EDITORIAL POLITIQUE
LIBYE : POUR QUI SONNE LE GLAS ?
PROLOGUE
« L’élimination de Mouammar Kadhafi , le 20 octobre 2011, avait signifié au monde entier la fin d’un régime despotique mais pas celle du chaos en Libye . Les dégâts collatéraux des raids occidentaux affectent aujourd’hui tous les riverains du Sahara . A la barbe de l’Organisation de l’Union africaine qui regroupe une cinquantaine de pays africains et la Ligue arabe qui en regroupe vingt-deux , les pays occidentaux ont démembré la Libye, comme ils l’avaient fait avec l’Irak de Saddam Hussein auparavant . Pour l’Occident , il n’y a que deux solutions pour survivre : se soumettre à son diktat pour vivre sous son joug ou se faire rosser à plate couture par son bras armé en l’occurrence l’OTAN et ses supplétifs attitrés en l’occurrence la Grande Bretagne et la France . Une kyrielle de petits pays européens belliqueux comme le Danemark , la Norvège et la Hongrie se sont associés à la ratonnade avec joie . Afin d’éviter un désastre annoncé , l’Union africaine avait proposé une solution politique, en passe d’aboutir au moment de l’intervention étrangère .
FALLAIT-IL ASSASSINER MOUAMMAR KHADAFI ?
En 2011, en l’espace de seize jours, deux incursions militaires étrangères lourdes ont eu lieu dans l’espace souverain de l’Afrique , sans que l’Union africaine , considérée, à tort ou à raison, comme quantité négligeable , ait été consultée . En effet, entre le 4 et 7 avril , les troupes françaises intervenaient en côte d’Ivoire . Quelques jours plus tôt , à partir du 19 mars, les forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), principalement françaises et britanniques , avaient commencé à bombarder la Libye afin de solder deux contentieux récurrents . Le premier avec la France de Nicolas Sarkozy qui, vexé comme un poux , après avoir déroulé , en 2007, le tapis rouge à Mouammar Kadhafi , en plein Paris . Poussant le bouchon du ridicule jusqu’à le recevoir sous une tente plantée dans un prestigieux parc de la capitale . En échange, le fantasque libyen avait commandé à la France pour dix sept milliards de dollars de matériel allant de la matraque électrique jusqu’aux avions de chasse « rafale » , en passant par les avions de ligne :A320, A350, et A380 ! Sans oublier la commande de TGV et autres quincailleries civiles ou militaires . Le total de la commande s’élevait à dix-sept milliards de dollars . Une aubaine pour l’économie française qui tournait au ralentie . Six mois plus tard, le fantasque , Premier - lieutenant , auto promu colonel en 1969, se ravisa et annula toutes ces commandes . Sarkozy, lui garda, un chiot de sa chienne .
Quant à la Grande Bretagne, elle attendait avec impatience, la première incartade libyenne pour se farcir ce fennec du désert qui se prend pour Mao . Malgré le paiement de plusieurs millions aux victimes de l’attentat de L’eukerbi, au large de l’Ecosse, et l’emprisonnement à vie d’un proche de Kadhafi, mort des suites d’un cancer qu’il avait contracté lors de sa détention en Ecosse . Cependant, l’hydre de sa majesté ne s’est pas calmée.
En effet, dès les premiers jours de 2011, tout avait basculé en Afrique du Nord . Le 14 janvier , la douce dictature de Zine el Abidine Ben Ali, avait volé en éclats, obligeant ce dernier à fuir son pays dans le déshonneur . Après un périple aérien, il trouva refuge en Arabie Saoudite , devenue lieu de refuge pour anciens dictateurs . On dénombre une demi douzaine, allant d’Amin Dada jusqu’à Moucharref, finalement revenu au Pakistan, où il sera jugé pour trahison, complot contre l’Etat et autres broutilles , toutes passibles de la peine capitale .
Médusée, l’Europe, n’intervient pas . Le 10 février , en Egypte, le général Moubarak, démissionnait sous la féru de la foule en colère . Le 12 février , la contestation gagnant la Libye voisine . Pour les Occidentaux, ce dernier soulèvement fut une aubaine : il leur permit de jouer à bon compte les héros humanitaires et de faire oublier leur soutien aux autres régimes dictatoriaux .
En effet, avec le vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le 17 mars , ils pensaient avoir obtenu un feu vert pour entamer une dance macabre autour du dirigeant libyen , Mouammar Kadhafi .
UNE RATONNADE POUR L’EXEMPLE …
Parmi les protagonistes du conflit libyen figuraient le Conseil national de transition (CNT) , un machin créée de toute pièce par la France de Sarkozy et surtout par l’activisme douteux d’un certain (BHL), pseudo-philosophe de salon, dont l’ activisme politique allait de l’extrême gauche à l’extrême droite . Il était selon ses dires, compagnon de route de Jean Paul Sartre et Simonne de Beauvoir . . Autoproclamé philosophe, il n’a pas écrit un seul traité philosophique . Après voir soutenu Ségolène Royal en 2007, il rejoint avec armes et bagages Nicolas Sarkozy, en prononçant sa terrible phrase « le parti socialiste est un cadavre à la renverse … »
Recruté par les équipes de Sarkozy, il épousa la cause libyenne en remuant ciel et terre pour qu’une intervention militaire ait lieu . Quant au CNT, et ses « révolutionnaires « , ramassis hétéroclites , qui avaient pour seul objectif commun de se débarrasser du Tyran . Pour y parvenir , un soutien extérieur leur était indispensable * .
En second lieu, intervenaient la coalition occidentale et son bras armé l’OTAN , qui firent irruption , tels des justiciers , dans cette bataille des sables . Elles entendaient réagir avec férocité aux agissements de Kadhafi et, comme avec Saddam Hussein , l’éliminer définitivement . Mais pour se débarrasser d’un seul homme et arrêter un massacre des civils , fallait-il engager une guerre punitive de cette ampleur et commettre un autre massacre de civils , tout aussi innocents ?
On jouait avec le feu ,et on pouvait déjà prévoir le chaos qui, comme en Somalie , en Irak et en Afghanistan et ailleurs , en résulterait . Détricoter ce qu’on appelait le « tiers-monde » est devenue la première priorité des Occidentaux . Car pour l’Occident, il n’y a qu’un choix : « se soumettre ou disparaître , pas d’autres choix « !
Le camp occidental comptait naturellement sur le grand frère américain « la nation indispensable « , selon l’expression de l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright . Il se trouve cependant, que, à ce moment –là , M. Barak Obama dévoilait sa nouvelle doctrine de pivotement vers l’Asie-Pacifique .
L’Amérique engluée dans ses problèmes intérieurs nés de la crise économique et financière, éprouvait le besoin de se replier quelque peu sur elle-même . Elle avait décidé d’exercer désormais son leadership mondial depuis l’arrière « leading from behind « . Abandonnant ainsi les traditions de sa diplomatie, à la France, elle, prit la tête de la coalition internationale anti – Kadhafi . Elle dirigea les hostilités de l’avant et par précaution internationale .
Mais qui allait gouverner la Libye post-Kadhafi ? Qui peut apaiser les tensions interrégionales , intertribales, et interreligieuses qui naîtront inéluctablement de la terrible confrontation à venir ? Comment éviter le chaos à l’intérieur et la déstabilisation à l’extérieur , notamment au Sahel ? Telles étaient les questions essentielles que les Occidentaux avaient balayés par un revers de main . Quand à l’Union africaine , elle avait vu déferler des troupes d’occupation à travers son territoire sans remuer la queue .
En effet, la résolution 1973 se contentait d’exiger un cessez-le-feu et d’interdire tous les vols dans l’espace aérien libyen afin de pouvoir protéger les civils . Elle excluait le déploiement d’une armée d’occupation . Sans utiliser leur droit de veto, la Russie et la Chine , faute de réponses sur les moyens envisagés pour mettre en œuvre cette résolution, avaient prudemment opté pour l’abstention . L’Allemagne et le Brésil et l’Inde se sont abstenus aussi .
L’intervention militaire , avec recours aux forces spéciales sur le terrain , l’aide aux rebelles ou les attaques aériennes contre les troupes et centres de commandement , constitua donc pour ces deux puissances un camouflet et un détournement de procédure. Jamais il n’avait été question de se débarrasser de Kadhafi ou imposer un changement de régime .
Les agissements occidentaux , jugés illégaux et immoraux par beaucoup , et suscitèrent de très nombreuses réactions , des fois particulièrement acerbes comme celle de M. Mbeki « Nous pensons avoir définitivement mis un terme à cinq cents ans d’esclavage , d’impérialisme , de colonialisme (…) Or les puissances occidentales se sont arrogé de manière unilatérale et éhontée le droit de décider de l’avenir de la Libye » . Ce coup de sang illustrait un sentiment d’humiliation largement partagée par la population africaine et certaines élites progressistes .
Pour les rares Africains non corrompus, de toute évidence, le spectre de la guerre civile , de la partition, de la « somalisation « , du terrorisme du narco-trafic planait sur la Libye. Cependant , pourquoi étaient-ils peu nombreux à le voir ? ** Allait-on se battre là-bas pour défendre la démocratie ? Ou pour le contrôle des sources énergétiques, notamment le pétrole ? Pire encore, pour des considérations électoralistes sordides de Nicolas Sarkozy, déjà en précampagne présidentielle de l’année suivante ?
En ce qui concerne Nicolas Sarkozy, il s’est ramassé par ses turpitudes et perdit les élections présidentielles , face à M. François Hollande . N’y avait-il pas d’autres voies possibles que les bombardements massifs ?
L’Union africaine en était persuadée , à tort ou à raison . C’est pourquoi elle opta pour une réponse plus politique que militaire et consacra ses efforts sur l’élaboration d’une feuille de route, adoptée le 10 mars . Ce document comportait essentiellement trois points : cessation immédiate des hostilités ; un dialogue en vue d’une transition consensuelle , c’est à-dire en excluant le maintien au pouvoir de Kadhafi ; et l’objectif ultime : l’instauration d’un système démocratique « . Mais l’Occident voulait supprimer un homme ; l’Union africaine entendait changer un système .
La réponse de l’Otan était terrible : les bombardements de l’Otan débutèrent le 20 mars , le jour même où une délégation de l’Union africaine s’apprêtait à se rendre à Tripoli , puis à Benghazi , pour tenter de mettre en œuvre cette feuille de route .
En effet,le 19 mars, le comité des chefs d’Etat, mandaté par l’Union africaine pour persuader les deux parties du conflit libyen d’accepter les termes d’une solution politique se réunissait à Nouakchott, en Mauritanie , après une première rencontre à Addis-Abeba , en Ethiopie , au siège de l’Organisation . Au beau milieu des délibérations , M. Bann-Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, voulu de toute urgence s’entretenir au téléphone avec les organes dirigeantes de l’OUA, pour s’enquérir de la situation . Sans grand succès . Il participait ce jour là , à Paris , à un autre sommet international réunissant les dirigeants arabes, européens et nord-américains pour « décider et agir collectivement sur l’application de la résolution 1973 « . Les gouvernements présents à Paris savaient que « les opérations militaires de l’OTAN vont commencer le jour même de cette réunion de Paris « . Un scénario semblable , visant à marginaliser l’ONU et les médiation de l’Union africaine , a eu lieu en Côte d’Ivoire , démontrant que , pour certaines puissances, aucune autorité internationale n’est supérieure à la leur .
Et se fut une partie remise . Le 10 avril, les représentants de l’Union africaines se posaient à Tripoli, pour rencontrer Kadhafi. Le lendemain, à Benghazi, les voitures des représentants de l’OUA , furent encerclées et conspués jusqu’à l’arrivée à l’hôtel ou devait se tenir les pourparlers .
Henri Lévi, dit BHL est sans doute derrière cette manœuvre qui consiste à marginaliser Mustapha Abdeljalil , homme lige du CNT . Ses équipes de négociateurs engagèrent des discussions sous la pression constante d’une foule de manifestants agressifs qui hurlèrent jusqu’au départ sous les hués des représentants de l’OUA . Malgré tout, Mouammar Kadhafi, accepta la proposition de la délégation de l’Organisation panafricaine . Finalement, les pyromanes l’emporte sur les pompiers , en l’occurrence, l’affrontement sur la négociation .
Avec le recul, on relèvera que l’Union africaine , fut la seule organisation internationale à proposer une issue politique . Sans doute, parce que l’Afrique avait vécu des expériences analogues et conserverait les stigmates indélébiles .Que l’on se rappelle le drame que connaît , depuis vingt ans la Somalie, abandonnée de tous, à la suite de la désastreuse opération militaire américaine « Restore Hope « , en 1993. Que l’on considère aussi le chaos irakien et la désintégration actuelle de l’Etat *** .
Comme l’avait prévue l’Organisation de l’Union africaine, le rêve européen a tourné au cauchemar . Les appareils d’Etats avaient imposé au profit des seigneurs de guerre , des clans mafieux et des terroristes islamo-affairistes , le pillage des stocks d’armes , ayant transformé ce pays en un gigantesque arsenal à ciel ouvert . Dans ce chaos organisé se sont imposés des seigneurs de guerre avides au profit où tout y passe : trafic d’armes, filières d’immigration clandestine, trafic d’organes humains, prostitution etc…
Au point que la Libye est devenue, selon l’expression d’un ancien chef des renseignements Français : « L’ Afghanistan de proximité des Européens « . L’Union africaine avait averti le monde entier du futur désastre de l’éclatement de la bombe à retardement, qui a, finalement explosé à la figure de ses instigateurs .
En effet, la proposition africaine, dont personne ne voulait entendre parler , visait à persuader Mouammar Kadhafi de suivre la voie de Ben Ali, soit celle de l’exil extérieur , soit celle de l’exil intérieur , comme Hosni Moubarak. Il devait renoncer , de lui même à ce qu’il resait de pouvoir , afin d’épargner à son peuple les malheurs d’une intervention étrangère , ainsi que les affres d’une guerre civile, dont l’issue lui serait fatale .
QUE CACHE LE PRETEXTE HUMANITAIRE ?
L’Union africaine n’a pas ménagé ses efforts pour trouver un pays d’accueil à cet encombrant membre . Pour l’exil intérieur, l’Organisation avait proposé Sebha, capitale de la région du Fezzan, proches de pays amis d’Afrique noire, notamment le Tchad. Pour l’exil extérieur, la Turquie , qui avait décliné l’offre de l’Union . Le Venezuela ,s’était proposé , mais s’était trop délicat . L’Egypte avait été contactée , mais les partisans de Kadhafi avaient rejetée la proposition .
L’Union africaine croit , à tort ou à raison, que la diplomatie reste l’arme principale de l’Union africaine . La logique de cette dernière demeure celle de la paix et non comme est devenu l’Occident de la guerre préventive , dépourvue de toute légitimité . Pourquoi l’Occident n’a pas laissé une chance aux Africains de régler le cas Kadhafi pacifiquement comme en Tunisie ou en Egypte ?
Parmi les autre facteurs stratégiques figuraient les Etats arabes et leur organisation régionale, en l’occurrence ce plâtre sur une jambe de bois nommée « Ligue arabe » , qui, contrairement à l’Union africaine, elle s’était pratiquement alignée sur la position occidentale , avec le nain du Qatar, particulièrement belliciste . Quant à Kadhafi lui-même, il ne pouvait comprendre que, dans un monde devenu village planétaire , où tous les peuples aspirent à la liberté , à la dignité et à la justice . Sa réaction au soulèvement populaire venait d’un autre temps : la répression, rien que la répression .
Par ailleurs, ce curieux personnage, semblait au faîte de sa gloire . Il était devenu fréquentable et entretenait les meilleures relations avec les puissants de ce monde : que l’on pense à son séjour à Paris fin 2007, et sa célèbre tente bédouine plantée à quelques pas des Champs -Elysées , ou encore , au voyage de Nicolas Sarkozy à Tripoli , en juillet de la même année ; aux bonnes notes du Fonds Monétaire International (FMI), ou encore aux excellents rapports du dirigeant libyens avec l’Italie de Silvio Berlusconi.
Kadhafi collaborait même avec les services de renseignement américains, britanniques et français . Et puis tous les rêves grandioses du « guide « s’effondrèrent comme un château de cartes , emporté par le » tsunami arabe « . On se lève avec le monde à ses pieds, on se couche avec une pluie de bombes au dessus de sa tête .
Le coup de pied de l’âne arriva en brayant , le 20 octobre, l’aviation française interceptait le convoi du chef libyen . S’échappant , sans gloire à pied. Il était repéré , atrocement battu par un groupe d’insurgés et finalement achevé comme un vulgaire malfrat de cinquième zone .
On découvrit alors, que la « guerre humanitaire « drapée dans les bons nobles sentiments du nouveau principe « responsabilité de protéger « , adopté par le « machin « alias les Nations Unies, en 2005, n’était en réalité qu’une mystification . Elle dissimilait une politique classique visant à renverser un régime et à assassiner un chef d’Etat étranger , avec cette fois , le feu vert du machin, alias l’ONU . L’épilogue à cet assassinat est toujours en cours . Ce n’est qu’une petite guerre civile entre « nègres et bougnouls » dont personne ne tirera gloire . Mais , qui sait , peut –être, un jour on renversera la vapeur et on se retournera contre l’oppresseur en lui rendant coup pour coup . C’est déjà commencé en Afrique du Nord . Le salut viendra peut-être de très loin …
UNE LIBYE, EN LAMBEAUX , MAIS DEBOUT FACE À UN MONDE QUI L’AVAIT RAYEE DE LA CARTE « HÂTIVEMENT « …
Contrairement aux allégations de certains journalistes français en mal de sensations fortes qui affirment que « La Libye n’existe plus « . Eh bien ils se trompent lourdement , car la Libye existe bel et bien . Même si son corps et âme sont en lambeaux et son territoire est en proie d’un dépeçage systématique par les milices rivales , la résistance s’organise partout sur l’immense territoire libyen . Certes, elle est encore anarchique, à l’image de l’héritage de Kadhafi, mais elle commence à s’organier péniblement .
En effet, la ville martyre de la révolution de 2011, ne cesse de combattre les fantômes de Kadhafi , dans une Libye brisée qui prend les allures d’une géopolitique aux portes de l’Europe . C’est par la faute de l’Onu, L’Otan, et les deux principaux instigateurs de la ratonnade de 2011, que la Libye en est arrivée là où elle est maintenant .
Brisée en mille morceaux, par les frappes de l’Otan et la coalition punitive qui s’était constitué à l’appel de la France et la Grande Bretagne , avec l’aide logistique et opérationnelle des Etats-Unis qui, lassés de dix ans de guerre en Afghanistan et en Irak, ont délégué la ratonnade africaine aux petits gendarmes de l’Afrique, en l’occurrence la France et le Royaume uni .
Fait marquant, les frappes de l’Otan et ses alliés ont épargné les champs de pétrole , les raffineries, les oléoducs et autres infrastructures nécessaires à la marchandisation de l’or noir libyen qui, rapportait entre 160 et 400 milliards de dollars à la Libye d’avant la révolution de 2011 .
C’était en mars 2011, à l’heure où le colonel Mouammar Kadhafi affrontait les premières vagues protestataires , une nouvelle séquence d’un « Printemps arabe « , commencé quelques semaines plus tôt , en Tunisie, puis prolongé en Egypte .
Le siège de la ville de Misrata ( troisième après Tripoli et Benghazi ) par les forces loyales à Kadhafi, fut une véritable boucherie . Un millier d’habitants auraient été tués . Cependant, on peut se demander , pourquoi ce déferlement de violence ? Le « guide « libyen avait pensé que la cité lui serait reconnaissante de son opulence , confortée par l’ouverture économique des années 2000 : premier port de la Libye , siège d’une des plus grosses aciérie d’Afrique. Pareille trahison , méritait un châtiment exemplaire .
En effet, la Misrata de la révolution c’est d’abord son martyr original . On dirait un deuil impossible à lever, une mémoire incarcérée . Les stigmates du drame n’en finissent pas de s’étaler sur les murs de la ville . Lui répondant en écho vengeur, les images d’un Kadhafi en sang , lynché par les citoyens de la cité opulente , en octobre 2011 à Syrte . Film, diffusé en boucle sur les écrans de télévision.
La rue de Tripoli, artère principale de Misrata, où artilleurs et snipers de Kadhafi ont semé la mort , a conservé son décor mutilé . Façades éventrées , carbonisées et parsemées d’impacts . Les séquelles ont été maintenues intactes afin de pouvoir témoigner comme un décor mort d’un théâtre dévasté d’un récit sur lequel le rideau ne doit pas tomber .
Au musée des martyrs, les cloisons sont tapissées de photos de centaines de victimes, souvent jeunes , un cortège oppressant de visages de sacrifiés qu’adoucissent à peine des gerbes de fleurs . A l’entrée , un tapis sale, à l’effigie de Kadhafi, où l’on continue à s’essuyer les pieds, injure posthume à laquelle les visiteurs s’adonnent avec délectation.
Comment oublier ? Pour les Misratais, continuer à prendre les armes , c’est tout simplement honorer les morts . « Misrata est la ville qui a souffert le plus en Libye, on ne peut pas abandonner la révolution « . L’homme qui clame sa détermination , n’est pas une tête brulée . Il s’agit en effet, d’un homme d’affaires délié, importateur de frites et de viandes congelées . Il est typique de cette classe marchande de Misrata , frottée aux échanges avec Malte, la Turquie, l’Italie et bien d’autres pays . Et ne pas abandonner la révolution, signifie à leurs yeux, s’arrimer à la coalition « Aube de la Libye « , régnant à partir de Tripoli , sur une grosse partie de l’ouest du pays . Ce rassemblement de groupes islamistes ( principalement les Frères musulmans ) , associés aux salafistes . A cela s’ajoute un mélange hétéroclite de laïcs, des anarchistes et quelques libre –penseurs ayant fait des études supérieures à l’étranger . Leur dénominateur commun demeure , une haine inguérissable de l’ancien dictateur et ses comparses .
Si Misrata est à ce point stratégique dans l’équilibre libyen , c’est parce que la ville contribue à la moitié du potentiel militaire d’Aube de la Libye. Les brigades de Misrata , en sont le véritable bras armé , allant jusqu’à guerroyer dans les sables du sud . Elles combattent l’adversaire de l’opération « dignité « , une coalition de libéraux, d’anti-islamistes, et d’ex-kadhafistes recyclés qui se réclament de la légitimité du parlement exilé à Tobrouk , dans l’est du pays . L’Assemblée avait été élue en juin, 2014, en vertu d’un scrutin reconnu par la communauté internationale .
A cette césure principale sont venus se greffer des rivalités locales et des conflits tribaux , illustrant la fragmentation territoriale du pays. Un tel désordre ayant ouvert des espaces inespérés à des groupes nouveaux . L’Etat islamique (EI) demeure l’un des plus conquérants ayant établi ses bases à Derna (est) et Syrte , à l’ouest . Misrata continue sa révolution de 2011 et prend difficilement la mesure de la nouvelle guerre qui avait commencé avec l’entrée fracassante de Daech ( EI), en Libye parce que l’adversaire de Tobrouk ayant nommé le général K. H. Ancien dignitaire de l’armée de Kadhafi , entrée en dissidence à la fin des années quatre-vingt , à la tête de l’état-major . La ville martyre y voit la preuve que l’ancien régime est de retour (…) Là, serait le vrai péril .
En effet, l’activisme des nouveaux acteurs djihadistes , en particulier ses alliés salafistes de circonstance, au sein d’Aube de la Libye ( tel le groupe Ansar al Charia ), dont les connexions avec Daech , sont établies , demeure aux yeux de certains Misratais , secondaire .
« Nous savons que Daech –acronyme en arabe de L’EI, est présent à Derna et Syrte « . Cependant, pour le moment , ce n’est pas notre problème . Notre priorité, c’est combattre la « contre-révolution « . Est-ce à dire que les djihadistes radicaux ne sont pas un danger objectif pour cette ville imprégnée de culture laïque ? « Nous les combattrons , mais plus tard « , une fois que nous aurons nettoyé la maison .
Ce second front anti-Etat islamique a en fait commencé à s’ouvrir . Syrte, bastion de l’EI dans l’Ouest, est assiégée par les brigades de Misrata . Voilà la preuve , clament les Misratais que leur ville , si elle est alliée aux « Frères musulmans « pour défendre la révolution . est au fond hostile aux djihadistes de Deach (…) sic !
Dans les chancelleries occidentales , les exilés de Tunisie ( un million et demi ) , selon le gouvernement tunisien , où les diplomates traitent avec bienveillance . A l’heure où les Nations Unies, alias le machin , planchent laborieusement sur un plan de réconciliation nationale , Misrata veut présenter les gages nécessaires pour remporter une place de choix dans le partage du pouvoir .
Reste que la métropole portuaire ne partage pas la même analyse du danger représenté par Deach en Libye que les Occidentaux . Les Misratais établissent clairement une hiérarchie entre leurs deux adversaires : les ex.kadhafistes sont toujours tenus pour dangereux que les islamistes radicaux ! A Misrata, on soutient même que l’EI à Syrte, l’ancien fief de Kadhafi, n’est qu’une leurre, mis en scène par les forces issues de l’ancien régime . « Les trois quart de l’EI de Syrte sont des ex-kadhafistes qui veulent prendre leur revanche sur la révolution « , assure un haut cadre de la ville de Misrata (…) Périlleux déni de la réalité de l’enracinement de extrémisme islamiques ?
Ainsi Misrata s’érige-t-elle en rempart de la révolution avec l’assurance ombrageuse de ceux qui ont vu les cadavres de leurs enfants s’empiler à l’arrière des pick-up. Il y a une paranoïa à Misrata , de se voir voler la révolution (…) ! Une telle prétention de Misrata , incarnant la rupture de 2011, avait fini par irriter les autres localités tentées par une pause dans la révolution .
Le malaise est d’autant plus aigu , que les brigades de Misrata éparpillées dans l’ouest et le sud, sons perçues comme des « forces d’occupation « par les locaux . De vieilles est sourdes haines contre les Misratis surgirent de nulle part . Des représailles contre les pro-Kadhafi , notamment les tribus Warfalla et les Noirs de Tawargha , furent d’une extrême violence . Par ailleurs, la lassitude de la guerre est bien présente partout , mais personne s’ose le déclarer publiquement . Depuis le mois de mai, les forces favorables à la paix s’affirement de plus en plus à Misrata au grand dam des groupes les plus islamistes de la ville . Les jeunes sont lassés de cette guerre fratricide . Les étudiants sont les premiers à lâcher prise et refusent de partir au front . Si la réconciliation avec le camp de Tobrouk est encore lointaine, à cause de la personnalité du général Hafter . Jusqu’à présent, Misrata ayant récemment conclu des accords de cessez-le-feu avec certains adversaires ( comme la tribu Warshfana ) , de son voisinage immédiat .
Cependant, comment arrêter les djihadistes ? Les principales capitales arabes et occidentales avaient, en un temps espéré atteindre ce but sans combattre, en confiant le travail à des milices locales aguerries . Mais cette stratégie a montré ses limites . Les Etats-Unis ont dû replonger ces dernières semaines dans le conflit irakien , en menant des frappes aériennes contre Deach , et leurs alliés kurdes, menaçant de prendre trop de terrain . Un nouvel acteur improbable est entré dans la danse macabre en Libye . Il s’agit du richissime Etat pétrolier : les Emirats arabes unis qui, contrairement à leur habitude couarde, ont engagé leur aviation pour bombarder « Aube libyenne « , en passe de conquérir l’aéroport de Tripoli .
Les Etats-Unis assurent n’avoir joué aucun rôle dans ces dernières frappes . Ils jurent même n’avoir pas été avertis de ce qui se tramait . Selon l’administration américaine, l’opération avait été entièrement montée par deux pays arabes , en l’occurrence, l’Egypte et les Emirats arabes unis , qui avaient engagé leurs chasseurs et leurs pilotes . Est/ce à deux reprises . Ce n’est pas par hasard que les Arabes sont toujours en queue de peloton . « Il arrivera le jour où l’on interdira aux Arabes l’enseignement des mathématiques pour les remplacer par les sciences coraniques, comme au bon vieux temps du colonialisme , à la grandes joie des islamistes et autres ennemis du progrès « ****.
CONCLUSION
Période éminemment fragile et volatile . Car comment baisser la garde au milieu des loups ? Comment briser le cercle vicieux d’ancestrales vendetta . La Libye n’a jamais été un Etat souverain. Les Italiens ont créé une colonie qu’ils avaient délaissée après la défaite des forces de l’axe en 1945 . Depuis la Libye a tangué comme un navire sans gouvernail . Les Officiers libres libyens se sont emparés du pouvoir en 1969 . La Libye a vécu son âge d’or pendant les premiers quatre ans . Le reste n’est que les effets pervers de l’or noir . Les libyens seront-ils une Nation ? Rien n’est moins sûr pour le moment !
* « Les pièges d’une guerre « par Serge Halimi – LE MONDE DIPLOMATIQUE –Mars 2002
** « Partition de la Libye « Notre éditorial par sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch -Mars 2002
*** Notre éditorial « Désintégration de l’Irak « paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch - Novembre 2014 ;
*** Notre premier éditorial paru sur IPA PRESS AGENCY Sàrl -Janvier 1991 ;
DR MOHAMED BEN ABDALLAH ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE » ;
EN LIGNE SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch;
DEPUIS le 1er mars 2009 ;
&
EDITORIALISTE – REDACTEUR EN CHEF DU SITE
DEPUIS le 1er mars 2009 ;
DEUMEURANT SIS 1202 GENEVE II ;
Fait à Genève le 03 septembre 2015 .