EDITORIAL ECONOMIQUE & FINANCIER
PAYS EMERGENTS : DOUCE REGRESSION ?
PROLOGUE
Après une ascension fulgurante ces vingt dernières années , les pays émergents calent : la croissance ralentie en Chine et le reflux des capitaux vers les Etats-Unis pèsent sur les pays émergents . Le risque d’une crise généralisée paraît , toutefois limité .
En effet, l’histoire économiques des nations en développement est marquée depuis le XIXe siècle par l’alternance de phases d’euphorie financières et de dépression économique . L’ampleur des ressources humaines et naturelles dont jouissent la plupart de ces pays suscite régulièrement , c’est à-dire chaque fois que les capitaux sont disponibles, en abondance dans les pays riches, des poussées de fièvre spéculatives qui dépassent de loin les opportunités d’investissement réelles .
Lesquelles sont moins régulièrement suivies de débâcles financières . La période récente ne fait guère d’exception , à ceci près que la phase euphorique ayant pris appui cette fois, sur la maturation bien réelle et rapide d’un acteur de poids , en l’occurrence la Chine .
LA PRODIGIEUSE DOUBLE DYNAMIQUE
Depuis le début des années 2000 , la croissance chinoise avait tiré l’activité dans l’ensemble des pays exportateurs de produits de base , depuis le Brésil, jusqu’à l’Australie , en passant par la Russie et l’Afrique . Entre 2000 et 2014, le volume des importations chinoise a été multiplié par huit .
Tirée par l’investissement et la demande d’importation chinoise ayant fait de la Chine , le premier consommateur des matières premières . Le pays assurait à lui seul ,pratiquement la moitié de la demande mondiale des métaux . En l’espace d’une décennie, les prix des matières premières sont passés d’un creux historique , progressant de 150% en dollars entre 2002 et 2011. Une envolée entièrement imputable à l’intensité et aux caractéristiques structurelles de la croissance chinoise .
Or , cette période avait été aussi marquée par une abondance exceptionnelle de liquidités . Celle-ci alimentée , dans la première partie des années 2000 , par la faiblesse des taux d’intérêt aux Etats-Unis , au Japon et en Europe .
Les politiques de détente quantitative * mises en œuvre par les principales banques centrales à la suite du séisme financier de 2008 ont porté cette tendance à son paroxysme , avec une injection en six ans d’environ 6 000 milliards de dollars dans l’économie de ces trois zones .
Rebutés par les rendements nuls ou déclinants offerts sur les marchés obligataires **, des économies avancées, les capitaux avaient pris le chemin de la bourse et autres économies émergents .
La possibilité d’emprunter sur les marchés mondiaux à des taux exceptionnellement bas avait aussi encouragé l’endettement en dollars des agents privés . Qu’il s’agisse d’institutions financières ou d’entreprises . Les émissions d’obligations internationales privées s’élevaient ainsi , selon la Banque des règlements internationaux (BRI), à plus de 1'200 milliards de dollars sur la période 2010-2014.
Rarement destinés au financement d’investissements productifs, les fonds levés ont été placés dans le système bancaire ou sur les marchés financiers . Les emprunteurs –investisseurs bénéficient à la fois du différentiel positif de rendements entre marché local et le marché mondial et l’appréciation des monnaies locales, elles-mêmes suscitée par l’afflux de capitaux étrangers .
ZONES DE TURBULENCES
En effet, cette double dynamique , fondée sur la demande chinoise et sur les capitaux occidentaux , s’est enrayée en trois temps . Tout d’abord, le ralentissement et surtout le rééquilibrage de la croissance chinoise après 2010 en faveur de la consommation et au détriment de l’investissement ont provoqué le retournement des prix des produits de base . Hors énergie, ceux-ci ont chuté en moyenne de 40% depuis le point haut de 2011( - 60% dans le cas du pétrole), mettant à nu la faiblesse persistante des ressorts internes de la croissance dans des pays comme le Brésil , l’Argentine ou la Russie .
Par la suite, la normalisation progressive de la politique monétaire américaine , avec l’annonce , au printemps 2013, du ralentissement de la détente quantitative outre-Atlantique , puis son arrêt en 2014, ayant provoqué un reflux massif des capitaux vers les Etats-Unis et un premier mouvement de déstabilisation financière des économies émergentes . Ce mouvement s’est amplifiée en 2015 , avec les anticipations de relèvement des taux d’intérêt de la FED .
A son retour, le krach boursier chinois de l’été 2015 et les signes d’un ralentissement plus marqué de l’économie chinoise qui ont suivi ont exacerbé les craintes d’une déstabilisation généralisée des économies émergentes , amplifiant ainsi, le mouvement de fuite des capitaux . Ce mouvement global de repli des capitaux sur le dollar américain expose les réserves de change des économies émergentes , en particulier celles dont les échanges sont nettement déficitaires ( Brésil, Turquie, Afrique du Sud etc..) Mais à la différence de la crise asiatique de 1997-1998, la plupart d’entre- elles n’ont pas tenté de s’opposer à la dépréciation de leurs monnaies , s’employant , dans le meilleur cas, à en contrôler la chute .
Par ailleurs, lorsqu’elles ont , malgré tout, voulu défendre leurs monnaies , comme dans le cas de la Russie, en 2014, les réserves ont fondu à un rythme tel que la banque centrale a dû relever son taux d’intérêt de plus de 10 points , dans l’espoir, en vain, de briser le mouvement spéculatif .
En effet, pour plusieurs observateurs, cette flexibilité de taux de change constitue une différence essentielle avec la crise de 1997-1998. Elle protège les réserves de change accumulées dans les années 2000 et devrait favoriser le redressement de l’activité par une compétitivité accrue sur les marchés mondiaux .
Par ailleurs, la forte dépréciation des monnaies des pays émergents n’en est pas moins déstabilisante pour ces pays . D’abord , parce qu’elle stimule l’inflation , comme on le voit en Russie , en Argentine et au Brésil , obligeant les banques centrales à relever leur taux d’intérêt et donc à freiner l’activité .
Mais aussi, et surtout, parce qu’elle propulse le service de la dette des agents endettés en dollars à des niveaux insupportables , provoquant des faillites en série et l’accumulation des créances douteuses aux bilans des banques .
LES RISQUES DES RENDEMENTS DES EMERGENTS
Depuis dix-huit mois , les gros titres négatifs concernant les marchés émergents se succèdent sans relâche . Parmi les sources de préoccupation, notons l’impact , sur les pays qui les exportent , de l’effondrement du prix des matières premières ; les répercussions d’un ralentissement brutal chinois sur certaines économies émergentes. En effet, une hausse des taux américains sur cette catégorie d’actifs serait une possible redite du «Taper Tantrum « de 2013 . Pourtant, cette année , les emprunts en dollars des Etats et entreprises des marchés émergents (ME) ont dégagé un rendement de plus de 1% , ce qui est honorable par rapport aux marchés mondiaux des actions et des obligations . En fait , ce sont les devises des ME on subi une vente massive depuis 18 mois . A l’évidence, les pays dont les prix à l’exportation ont beaucoup baissé, avaient besoin de s’adapter à une forte dépréciation .
De plus, malgré des croissances décevantes et des déficits en hausse, beaucoup d’entre eux disposent encore de larges réserves de change, souvent supérieures à leur dette externe . Grâce à leur taux de change flottant, et leur solde extérieur positif, les décisions des marchés émergents ont encore le temps de mettre en place les réformes nécessaires pour redynamiser leurs perspectives à moyen terme .
Pour les produits de taux des ME , l’un des défis majeurs demeure la possibilité de voir se rééditer le Taper Tantrum de 2013, lorsque la FED commencera à relever ses taux . Une nouvelle vente massive et généralisée des devises des ME , semble peu probable , et /ce pour quatre raisons . D’abord, le resserrement de la FED ne serait pas une surprise . A ce stade, le plus important est certainement le rythme des hausses plutôt que la date à laquelle la première interviendra . Deuxièmement , la décision de la FED ne déclenchera pas d’autres tours de vis monétaires . Troisièmement , la base des investisseurs est stable . Près de soixante-dix milliards USD, ont fuit la catégorie des produits de taux des ME lors du Taper Tantrum de 2013 et qui ne sont pas encore revenus .Quatrièmement, des valorisations plus attrayantes et d’autres agglomérées plus larges permettant d’amortir , en partie, la hausse des taux américains .
Par ailleurs, malgré une performance positive sur 2015, les fonds souverains des ME se sont élargis bien au delà du plus haut de 2013 .
Même sans Taper Tantrum , il est probable que les produits de taux des ME soient confrontés à un resserrement monétaire progressif en 2016, il est évident que les pays aux fondamentaux faibles, dont le déficit commercial et budgétaire est large et dont le financement dépend donc des marchés internationaux , devraient accuser une contre-performance durable .
Ainsi, plusieurs pays exportateurs de matières premières ( Brésil , Venezuela, Colomie, , ou Pérou, par exemple, dont les indicateurs économiques sont nettement affaiblis , depuis 2013, sont vulnérables , alors que les pays qui se sont préparés , comme le Mexique, le Etats d’Europe centrale et certains marchés émergents asiatiques devraient sauver la mise .
Pour les obligations d’entreprise en dollars des ME, les effets de la hausse des taux américains sur les entreprises sont souvent indirects , via la qualité de leurs bilans et la monnaie dans laquelle sont libellés.
LA GUERRE DES MONNAIES REPOUSSEE
Ceci explique la réticence des autorités chinoises à laisser le yuan de déprécier de façon significative par rapport au dollar ( en plus des aspirations à voir son rôle international se développer à long terme ). A cet égard, la réforme de change annoncée par les autorités chinoises , le 11 août dernier vaut moins pour la dévaluation initiale de 2% qu’elle en avait entraînée que pour la plus grande flexibilité du taux de change qu’elle autorise .
Les interventions de la banque centrale qui ont immédiatement suivi cette réforme et les instructions données aux banques d’Etat de vendre des dollars ( et donc soutenir le yuan ) attestent clairement du désir des autorités de maintenir la valeur de la monnaie tout en augmentant l’incertitude à laquelle sont confrontés les spéculateurs .
En fait, cette détermination des autorités chinoises consiste en soi, une bonne nouvelle pour les économies émergents et plus généralement pour l’économie mondiale qui semble écarter le scénario conflictuel d’une course à la dévaluation compétitive et elle confirme la priorité donnée par le pouvoir à la transition vers un modèle de croissance tiré par la consommation .
Si le yuan se dévaluait d’avantage, les produits importés verraient en effet leur prix augmenter, pénalisant ainsi, la consommation . Tandis que la pression inflationniste serait accentuée dans le reste du monde par la baisse des prix des produits chinois .
Certes au rythme actuel de la fuite des capitaux ( plus de cent milliards de dollars par mois )et avec des réserves de change désormais en baisse, les doutes peuvent être émis sur la capacité de la banque centrale chinoise à garder, à terme, le contrôle de la situation .
En effet, les moyens d’action ne manquent cependant pas : contrôle de changes, bourse fermée aux investisseurs étrangers, banques sous contrôle, marges de manœuvre budgétaires . Ils plaident pour un optimisme modéré à court terme sur la capacité du pays à traverser sans trop de dommage la zone de turbulence actuelle . Le risque de refinancement est moins préoccupant , car nombre d’entreprises des ME ont profité des conditions très favorables durant la période d’assouplissement quantitatif pour allonger les échéances de leurs concours de dette en procédant à une gestion active de leur passif . Ainsi , même si les taux américains augmentent et si la liquidité des marchés de financement s’assèchent , les entreprise des ME ont tout le temps de s’adapter .
Selon toute vraisemblance, les produits de taux des ME sont moins vulnérables qu’on le pense et les scories larges des emprunts d’Etat et d’entreprises en dollars pourraient, actuellement, receler des occasions intéressantes . En effet, pour les obligations , en monnaie locale, le seul marché intéressant , demeure l’Europe centrale, qui bénéficie de l’attitude accommodante de la BCE et de la faiblesse des prix de pétrole .
La grande inquiétude demeure, que les pays qui pourraient se permettre de relancer des réformes, longtemps repoussées ne s’y emploient pas, gaspillant ainsi de précieuses réserves de change . il convient donc d’être sélectif et bien choisir les émetteurs « gagnants « , en délaissant les « perdants « pour les semestres à venir…
UN RISQUE D’ABORD LOCAL
Les risques actuels de déstabilisation des économies émergentes ont ainsi des chances de demeurer catonnées au niveau local plutôt que de prendre une tournure systémique . D’autant plus que la FED ayant reporté le relèvement de son taux directeur . La dégradation récente de la dette brésilienne au statut « junk bonds » par Standard & Poor’s , qui fait suite à celle de la Russie , illustre l’ampleur de la crise que traversent certains pays . Celle-ci est toutefois davantage le résultat d’une gestion économique déficiente ( Brésil, Argentine , Russie , Turquie ) ou de décisions aventureuses ) , (invasion de la Crimée par la Russie et l’impact des sanctions économiques qui l’ont suivie ) que la conséquence inéluctable des inflexions de la conjoncture mondiale .
En effet, l’impact du ralentissement de la croissance chinoise et plus généralement des économies émergentes qui représentent près de la moitié du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial , au taux de change courant , ne peut cependant manquer de faire sentir , au niveau global . Cependant, cette onde négative sera amortie pour nombre d’économie par la réduction de la Facture pétrolière .
A l’heure où la nation américaine s’affermit , la croissance mondiale pourrait donc se recentrer sur son moteur traditionnel . Mais elle traîne toujours le poids mort que constitue la zone euro , qui continue d’accumuler les excédents extérieurs faute de soutenir sa demande intérieure .
LE REVEIL AFRICAIN EST-IL AU RENDEZ-VOUS ?
Apparemment oui si on croit les déclarations d’amour qui affluent de tout part , allant de l’incontournable ex-Sherpa, de feu François Mitterrand , Jacques Attali, qui n’a pas hésité d’affirmer « L’Afrique notre chance ou notre drame « . Quant à l’ancien ministre centriste Jean-Louis Borloo qui n’est pas à une énormité près en déclarant : » Nous avons le devoir d’agir , nous devons agir « . Quant à M. Antony Blair, l’ancien premier ministre britannique , il n’hésite pas de qualifier l’Afrique de « cicatrice sur la conscience du monde « . Allons Messieurs ,un peu de calme . Oui l’Afrique est riche , elle attire les convoitises, soit , mais que proposez-vous ? Au mieux du vent de sable , au pire , le rétablissement de l’esprit du colonialisme . Alors, du balaie , circulez, il n’y a rien à grappier ! Les Africains sont devenus adultes et n’ont pas besoin de sherpas pour les guider .
Par ailleurs, comme le remarque l’éditorialiste Burkinabé, Grégoire B. Bazié , (Lefaso.net) « ont ne peut comprendre quil veuille susciter des adhésions autour de son projet (…) ;mais de là à ignorer les structures existantes , c’est quand même aller trop loin . L’Union africaine dispose d’une commission de l’énergie chargée de coordonner les actions au niveau continental « . Par ailleurs le projet phare allemand , vient de tomber à l’eau car , il est techniquement irréalisable !
Sur liste des courtisans intéressés on peut ajouter la Chine qui s’est installé sur le continent depuis trois décennies , le Brésil, depuis quinze ans, mais aussi la Turquie, la Russie , depuis quarante ans dans les pays ex-communistes africains . D’autres courtisans improbables se bousculent au portillon africain , notamment , les pays qui regorgent de matières premières . Même, le Président Barak Obama, multiplie les gestes d’amitié, comme lors de sa visite à Nairobi , en juillet 2015, alors que le Congrès américain révise la liste des bénéficières des préférences commerciales de « L’African Growth and Opportunity Act « ( AGOA).
Et les Africains dans tout ça ? Un chien dans un jeu de quilles ? Probablement pas . Avec un taux de croissance , somme toute, demeure élevé , malgré le ralentissement économique mondial , particulièrement dans la zone euro , qui frise le néant . Les Etats se désendettent afin de pouvoir élargir leur marge de manœuvre . Mais pour faire quoi ?
Selon toute vraisemblance, faute de stratégie et d’anticipation programmatique, pour le continent, l’Afrique , une fois de plus, reste spectatrice de la guerre économique qui se joue sous ses yeux , laissant la Chine , l’Europe s’imposer sur le Continent sans que les peuples africains aient voix au chapitre ! A quand une révolution des peuples africains ? Une lame de fond qui balaie les scories du colonialisme : explosion démographique, décomposition politique et sécuritaire du Sahel, bouleversements religieux ( montée de l’islamisme radical, prosélytisme des sectes protestants ), violences terroristes , interventions militaires vagues migratoires et j’en passe … Les responsables politiques se révélent dépassés par les évènements , décalés et incapables de tracer un schémas directeur à un bateau qui a perdu son gouvernail . Ils réagissent au coup par coup face aux exigences de la mondialisation . Ils suivent bêtement les choix dictés par leurs maîtres . Au lieu de répondre aux demandes leurs sociétés qui réclament à cor et à cri : une démocratie juste et une justice sociale qui ne laisse personne au bord de la route .
Selon les prévisions internationales, en 2040, pour la première fois, de l’histoire, davantage d’Africains vivront en ville qu’à la campagne . Mais l’explosion des centres urbains n’est que l’une des métamorphoses du Continent . Avec la croissance, les classes moyennes sont de retour et découvrent l’hyperconsommation . Les géants mondiaux du numérique et des transports se livrent à une violente compétition à coups d’investissements colossaux .
FRENESIE DE CONSOMMATION EN AFRIQUE SU SUD
Pour assouvir sa soif de consommation facile, la nouvelle classe moyenne sud-africaine recourt sans modération au crédit . Banques nationales et étrangères exploitent sans vergogne cette veine , au risque d’encourager le surendettement des foyers . Alors que s’attisent les inégalités sociales , le miracle sud-africain révèle des failles préoccupantes .
En effet , fin 2013, la banque Goldman Saches dressait le bilan économique de deux décennies de démocratie sud-africaine **. Elle notait que l’endettement des ménages s’établissait à 75% de leurs revenus disponibles , contre 57% en 1994 . Cette tendance au surendettement personnel était , selon elle, générée par la croissance du marché des prêts sans garantie , en augmentation de plus de 300%, depuis 2007 . Toutefois, précisait Goldman Sachs , cette catégorie de prêts à risque , souvent de petites sommes , allouées pour de courtes périodes moyennant de forts taux d’intérêt , ne représentait que 11% de l’ensembles des crédits octroyés . Les banques restaient à l’abri de tout risque systémique – parole de banquier !
Pourtant, le 10 août 2014, l’African Bank Investments Limited (ABIL), premier établissement bancaire sud-africain spécialisée dans les prêts sans garantie, cinquième banque du pays, doit être placée sous tutelle de la banque centrale . Quatre jours auparavant, la direction avait reconnu des pertes record de 529 millions d’euros et un déficit de fonds propres de 600 millions d’euros . les événement s’enchaînent alors : le directeur général L. K démissionne ; la cote d’ABIL s’était effondrée de 93% à la bourse de Johannesburg . Pour éviter la faillite pur et simple , la banque centrale avait procédé au premier sauvetage bancaire de son histoire , acquérant près de la moitié du 1,2 milliard d’euros de crédts défaillants . Une « banque propre » . L’AFRICAN BANK avait été créé avec la partie la plus solide des actifs d’ABIL et avait été dotée de 730 millions d’euros , injectés par plusieurs investisseurs privés . Ce crash spectaculaire avait révélé les failles du « miracle économique Sud-africain « , en proie à une version nationale de la crise dite de Sub-Prime .
Par ailleurs, l’Afrique du sud avait vu naître à partir des années 2000, une génération d’emprunteurs rêvant d’accéder à la propriété offerte par la première puissance économique du continent . L’appétit de consommation de la nouvelle classe moyenne noire dépasse alors ses 500 euros de revenus mensuels : électroménager, voyages, écoles privées …Les centre commerciaux sont bondés . Plus d’un million de véhicules neufs sont vendus chaque année .
En effet, pour satisfaire leur frénésie d’hyperconsommation , les Sud-africains se tournent vers les banques et organismes de micro-crédit octroyant des prêts sans garantie. Alors que le marché des hypothèques et des crédits immobiliers marquent déjà des signes d’essoufflement .
Comme le résumera cyniquement , en 2013, M. T. S. L’un des cadres exécutif d’ABIL, « les consommateurs ne cherchent pas à connaître leurs droits ni à consulter la documentation financière . Tout ce qu’ils veulent c’est prêt et le plus rapidement possible « . En 2005, le gouvernement avait adopté une loi sur le crédit qui encadre le taux d’intérêt. Mais l’industrie du crédit sans garantie , moins régulée , passe régulièrement outre à la législation .
Plusieurs sociétés étrangères se sont jointes au festin . Wonga, organisme britannique de microcrédit en ligne , ayant ouvert en Afrique du sud une filiale proposant de « rapides petits prêts « , remboursables sur cinquante jours au maximum . Au Royaume-Uni , le taux d’intérêt annuel de Wonga peuvent dépasser les 3000% par an !
Le monde du capital-investissement , en tout cas achète des actions sud-africaines, arrosant de liquidités ce jardin hors-sol afin de pouvoir pousser , marges et bénéfices .
En effet, en cinq ans, plus de 18 milliards d’euros ont été levés au profit de la bulle sud-africaine des prêts sans garantie . Quant aux services financiers , ils prêtent de toutes petites sommes , prêts qui rapportent beaucoup à leurs actionnaires et finissent par représenter 20% de la capitalisation boursière de Johannesburg Stock Exchange (JSE) , en 2012 . Goldman Sachs elle-même participe , en décembre 2013, à « l’une des plus grandes opérations transfrontalières africaines de l’année sur les marchés des capitaux « . Elle avait levé 442 millions d’euros au profit d’ABIL . L’argent attirant l’argent , cet investissement suscite une nouvelle capitalisation lancée par Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale (BM) .
Pourtant, la crise mondiale de 2008, battait son plein et sur le point de rattraper le pays . En effet, la bourse de Johannesburg est devenue un terrain de jeux spéculatif pour les fonds d’investissement occidentaux . Ils s’abattent principalement sur le secteur financier, qui contribuait au quart du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique du sud . Avec une inflation de 6,6% et une forte hausse du coût de logement qui culminait à 5,8% sur un an . Le coût de l’alimentation s’établissait à 8,8% . Quant au prix de l’électricité il s’est multiplié par deux ces quatre dernières années et les transports ont grimpé à 8,6%, handicapant lourdement les budgets des plus modestes . En outre, plus de 4,7 millions de personnes sont au chômage , soit 25,6% de la population active. Fin 2013, 9 millions de personnes , sur les 21 millions , ayant contracté un emprunt, accusent au moins trois mois de retard dans le remboursement de leurs traites . Sur les 3,2 millions de prêts personnels octroyés par ABIL, un tiers font défaut . Bref, le marché des crédits sans garantie est devenue une bombe à retardement . Personne, pourtant n’a songer à la désamorcer .
Par ailleurs, peu de temps avant la crise, Deloitte, un des quatre géants de l’audit mondial, salue encore l’émergence de la classe moyenne africaine et conseille toujours d’investir , tout particulièrement dans une « occasion en or » : des prêts sans garantie .
DEBAT HOULEUX SUR L’INSTAURATION D’UN SALAIRE MINIMUM
Pour M. A. H. , économiste en chef du fonds d’investissement sud-africain Gadiz Asset Management , la chute d’ABIL pourrait se traduire par la sortie de millions de Sud-Africains du système de crédit . Les actionnaires de la Banque , eux s’en tireront avec des pertes de 10% , en moyenne , sur leurs mises de départ . Mais quelles seront les conséquences du déclassement social des born free Sud-Africains , nés après 1994, date de la fin de l’apartheid , qui n’auront récolté que les fruits les plus amers et les plus coûteux de la démocratie ? Nul ne le sait . Mais tout le monde pensent sur fond curieusement des inégalités et de houleux débats sur l’instauration d’un salaire minimum national .
Parmi les causes du mouvement de grève des mineurs, violemment réprimé à Mariakana , en 2012, figure notamment, leur endettement . Selon l’universitaire, S. F , Maître de conférence à l’université de Stellenbosch, souligne que les villes de la ceinture de platine, la zone où l’on extrait ce métal, sont devenues « la nouvelle frontière « de centaines de prêteurs d’argent, formels ou informels .
En effet, collecteurs de dettes et sociétés de recouvrement profitent des vides juridiques de la législation sur le crédit pour saisir parfois les salaires des mineurs endettés directement auprès de leur employeur. La longue grève sauvage , près d’un mois sans revenues, avait forcé de nombreux ouvriers, employés ou sous-traités par « Lonminin « à contracter de nouveaux emprunts pour rembourser leurs arriérés .
Selon l’essayiste M. T. M , « étant donné que les banques commerciales sont incapables d’octroyer des crédits aux pauvres sans les punir de vivre ai si, c’est désormais au gouvernement de fonder une banque qui pourra enfin d’accorder des prêts à faible taux aux Sud-Africains les plus modestes « .
Les cadres de la défunte banque ABIL, se sont gavés pendant dix ans en stocks options. L’ancien directeur , considéré comme visionnaire parce qu’il avait osé prêter aux pauvres , s’est offert une propriété à quatre millions d’euros , dans les environs du CAP .
Quant au pays, il avait vu sa croissance fléchir de 1,5%, en 2014, contre 2,2% l’année précédente . Et si le miracle économique Sud-Africain , qui attire les migrants autant que les investisseurs , n’était en fait, qu’un miroir aux alouettes !
CONCLUSION
Les émergents, voir les pauvres ont besoin, avant tout, de gouvernements solides capables d’améliorer leur vie et non une manne sons forme « d’aide au développement « . Dans l’ensemble, les émergents s’en sortent plutôt bien malgré la pression des pays riches qui continuent à considérer leurs anciennes colonies comme leur terrain de chasse gardé . L’émancipation de ces peuples passe par une démocratisation de ces derniers . Les dictatures ne peuvent qu’accentuer les inégalités , et sèment la discorde dans les sociétés . Dans les pays pétroliers, les richesses sont déversées dans des investissements aberrants , voir improductifs comme les tours de plusieurs centaines de mètres, à trois quarts vides, des flottes d’avions civils qui volent à vide ou à des prix bradés . Par vanité , les cheikhs de pétrole ont renfloué les banques occidentales qui continuent à placer leur patrimoine à moins 1 – de leur mise . Pour d’autres, ils achètent des escadrilles d’avions de chasse , sans compter dans leur population un seul pilote de chasse capable de piloter les « rafales », par exemple .
Par ailleurs, l’idée est que le sous-développement est avant tout dû à la corruption est loin d’être farfelue .Car lorsqu’un gouvernement a une préoccupation majeure , l’accumulation de richesse par ses membres, leurs amis et leurs familles . Il ne remplit pas donc son rôle de soutien à la croissance . L’absence d’un cadre juridique de l’activité économique ne permet pas aux entrepreneurs de fonctionner , du moins en dehors des mécanismes de corruption . Si le gouvernement ne fait rien pour la santé l’éducation et la sécurité sociale, il n’aura pas mérité une aide internationale de développement .
Si un pays veut s’insérer dans l’économie mondiale, il a l’obligation d’alphabétiser la majorité de sa population afin qu’elle puisse compter sur elle-même et rejeter l’idée qu’une manne leur tomberait du ciel . L’aide au développement doit passer par l’éduction, les échanges d’informations techniques et technologiques et non gaver des gouvernements corrompus qui ne pensent qu’à se remplir les poches . L’aide au développement est un facteur aggravant pour les pauvres et une insulte à l’intelligence de l’humanité .
*Détente quantitative : politique consistant , pour la banque centrale , à acheter des titres sur le marché des obligations de façon à provoquer la baisse des taux d’intérêt à long terme ;
**Marchés obligataires : Les marchés sur lesquels les entreprises et les Etats se financent en émettant des titres de dette ;
Références : Alternatives économiques No 350 – Octobre 2015 ;
Manière de voir No 143 – Octobre-Novembre 2015 ;
DR BEN ABDALLAH Mohamed ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’Intégration économique du Maghreb entre le possible & le réalisable » ;
EN LIGNE SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch ;
&
REDACTEUR EN CHEF DU SITE www.dr-ben-abdallah.ch;
DEMEURANT SIS 1202 GENEVE II ;
05/11/2015