTAGNE ACCOUCHE D’UNE PETITE SOURIS GRISE !
« L’assouplissement quantitatif pour le peuple » ou « Quantitative easing for people « demeure somme toute une gesticulation de plus dans la panoplie des volte-face de M. Draghi. Quand on demande à une experte , économiste de l’Université Princeton et du CNRS, Madame A.L D., ce quelle pense des propositions de M. Draghi, de distribuer l’argent de la BCE aux ménages ou financer directement les grands projets, elle reste perplexe . Si on arrive à ce genre de propositions c’est que l’Europe est engagée dans une période de stagnation séculaire , en d’autres termes , une tendance de long terme à une productivité et à une croissance faible . Mais la politique monétaire seule ne pourra pas répondre à cette situation . Proposer que la BCE finance directement les projets d’investissements ou les comptes en banque des ménages , c’est vouloir faire jouer un rôle politique budgétaire . Face à un choc de croissance qui touche plus la Grèce et d’autres pays, et moins l’Allemagne et la France , on demande à la politique monétaire de remplacer les transferts fiscaux inexistants qui permettraient de répondre à la situation .
En l’absence d’une alternative de coordination budgétaire, il est parfaitement cohérent sur le plan économique et écologique que la BCE crée de la monnaie pour financer, par exemple, un grand projet de rénovation thermique des bâtiments dans une zone bien déterminée . Mais cela pose un sérieux problème démocratique : la décision de distribuer des financements incombe à des parlements élus . Or pour être efficace , il faudrait transférer l’argent allemand et du Nord de l’Europe vers les pays du sud de l’Union , qui sont loin de leur potentiel de croissance ou bien qui ont trop de chômage .
On mettrait donc en œuvre une politique de redistribution au niveau européen , dont les modalités seraient déterminées par les experts de la BCE, sans transparence politique. On est au delà de la politique monétaire !
Parmi les pistes pour changer la politique monétaire européenne figure : décider de changer le niveau des taux d’intérêt ou de créer telle quantité de monnaie en une nuit . On peut agir plus vite que s’il fallait attendre une coordination des politiques budgétaires . Cependant, il faut tenir compte du risque : une mesure technique , de court terme , met sous boisseau la réflexion sur les modalités de la construction européenne et ses insuffisances en matière budgétaires .
LA HANTISE D’UN NOUVEAU KRACH FINANCIER !
Les banques européennes et françaises viennent de connaître plusieurs semaines difficiles . La chute de leurs cours de bourse ,entamée dès janvier , s’est brusquement accélérée mi-février . En effet, l’indice boursier des banques européennes STOXX Europe , 600 Banks , avait perdu 30% de sa valeur en un mois et demi .
Or , il n’y a encore pas , si longtemps, les milliers de milliards de dollars d’aides apportés par la Banque Centrale européenne (BCE), était considérés comme un magnifique cadeau à la finance , permettant d’assurer son avenir .
En effet, ces dernières semaines, changement de ton : en imposant des taux d’intérêt au ras du plancher et des contraintes réglementaires fortes, la BCE serait la principale responsable de la perte de rentabilité des banques , des inquiétudes des investisseurs et la récente panique boursière . Une catastrophe se dessine, clament les monétaristes paniqués !
A bien regarder les marchés boursiers, les banques européennes sont victimes de la défiance des investisseurs, depuis l’été 2015 . Cependant, les raisons avancées pour expliquer cet état d’esprit ne sont pas crédibles . En effet, les perspectives d’une croissance modeste et le ralentissement de la croissance en Chine , aux Etats-Unis et chez les autres émergents, jadis, moteurs de croissance , pourrait être au bout de leur cycle de croissance . Quant à la zone euro, elle vivote doucement .
Pour les banques, tout cela devrait se traduire , au pire par des cours boursiers plats , mais pas en chute libre , comme en 2008 . L’autre élément d’explication : le bas prix de baril du brut fragilise l’industrie pétrolière et les prêts bancaires à ce secteur pourraient ne pas être remboursés facilement . Mais là encore, cela ne suffit pas . Il fallait donc trouver une autre raison ! Et comme souvent, quand la finance dérape, c’est la faute des autorités publiques, en l’occurrence la BCE ! Celle-ci aurait plombé la rentabilité des banques en imposant des taux d’intérêt très bas et Les crédits rapportent peu . D’un côté lorsque les banques ont des liquidités à placer, cela leur rapporte moins. De l’autre, quand les taux d’intérêt sont bas, les crédits rapportent peu.Comme , en plus, les nouvelles régulations bancaires imposent aux banques de se financer moins par emprunts- sur lequel elles paient des dividendes - et que le second est plus cher que le premier, tout cela concourait à plomber la rentabilité des banques. Ce qui expliquerait que les investisseurs boudent .
Ce raisonnement ne tient non plus la route . Les banques empruntent de l’argent à court –terme ( les salaires, mis sur nos comptes en banques) et le prêtent à long-terme (prêts –aux logements à dix-quinze ans ou plus et aux entreprises) . Elles font ainsi – ce que les économistes appellent « la transformation d’échéance » . L’important pour leur rentabilité réside donc dans la différence de niveau entre les taux de leurs emprunts et ceux de leurs prêts . Or , grâce à la BCE, les taux d’emprunt des banques sur les échéances courtes , jusqu’à un an sont négatifs ! En revanche, le taux moyen des prêts de moins d’un million d’euros aux entreprises est de 2,2%, de 2,3% , en moyenne pour les prêts au logement , de 5%pour les prêts à la consommation . Les marges sont donc largement positives .
Et même si, au delà des activités de prêts , on ajoute les activités du marché , les grandes banques de la place financière européenne, annoncent un taux de rentabilité de 7,9%. Par ailleurs, dans une économie française qui croit de l’ordre de 1,5% , avec 0,5% d’inflation, soit 2% au total en valeur , c’est un résultat plutôt exceptionnel .
Les raisons invoquées par les commentateurs pour expliquer le plongeon des cours boursiers n’expliquent rien . Est-ce à dire que tout va bien dans les meilleurs du monde pour les banques françaises et européennes ? Non. Elles affichent plus de fragilité que leurs semblables américaines . Il est à noter que le manque de capitalisation des banques européennes n’est pas é démontrer : le ratio capital sur les activités en normes IFRS varie entre 3,1% pour la Deutsche Bank à 8,3 pour Wells Fargo .
CONCLUSION
Controverse débat chez les économistes . Pour les uns , la BCE entretient la volatilité des marchés et prépare une crise financière de grande ampleur . Pour les autres , elle maîtrise la situation et continuera à le faire . Quelques arguments en présence .
Selon M.P.A., chef économiste chez Natixis, l’objectif de la Banque Centrale européenne (BCE) avec le « Quantitative easinng » : La BCE achète des titres de dette sans risque, des emprunts d’Etat majoritairement . En asséchant le marché, elle incite les investisseurs à se reporter sur d’autres placements : en partie à l’étranger , ce qui contribue à une dépréciation de l’euro, surtout vers le financement des entreptises , en achetant des actions et des obligations . La BCE cherche ainsi à faciliter le financement des entreprises sur les marchés financiers, c’est vraiment cela l’essence du « Quantitative easing « .
POURQUOI CELA N’A PAS FONCTIONNE ?
Cela a fonctionné au début : les bourses ont effectivement monté et les taux d’intérêt des emprunt des entreprises ont diminué. Mais ce sont des placements trop risqués pour les investisseurs , les compagnies d’assurances et les fonds de pension, qui doivent garantir une sécurité aux épargnants qui leur confient leur argent . Ces investisseurs sont devenus inquiets d’être obligés de placer leurs fonds sur des actifs plus risqués : dès qu’il y a des chocs comme la baisse brutale des prix du pétrole , les risques géopolitiques , le ralentissement de la Chine et des Etats-Unis, ces derniers fuient les bourses et reviennent vers les valeurs habituels de placement , c’est-à-dire les dettes publiques, considérées à tort sans risque .
La bourse s’agite , mais à part l’Allemagne, les banques ne sont pas aussi fragiles qu’il y a huit ans. Pour l’avenir, c’est plus par ses règles de contrôle des banques que par sa politique monétaire que la BCE pourra redonner confiance dans les banques européennes .
* Voir notre éditorial « Zone euro : Le piège de la dette publique » paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch; le 03/12/2015 ;
** Voir « Recovery in the Eurozone,Using Money ,création to stimulate the Real Economy « -Positive Money – décembre 2015 .
REFERENCES :
- ALTERNATIVES ECONOMIQUE No 355 – Mars 2016 ;
-Christian Chevagneux « DES TULIPES AUX SUBPRIMES – Editions La Découverte /Poche 75013 Paris
DR BEN ABDALLAH Mohamed ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE ;
EN LIGNE SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch;
DEPUIS LE 1er Mars 2009 ;
&
EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF DU SITE
DEMEURANT SIS 1202 GENEVE
07/04 /2016